Article
Béma Fofana (Président du Syndicat des démarcheurs) : "Le ministre des Cultes n'a pas joué franc-jeu avec nous"
- Titre
- Béma Fofana (Président du Syndicat des démarcheurs) : "Le ministre des Cultes n'a pas joué franc-jeu avec nous"
- Type
- Article de presse
- Editeur
-
Le Patriote
- Date
- 2 février 2004
- DescriptionAI
- Béma Fofana, impliqué dans l'organisation du Hadj 2004, explique pourquoi 300 pèlerins n'ont pu voyager. Il attribue les difficultés à des retards de transfert de fonds par la banque Omnifinance et à un système ministériel excluant les démarcheurs. Fofana dénonce un manque de transparence et des coûts excessifs imposés par le ministère, suggérant l'élimination de certains frais et une organisation indépendante pour réduire les coûts et éviter la corruption. Il précise que seul le coût du transport lui incombe pour les remboursements.
- Langue
- Français
- Contributeur
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Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0011178
- contenu
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Impliqué dans l'organisation du Hadj 2004, Béma Fofana a été mis en cause dans les difficultés qu'ont connues 300 candidats au pèlerinage qui n'ont pu effectués le voyage en terre sainte. Il donne ici sa part de vérité sur cette question qui était au centre de l'actualité cette semaine.
Comment se fait-il que plus de trois cents pèlerins inscrits auprès de vous n'ont pu effectuer le voyage de la Mecque cette année ?
C'est d'abord pour des raisons financières. Les fonds ne sont pas arrivés tôt. Je suis le président du syndicat national des démarcheurs. Le système qui a été mis en place par le ministère élimine complètement les démarcheurs alors qu'on ne peut pas organiser le Hadj sans eux.
Est-ce que ce n'est pas justement pour éviter tout ce désagrément que le ministère a décidé de regrouper le transport avec la caution des associations ?
Ces associations tiennent un double langage. On se connaît dans ce milieu. Le problème du charter est simple. Il faut payer l'avionneur au moment où il le faut. Si vous l'avez payé, il n'y a pas de raison qu'il ne vienne pas.
Est-ce que vous l'avez payé ?
La difficulté que nous avons eue est partie du fait que la banque Omnifinance qui a été imposée pour l'organisation du Hadj n'a effectué le transfert de fonds à mon avionneur que le 24 janvier alors que nous lui avons demandé de le faire depuis le 14 du mois. Le 24 janvier, on était pratiquement à la veille de la fermeture de l'aéroport pèlerin de Djeddah. Donc, mon avionneur n'a pas eu le temps nécessaire pour faire les documents administratifs qu'il faut pour effectuer le déplacement. Lorsque nous avons su cela, nous avons informé le ministère. Ensemble, on cherchait un autre avionneur lorsque Olo Honorine nous a dit qu'elle avait un avion. Nous avons pris contact avec elle mais son avionneur était cher. Nous avions pris 610 000 francs pour le billet alors que son avionneur demandait 760 000 francs. Face à ce manque à gagner, sous le couvert du ministère des Cultes, nous avons écrit au Président de la République. Il nous a accordé le montant que nous avons demandé pour pouvoir faire le vol. Mais, malheureusement lorsque nous avons demandé à notre avionneur de transférer les fonds sur le compte du nouveau avionneur, il a préféré remettre le chèque au consulat. Mais ce chèque est revenu pour insuffisance de provision. Nous l'avons appris à 17h20. Ce qui correspondant à 20h 30 de l'autre côté. Donc, l'opération n'a pas pu se faire.
Est-ce que vous n'auriez pas pu vous adjoindre à une des structures reconnues agréées pour faire passer vos pèlerins et avoir le soutien du ministre.
C'est comme cela que nous avons procédé. C'est l'information qui manque. Nous nous sommes joint à l'association de Bouaké qui fait partie des treize associations agréées. Nous avons fait tous nos documents avec elle. Nous avons tout payé avec le ministère. En dehors du transport, tout le reste a été fait avec le ministère. Parmi ceux qui sont restés, il n'y a pas que les pèlerins de chez nous. Il y a les pèlerins du Front de la Ouma Islamique (foi) qui sont restés. Il y a également vingt pèlerins du CSI qui sont-là. On a travaillé avec le ministère.
Si vous avez travaillé avec le ministère, comment se fait-il que bien que vous soyez dans les limites de la loi, vous n'avez pas pu trouver un avion ?
