Article
La religion comme arme pour confisquer le pouvoir
- Titre
- La religion comme arme pour confisquer le pouvoir
- Type
- Article de presse
- Créateur
- Jean-Claude Coulibaly
- Editeur
-
Le Patriote
- Date
- 27 août 2005
- DescriptionAI
- Face à son isolement politique, le Président Gbagbo instrumentalise la religion pour fédérer les Ivoiriens et inciter à une « croisade » contre ses opposants politiques, dépeints comme non-chrétiens ou impies. Il se positionne comme le champion des chrétiens, cooptant des leaders religieux pour diffuser un discours appelant à une « guerre spirituelle » aux implications physiques. Cette stratégie, déjà employée avec succès en 2000, vise à mobiliser l'électorat chrétien. Le texte met en garde contre les dangers de cette instrumentalisation religieuse et appelle à la vigilance des chrétiens ivoiriens.
- Langue
- Français
- Contributeur
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Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0011461
- contenu
-
Isolé politiquement, Gbagbo se rabat sur la religion
Le quotidien progouvernemental a publié une interview d'un certain Monnet Gabriel se disant homme de Dieu. Ce dernier appelle ouvertement à la guerre contre les Forces Nouvelles pour un retour de la paix en Côte d'Ivoire. Loin d'être un acte isolé, cette sortie procède d'un plan d'ensemble rondement exécuté par le camp présidentiel et son chef. Gbagbo veut fédérer une grand partie des Ivoiriens autour de sa personne en instrumentalisant la réligion. Vigilance.
Explorer toutes les pistes tant qu'on le peut. Telle est la devise qui semble guider l'action politique du Président Gbagbo. De son accession au pouvoir, en octobre 2000 à maintenant, en passant par le déclenchement de la crise, le 19 septembre 2002, et la signature des différents accords de paix, Gbagbo a tout essayé pour sa survie politique. Comme un chat, l'ex-député de Ouragahio a toujours su retomber sur ses pieds au moment où les observateurs ou acteurs politiques l'annonçaient ou le prenaient pour un homme affaibli ou fini.
En sachant justement tirer bonne partie de cette maxime. Comme pour démontrer qu'on ne change pas une tactique qui gagne, Gbagbo est sur le point de récidiver. Isolé de plus en plus politiquement, le chef de l'Etat a décidé d'abattre sa dernière carte : la religion. Le Président de la République sait qu'actuellement, le discours « patriotique » emballe de moins en moins les Ivoiriens. Le spectre du péril français ou de l'agression extérieure que brandissaient, à tout bout de champ, son clan et lui ne prend plus.
Après trois ans de conflit, les Ivoiriens dans leur majorité ont compris que les causes du problème ivoirien sont à chercher plus à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Côte d'Ivoire. Convaincus que "le natif de Mama" est en grande partie responsable de ce qui arrive à la Côte d'Ivoire, les Ivoiriens, à l'approche des joutes électorales ne veulent plus se laisser embarquer dans des aventures ambiguës saupoudrées de discours ultranationalistes et xénophobes. Passées l'euphorie et les folles émotions des premières heures de la crise, le peuple ivoirien est plus gagné par la raison que par la passion. « Que faire donc pour fédérer les Ivoiriens de tous bords politiques autour de ma personne ? », telle est l'équation que se pose intérieurement Gbagbo Laurent.
La seule piste qui s'offre actuellement à lui est la religion, sources de grandes passions. Aujourd'hui, la stratégie du camp présidentiel est simple. Faire passer le Président Gbagbo pour le champion des chrétiens. Et les autres leaders, pour les agents de la Franc-maçonnerie, de la Rose Croix, du fétichisme et de l'Islam qui veulent sucer le sang des enfants de la Côte d'Ivoire. Des hommes de Dieu( ?) ont été cooptés pour abattre ce travail dans les temples et églises. Les interventions dans la presse proche du pouvoir des pasteurs et prêtres, depuis un certain temps, ne sont pas fortuites. La Première Dame a même donné le ton, aux lendemains des déclarations fracassantes du Général Mathias Doué sur RFI. « Nous n'avons pas peur de Doué. C'est Dieu qui a mis Gbagbo au pouvoir », a-t-elle répondu en substance. Ses tournées, en ce moment, dans les temples évangéliques et charismatiques participent de cette vaste escroquerie morale et spirituelle.
Une stratégie qui a déjà fait ses preuves
Cette stratégie avait été expérimentée avec succès en 2000, selon le camp présidentiel. Des organisations telles que la FEECI (Fédération des Eglises évangéliques de Côte d'Ivoire) avait été mises à rude contribution. Des séances et veillées de prières avaient été organisées au stade Félix Houphouët-Boigny et au Palais des sports. Des consignes telles que "ne pas manger la viande de sacrifice des musulmans pendant la Tabaski 2000", sous prétexte que tous ceux qui en mangeraient tomberaient sous le coup de l'envoûtement, avaient même été données dans les différentes dénominations chrétiennes. Aujourd'hui brouillé avec la FEECI, Gbagbo s'appuie sur les responsables du CNEEPCI (Conseil national des Eglises évangéliques et protestantes de Côte d'Ivoire) pour essayer de rééditer son exploit d'il y a 5 ans.
L'alibi de la croisade contre les impies
Cette fois-ci, l'objectif visé n'est pas d'assurer le vote populaire du champion des frontistes dans les urnes. Mais d'entraîner, tous les Ivoiriens d'obédience chrétienne dans une sorte de croisade contre leurs frères et soeurs de l'autre côté du "rideau de fer", considérés le plus souvent, à tort, comme des musulmans ou des animistes oeuvrant pour les ennemis communs que sont le docteur Alassane Dramane Ouattara et le Président Henri Konan Bédié. Ou encore pour les rebelles, adeptes du vampirisme. Les appels à la guerre sainte de certains illuminés proches du palais contre « les esprits de Franc-maçonnerie, de Rose-croix, de Vaudou, l'esprit de Poro, l'esprit vampire » doivent amener à réfléchir dès maintenant. Avant qu'il ne soit trop tard pour la Côte d'Ivoire. Ces hommes de Dieu qui lancent de tels appels sont en mission commandée pour le pouvoir FPI. Comment comprendre que l'on parle de « guerre spirituelle » et que l'on appelle à mettre un terme à cette guerre par des moyens physiques ? Les chrétiens ivoiriens doivent rester vigilants. Car, les croisades des croisés, en terre sainte, au Moyen âge, l'inquisition avaient été initiées à la demande de certains illuminés et zélés d'alors. L'histoire témoigne encore des monstruosités commises au cours de ces actions pourtant cautionnées par l'Eglise à l'époque.