Pourquoi les journaux?
La presse généraliste et les différentes publications islamiques sur support papier sont très riches et constituent un excellent moyen pour retracer l'histoire des communautés musulmanes. Ceci est particulièrement le cas pour les premières décennies de l'indépendance alors que nombre d'acteurs importants de l'époque sont décédés et que les informations obtenues par le biais des enquêtes orales peuvent comporter des imprécisions. De plus, ces sources écrites offrent à la fois un regard interne et externe sur les activités de différents individus et groupes musulmans. Dans les années 1970 et 1980, la presse généraliste burkinabè et béninoise offrait une couverture relativement limitée de l'actualité touchant les musulmans. Cela se réduisait généralement à des comptes rendus à l'occasion de fêtes islamiques (Aïd al-Adha, Aïd el-Fitr), lors du pèlerinage à La Mecque, l'inauguration de nouvelles mosquées ou la mort de dignitaires religieux.
Une couverture de plus en plus étendue
Cependant, à partir des années 1980, le volume d'articles consacrés à l'islam a considérablement augmenté avec la couverture assez détaillée de nombreuses activités de différentes associations islamiques, ainsi que des conflits et dissensions internes au sein de la communauté musulmane – prenant souvent une tournure médiatique importante.
Les différents articles comportent aussi des témoignages et interviews de leaders musulmans ou de fidèles « ordinaires ».
Les leaders musulmans et les débats sociopolitiques
Les sources écrites représentent également un formidable outil pour accéder aux discours et prises de position sur diverses questions religieuses, sociales et parfois politiques, tant récents qu'anciens, de différents acteurs musulmans. Parmi ces enjeux se trouvent les débats entourant la laïcité, l'organisation du pèlerinage à La Mecque, l'enseignement confessionnel islamique ou encore les réformes du code de la famille.
En outre, la presse généraliste est très révélatrice de l'influence médiatique dont bénéficient différentes figures et associations islamiques. Par exemple, au Burkina Faso, de jeunes « intellectuels musulmans » francophones ont éclipsé les porte-paroles traditionnels de leur communauté durant le processus de transition suivant la chute du président Blaise Compaoré en octobre 2014. En effet, la presse s'avère très utile pour analyser les rapports de pouvoir qui sous-tendent l'accès à la sphère publique et la participation de groupes qui sont habituellement exclus des débats publics tels que les jeunes et les femmes.
Et les arabisants?
La quasi-totalité des articles de presse et publications islamiques de la collection est en français. Par conséquent, celle-ci présente davantage la perspective des musulmans éduqués à l'« occidentale », qui ont suivi un cursus scolaire francophone, laïque ou chrétien, que celle des arabisants. D'éminents leaders musulmans burkinabè formés dans les madrasas et les grandes universités islamiques utilisent l'arabe ou les langues nationales telles que le mooré, le dioula ou le fulfuldé pour rejoindre un vaste public non francophone. Certains d'entre eux ne maitrisent pas le français. La presse généraliste et islamique francophone donne tout de même régulièrement la parole aux arabisants.