Article
Des jeunes chrétiens et musulmans racontent leurs journées de Carême
- Titre
- Des jeunes chrétiens et musulmans racontent leurs journées de Carême
- Type
- Article de presse
- Créateur
- Sindou Cissé
- Editeur
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Le Patriote
- Date
- 24 mars 2004
- DescriptionAI
- Ce texte décrit la manière dont des chrétiens de Côte d'Ivoire observent le Carême en 2004, à travers les témoignages de trois fidèles : Assouan Olivier, Synthia Kouadio et Grah Donatien. Ils s'engagent dans des pratiques de prière accrue, de jeûne (souvent discret), d'abstinence (sexuelle ou alimentaire) et de réflexion spirituelle pour se rapprocher de Dieu. Leurs récits illustrent des adaptations quotidiennes variées, incluant des sacrifices personnels et des gestes de charité, reflétant l'importance de cette période de discipline spirituelle.
- Langue
- Français
- Contributeur
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Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0011256
- contenu
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Les chrétiens du monde vivent, depuis plus de deux semaines, le temps de Carême qui durera jusqu'à la Pâques (le 11 avril 2004). En Côte d'Ivoire, beaucoup de jeunes se soumettent aux règles de cette période en priant et en jeûnant davantage. Certains d'entre eux ont bien voulu nous relater leur quotidien.
Assouan Olivier, trente ans est chrétien pratiquant. Célibataire, il habite le sous-quartier «RDA» de la commune de Koumassi où il partage le même toit que son frère aîné. Comme ses coreligionnaires du monde entier, Olivier vit la période du Carême 2004 depuis le 25 février dernier, date de la prise de la Cendre (mercredi des Centres). Il voudrait, à travers ce moment de haute spiritualité et de privation, se «rapprocher davantage du Seigneur». Le défi requiert un effort dont Olivier affirme avoir pris la mesure quelques jours avant même le début du temps de Carême. «J'ai pris l'engagement d'être un chrétien exemplaire», dit-il. Pour y parvenir, il se réveille chaque matin très tôt pour la prière.
Après avoir «imploré Jésus», pendant trente à quarante minutes, il prend son bain et se rend dans son «Business Center», situé au rez-de-chaussée de l'immeuble qu'il habite. Il monte, parfois, pour chercher dans sa chambre, située au 2e étage, des documents ou des articles utiles pour son activité.
Mais, le plus souvent, lorsqu'il parvient dans sa chambre, Olivier fait des prières, dans la tranquillité. Le reste du temps, il s'adonne à des causeries avec des voisins devenus ses «frères». En effet, le plus gros des tâches du «Business-Center» est accompli par des employés. Dans ses rapports avec les autres, il se veut le plus naturel possible. Il parle de tout et de rien avec ses collaborateurs, son objectif étant que son entourage ne s'aperçoive pas «que je jeûne», comme le Curé de sa Paroisse l'a conseillé à tous les fidèles. Mais, Olivier ne peut pas toujours cacher son état. Car, les mercredi et vendredi, jours par excellence de jeûne pour lui, il ne partage pas, comme d'habitude, le petit-déjeuner avec ses «frères» dont certains sont musulmans et d'autres chrétiens. «Je suis obligé, ce jour, de leur expliquer que j'observe le jeûne», avoue-t-il.
A la différence de son frère et voisin, célibataire comme lui (ils sont seulement deux dans l'appartement), mais préoccupé plus par ses affaires, Olivier se rend chaque dimanche à la Messe et lit très souvent la Bible. Il affirme s'être engagé à ne pas avoir de rapports sexuels durant tout le temps de Carême, selon les prescriptions bibliques.
Elle a tout abandonné pour «Jésus»
Lorsque nous rencontrions Mlle Synthia Kouadio, ce mardi midi, elle venait de se recueillir à la «Grotte» dans l'enceinte de la Paroisse «Notre Dame d'Assomption» de Koumassi. Elle est venue-là, après son cours d'éducation physique et sportive (EPS). «J'ai eu cours à 7 heures ce matin», a-t-elle indiqué, expliquant qu'elle est élève en classe de Terminale. Quand elle n'est pas à l'école, Synthia, affirme être «toujours aux côtés de Jésus», c'est-à-dire à l'Eglise. Surtout pendant ce temps de Carême où elle se rend chaque matin à la Messe de 6 heures. «Mais, dans le cas contraire, je viens faire juste le signe de croix et je me rends en classe. Après les cours, je viens faire mon adoration», a-t-elle expliqué sous un ton visiblement tempéré, sans doute par sa foi. La jeune fille de vingt ans affirme observer le jeûne tous les jours de classe. Elle ne veut pas jeûner quand elle est à la maison, parce que son refus de participer aux repas familiaux attire trop d'attention sur elle. En outre, son père qui «ne va plus à l'Eglise», n'aime pas qu'elle s'abstienne de manger à son âge.
En classe, Synthia dit être la plus naturelle possible et évite d'offenser ses camarades. A la maison, lorsqu'elle n'est pas en train d'étudier, elle lit la Bible ou aide, à la cuisine, sa mère qui demeure son seul soutien, parce qu'aussi fervente chrétienne. «Papa ne jeûne jamais et n'a jamais le temps d'aller à l'Eglise», déplore-t-elle.
La jeune fille dit ne pas aimer les sorties ni les promenades. Elle jure ne pas avoir un petit ami ni de rapports sexuels. Pendant ce temps de Carême, elle ne rate jamais les séances de prières du Renouveau charismatique, un mouvement de sa Paroisse. Elle prend aussi part, chaque vendredi à midi, au «Chemin de croix».
«Nous économisons pour les pauvres»
Quant à Grah Donatien, 32 ans et fidèle de la Paroisse Sainte Bernadette de Marcory, il partage cette période de Carême avec son épouse. «Nous nous réveillons chaque matin à 6 heures pour prier ensemble, pendant une trentaine de minutes», explique-t-il. Pendant cette prière, ils disent merci à Dieu d'avoir veillé sur eux pendant la nuit, et lui demandent de bénir leurs activités de la journée. Après cela, Madame se rend au travail. Donatien, lui, restera à la maison jusqu'aux environs de 14 heures, moment auquel il se rend à son service. Son épouse, elle, rentre le soir à 18 heures et s'attèle à la préparation du dîner, en attendant le retour de son mari qui ne revient qu'à 22 heures.
«Nous prenons le repas ensemble, suivons le dernier journal télévisé et nous entrons dans la chambre pour prier avant de nous mettre au lit», poursuit l'homme. Pour ce couple, le temps de Carême n'est pas une période de ripailles, pendant laquelle il faut manger à satiété. Bien au contraire, il le considère comme un moment où il faut se nourrir avec mesure. Ainsi Donatien et sa conjointe ont-ils décidé, pour cette période, de réduire de 30 000 F à 20 000 F le budget de la popote mensuelle, soit un seul repas par jour, à savoir le dîner qui est fait maintenant de mets légers comme la salade ou les grillades. «Quand ce n'est pas le temps de Carême, nous nous permettons de consommer du riz, de l'attiéké, même du foutou, les soirs», rappelle-t-il.
Ils jeûnent également les mercredi et vendredi. Mais, selon Donatien, que ce soit un jour de jeûne ou pas, leur argent de poche est considérablement réduit pendant cette période. L'argent qu'ils mettent de côté leur permettra, selon lui, de faire une offrande aux démunis au moment de la Pâques, c'est-à-dire à la fin du Carême ou faire un don à la CARITAS.