Article
À la veille de la marche du 25 mars, l'Imam de la cité «U» d'Abobo torturé par la FESCI
- Titre
- À la veille de la marche du 25 mars, l'Imam de la cité «U» d'Abobo torturé par la FESCI
- Type
- Article de presse
- Créateur
- Ferdinand Yao
- Editeur
-
Le Patriote
- Date
- 7 avril 2004
- DescriptionAI
- Le 24 mars, l'étudiant Fofana Abdoul Karim, également Imam de la Cité universitaire d'Abobo II, a été arrêté et brutalement torturé par des membres de la FESCI à l'entrée de sa résidence. Soupçonné à tort d'avoir participé à une réunion politique du RDR, il a été violemment battu, ses biens volés, et laissé pour mort après que la FESCI ait repoussé les tentatives d'intervention policière. Il s'est réveillé à l'hôpital et s'est vu interdire l'accès à la Cité.
- Sujet
- Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d'Ivoire
- Rassemblement des républicains de Côte d'Ivoire
- Langue
- Français
- Contributeur
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Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0011294
- contenu
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Dans la soirée du 24 mars dernier l'étudiant Fofana Abdoul Karim, par ailleurs Imam de la Cité universitaire d'Abobo II, est arrêté par les membres de la FESCI à l'entrée de cette résidence où il est logé. Le soupçonnant d'être revenu d'une réunion du RDR, les fescistes le torturent et le laissent pour mort sur le goudron. Témoignage d'une nuit de calvaire.
«Depuis le mois de février 2000 que je réside à la Cité universitaire d'Abobo II, je n'ai jamais participé à une activité politique. Ce qui m'a permis de demeurer dans cette Cité. Les étudiants qui militaient dans les partis d'opposition ont été chassés de la Cité par la FESCI au début de la dissidence de Doumbia Major. Ceux qui sont restés ont, à leur tour, été mis dehors lorsque la situation socio-politique du pays connaissait des moments de tension. Depuis quatre ans donc, je réside dans cette Cité.
Le mercredi 24 mars dernier je me suis entretenu avec mes frères musulmans sur les conditions de l'organisation de notre Assemblée générale. J'ai longuement discuté avec le président des étudiants musulmans de notre Cité. Et après, je suis allé rencontrer d'autres personnes ressources en dehors de la Cité. Notamment, le président sortant des étudiants musulmans d'Abobo I afin qu'il m'instruise sur la manière dont il a organisé son Assemblée générale, le samedi précédent.
Après cette rencontre, je suis rentré en famille vers de 18 heures. Ce que je fais chaque jour pour regarder le journal télévisé, manger, prendre certaines affaires et retourner en Cité à 21 heures ou 22 heures.
Ce mercredi 24 mars, j'avais décidé de passer la nuit à la maison. Mais la Cité me tenait tellement à coeur. Puisque je ne me reprochais rien je me suis résolu à aller dans ma résidence universitaire.
Lorsque je m'y rendais, j'ai constaté la présence de barrages en plusieurs endroits. Les Forces de l'ordre raflaient les passants. Cela ne m'a nullement influencé et j'ai continué mon chemin.
Arrivé à l'entrée de la Cité, les membres de la FESCI en faction devant le portail m'ont interpellé. J'ai d'abord pensé à une manoeuvre d'intimidation de leur part. Car je les connais presque tous. Pendant qu'ils me posaient des questions, l'un d'entre eux m'a frappé sur la tête avec une bouteille.
Au cours de cet interrogatoire, ils m'ont demandé d'où je venais. Car pour eux, j'étais allé participer à une réunion du RDR sur la marche du lendemain 25 mars. Ils m'ont enjoint de dire la stratégie que nous avons mise en place concernant la marche. Je leur ai répondu que je venais d'une réunion religieuse.
Ce que j'ai confirmé en leur présentant le procès verbal de ladite réunion. Ils ont confisqué le document et pendant que j'étais arrêté là, certains sont allés perquisitionner ma chambre. Aucun document proche d'un parti politique n'a été trouvé à l'issue de cette fouille.
Parmi eux, il y avait un qu'on appelle «Freddy». Il est membre du Bureau de la section d'Abobo II.
En sortant de ma chambre, les éléments de la FESCI ont emporté quelques effets vestimentaires m'appartenant et une somme d'argent de plus de 26 000 francs CFA. Mes cartes d'identité, d'étudiant et de bus ont aussi été confisquées.
Après cette perquisition, ils m'ont dit qu'ils me libéreraient si j'avouais la vérité sur les stratégies de la marche. Je leur ai dit qu'il n'y avait qu'une seule vérité. Celle qui est que la politique ne m'intéresse pas et que leur perquisition n'a rien donné qui puisse me compromettre. Ils ont alors répliqué en affirmant ceci : «Puisque tu ne veux pas dire la vérité, on va t'infliger une correction qui va t'amener à avouer ce que tu sais».
Au même moment, ils ont commencé à me battre avec des gourdins, des couteaux, des machettes et des ceinturons. Une patrouille de police passant par là, attirée par mes cris s'est approchée de la Cité pour essayer d'intervenir.
Les membres de la FESCI ont intimé l'ordre aux policiers de retourner d'où ils venaient parce que, selon eux, c'était une affaire qui ne concernait que leur section et que d'ailleurs, les policiers n'avaient aucun pouvoir sur eux. Ces policiers sont donc repartis.
Lorsque mes bourreaux ont vu que je saignais, ils m'ont traîné en direction du Commissariat du 13e Arrondissement d'Abobo. Chemin faisant, nous avons rencontré une autre patrouille. Les membres de la FESCI ont dit aux Forces de l'ordre que j'étais un assaillant qu'ils venaient d'arrêter au sein de la Cité. Le chef de cette patrouille leur a répondu qu'aucun Commissariat ne peut recevoir un homme dans cet état.
Ils ont alors demandé que les Forces de l'ordre appellent les pompiers. Ce qu'elles ont fait. Après 45 minutes d'attente, voyant qu'aucun Pompier n'arrivait, ils m'ont abandonné sur la route pour ne pas que je meurs dans leurs mains.
Ayant perdu beaucoup de sang, j'ai perdu connaissance. J'ai été surpris de me réveiller à 6 heures du matin sur un lit de l'hôpital Houphouët-Boigny d'Abobo. Je ne sais pas ce qui s'est passé entre 23 heures, heure à laquelle ils m'ont laissé pour mort sur la route et 6 heures du matin, le jeudi 25 mars.
En outre, m'ayant battu le mercredi nuit et voyant mon état, ils ont appelé un étudiant en médecine. Ce dernier leur a répondu qu'il ne pouvait rien faire, vu la gravité de mon état et les nombreuses blessures que j'avais. Il leur a proposé de me conduire dans un hôpital. Ils n'ont pas apprécié et ont menacé l'étudiant en médecine qui s'est retiré.
Depuis ce jour, les membres de la FESCI d'Abobo II m'ont interdit tout accès à la Cité. Ils ont dit que j'étais banni de ma chambre. Cependant, j'ai pu obtenir mes pièces grâce à leur Secrétaire général avec qui j'ai fait le Lycée moderne de Daloa. Le jour des faits ce dernier était absent.
Propos recueillis par Ferdinand Yao (Stagiaire)