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Bantè : la communauté musulmane en ébullition
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- Titre
- Bantè : la communauté musulmane en ébullition
- Créateur
- Alfred Ahounou
- Editeur
- La Nation
- Date
- 30 août 1993
- Résumé
- Que se passe-t-il donc au sommet de la hiérarchie religieuse musulmane de Bantè pour que les fidèles de cette communauté en soient parvenus à se scinder en deux tendances distinctes, ayant chacune à sa tête un guide spirituel ou imam ? Le dévouement à Dieu doit-il s’embarrasser de considérations bassement matérielles et égoïstes ou doit-on plutôt, en tant que serviteur de Dieu, s’astreindre à beaucoup d’humilité, d’abnégation et de charité humaine? Tel ne semble pas être le cas aujourd’hui à Bantè où le drame qui se joue au sein de l’importante communauté musulmane confine plutôt à une manifestation de xénophobie, à un relent pur et simple de frivolité et de rejet d’autrui.
- Page(s)
- 1
- 8
- Sujet
- Boukari Mohamed
- Comité An Sar Dine
- Enseignement confessionnel islamique
- Marna Seïdou
- Mounirou Arouna Irénicaché
- Rivalités et tensions imams
- Détenteur des droits
- La Nation
- Langue
- Français
- Identifiant
- iwac-article-0003234
- contenu
-
Que se passe-t-il donc au sommet de la hiérarchie religieuse musulmane de Bantè pour que les fidèles de cette communauté en soient parvenus à se scinder en deux tendances distinctes, ayant chacune à sa tête un guide spirituel ou imam ? Le dévouement à Dieu doit-il s’embarrasser de considérations bassement matérielles et égoïstes ou doit-on plutôt, en tant que serviteur de Dieu, s’astreindre à beaucoup d’humilité, d’abnégation et de charité humaine? Tel ne semble pas être le cas aujourd’hui à Bantè où le drame qui se joue au sein de l’importante communauté musulmane confine plutôt à une manifestation de xénophobie, à un relent pur et simple de frivolité et de rejet d’autrui.
Les faits
A l’origine de la pomme de discorde entre les fils de Bantè se trouve le personnage de l’actuel imam central de Bantè, El Hadj Mounirou Arouna Irénicaché, un septuagénaire sobre, vif et alerte, à l’allure svelte et au regard malicieux. Cet érudit de l’Islam a été aussi l’instituteur principal de Bantè devant qui des générations d’enfants de cette localité oht défilé, les uns pour acquérir l’enseignement moderne, les autres aussi bien instruction moderne que savoir coranique. Arrivé en 1946 à Bantè à sa sortie de l’Ecole Normale de Dabou (Côte d’Ivoire), El Hadj Mounirou Arouna Irénicaché, mû par sa vocation naturelle pour l’Islam, s’est évertué à en approfondir tous les aspects qu’il consacrera par des pèlerinages successifs à la Mecque d’où il reviendra auréolé et ragaillardi pour se lancer dans sa grande quête d’hommes pour l’Islam, et cela surtout à une période où Bantè croulait sous l’emprise du féodalisme et du fétichisme. Mû par sa foi et encouragé par le colonisateur, le jeune instituteur affranchira nombre d’enfants, tout en se consacrant au rayonnement de l’Islam au service duquel il se mettra entièrement après la retraite. Et c’est d’ailleurs pour pérenniser sa confiance en Dieu que l’imam Irenicaché bâtira de ses propres mains et du produit des quêtes récoltées, une imposante mosquée à double niveau au coeur de la ville et à quelques mètres de la modeste case en banco qu’il habite et où accroupi sur le sol, il s’adonne sans relâche à la lecture des écritures sacrées du Coran.
Il est naturellement évident que le fait d’avoir réussi dans un milieu aussi «hostile» vous tisse de solides inimitiés, et cela s’est traduit sur le terrain pour El Hadj Mounirou Arouna Irénicaché par des provocations grotesques, des diffamations en tous genres et même par des tentatives d’assassinat.
Néanmoins, fort de la confiance des populations et de sa foi inébranlable en Dieu et sentant les premiers stigmates de l’âge, El Hadj Mounirou Arouna s’est finalement résolu à former un successeur que, pendant plus de 8 ans, il a initié à la connaissance et à la culture arabes. Et c’est ce fils spirituel du nom de El Hadj Marna Seïdou qui serait, dit-on, à la base des remous qui agitent aujourd’hui la communauté musulmane. Qu’a donc fait cet homme vertueux pour mériter un tel sort ? A quoi rime la fronde de ces jeunes gens qui piaffent d’impatience à accéder à la charge suprême et qui n’hésitent pas au besoin à rappeler à leur guide ou tuteur spirituel son origine et sa terre de naissance?
Les causes de la division
En effet, pour El Hadj Marna Seïdou, ses partisans et leur chef de file, Boukari Mohamed qui viennent de fonder une nouvelle mosquée et une association dénommée «Comité An Sor Dine», il s’agit plus que jamais de s’immiscer dans la gestion de toutes les affaires qui concernent le développement spirituel et religieux de la ville de Bantè. Ce à quoi, disent-ils, El Hadj Mounirou Arouna Irénicaché s’est toujours opposé par ses actes.
Deuxièmement, la tendance dissidente s’oppose à la rupture des liens de sujétion qui existent entre le grand Imam d’Abomey et la communauté musulmane de Bantè, que El Hadj Mounirou Arouna aurait déjà unilatéralement rompus; en procédant donc ainsi, estiment-ils, l’imam de Bantè en l’occurrence El Hadj Mounirou Arouna se serait de lui-même disqualifié. Enfin, «le Comité An Sor Dine» reproche à l’Imam de Bantè ses airs de suffisance, de fatuité de même que ses prêches acerbes à l’endroit des populations. C’est donc pourquoi en ne contestant pas la charge d’Imam qui lui a été dévolue par leurs parents et les sages, ils souhaitent quand même qu’il renonce volontairement au titre d’Imam central de Bantè d’une part et que de l’autre, il se contente uniquement du titre honorifique d’imam et n’ait plus à jouer aucun rôle officiel lors des manifestations qui se dérouleraient à Bantè. Toutes décisions, que le «Comité An Sor Dine» a d’ailleurs pris le soin de notifier tant aux autorités politico-administratives qu’aux instances religieuses du département.
Des motifs de satisfaction
Au regard de tous ces faits déplorables, le vieil imam de Bantè éprouve encore beaucoup de motifs de satisfaction même si on l’invite à retourner à Sakété sa terre d’origine car non seulement la dissidence est circonscrite, mais aussi la grande majorité des fidèles n’a pas déserté ses rangs et continue toujours à le considérer comme leur guide spirituel. De plus, c’est encore à lui qu’échoient tous les honneurs officiels cas de manifestations.
C’est donc pourquoi l’Imam Mounirou Arouna Irénicaché estime qu’il n’a pas «à éprouver de la frousse face à de telles menées qu’il revient au Tout-puissant de juger».
Mais au-delà de cet épiphénomène, ne s’agit-il pas en réalité d’une manifestation congénitale propre aux populations de cette contrée pour qui tout étranger est par essence un «Alédjo» venu par les exploiter et exploiter les richesses de leur soi? Pour cette raison, il doit être craint et haï. C’est donc pourquoi un «Alédjo» ne doit rien «posséder» à Bantè et ne doit pas non plus «s’approprier de terres pour se livrer aux cultures industrielles. A moins que cet étranger ne s’intègre à la communauté par les liens de mariage ou de famille.
Et si l’envie ne lui prend pas, qu’il ne soit pas surpris de subir la fameuse règle de joladjè» ou «nous suçons l’étranger» ou bien «nous profitons de l’étranger à Bantè». A bon entendeur...
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