Malheureusement, dans ce milieu, on ne travaille pas franchement. Sinon, nous n'avons rien à nous reprocher. Nous avons travaillé dans la transparence avec le ministère. Le problème est parti du fait que nous avons demandé la libéralisation du Hadj. Nous avons la pratique de ce métier. Nous avons l'habitude de loger les pèlerins de Médine à la Mecque entre 200 et 1000 rials. Mais dans la nouvelle organisation on nous dit de payer 1800 rials. Pour des logements qui ne sont pas mieux que ceux où nous avons l'habitude de loger les gensp. Je pense que dans cette affaire, le ministère n'a pas joué franc-jeu avec nous.
Le ministère a-t-il sciemment ralenti vos activités ?
Je suis obligé de le penser.
Comment peut-on, selon vous, réduire les frais du pèlerinage pour permettre aux plus pauvres d'accomplir ce pilier fondamental de l'Islam ?
Il faut éliminer un certain nombre d'éléments dans la composition du montant de pèlerinage. Notamment, les 120 000 francs de frais d'encadrement. Il faut aussi éliminer les 30 000 francs de vaccination. Moi, je vais en Arabie Saoudite pour le petit pèlerinage mais je ne paie pas autant. C'est de l'arnaque tout cela.
Les organisateurs sont accusés de se sucrer sur le dos des pèlerins. Comment cela est-il possible ?
Pour le billet d'avion, le coût est normal. Mais là, où les gens se sucrent, c'est dans le logement. Pour les logements, il faut payer entre 200 et 1000 rials. Raisonnablement, on peut demander aux pèlerins 1200 rials. Cela fait la bagatelle de 40 000 francs. Mais lorsqu'on le fixe à 1800, cela est trop. Alors que malheureusement, ils ne sont pas logés dans des maisons de 1800 rials. Puisqu'il y a beaucoup de pèlerins, les gens brassent beaucoup d'argent.
Il y a une question fondamentale. Vous vous rendez compte qu'on tente absolument de vous exclure de l'organisation de cette opération pour que vous dirigiez vos pèlerins vers le grand groupe du ministère. Mais pourquoi vous ne vous exécutez pas ?
Le ministère avait les mêmes problèmes que nous. Vous avez vu combien de temps ces avions ont mis ici. C'était pratiquement la même chose. Et le dernier avion est resté là pendant trois jours. Et c'était pour les mêmes papiers administratifs. Ce n'était pas aussi fluide qu'on veut le faire croire.
Pourquoi n'avez-vous pas décidé de reverser votre quota dans celui d'une association ?
J'avais déjà l'autorisation et rien ne s'opposait à cela. Et chaque fois, on me donnait l'impression qu'il n'y avait pas de problème. Mais chaque fois que je sortais d'un obstacle, je trouvais un autre devant. C'est ça la vérité.
Le ministère a confié le transport à la compagnie Air Universal alors qu'on se rend compte que vous avez d'autres agréments pour Almana Charter...
Nous sommes dans un pays libéral, il faut laisser les gens voyager par les compagnies qu'ils veulent. J'aurai peut-être pu me battre pour demander exclusivement le transport mais je dis non. Plusieurs personnes avaient l'habitude de voyager par Ethiopian Air Lines ou par Egypt Air. A un moment donné, elle leur ont fait appel mais ils n'ont pas voulu. Donc, c'est avec Air Universal qui est d'ailleurs plus cher qu'ils ont opté. Voilà plusieurs années qu'on organise le Hadj, on doit pouvoir arriver à maîtriser tous les contours et réduire le coût du pèlerinage. D'ailleurs, cette année encore, beaucoup d'Ivoiriens sont partis par le Ghana. Habituellement, compte tenu du coût élevé du pèlerinage ici, les personnes qui vivent les zones d'Abengourou, d'Agnibilékro, de Bondoukou et Bouna passent par le Ghana. Là-bas le coût du Hadj est de 1 million 80.000 F CFA alors que chez nous ici, on est à 1 million 250.000 F CFA. L'année d'après, on passe à 1,3 million et ainsi de suite. Mais pourquoi cela. On habite les mêmes endroits, les mêmes locaux que ces derniers. Et ce sont les mêmes avions que nous empruntons. Lomé était à 960.000 F CFA pourquoi sommes-nous à un autre montant qui du reste est très élevé ?
Et que comptez-vous faire avec ces gens qui ne sont pas partis ? On vous demande de les rembourser ou non ?
C'est très important. Il faut que les gens comprennent que s'il y a à rembourser, ce n'est que le titre du transport. Parce que c'est ce que j'ai pris avec eux. Les autres éléments doivent être remboursés par le ministère, et moi-même je suis dans ce cas. Car, j'ai payé le logement avec le ministère, les taxes saoudiennes aussi. Si j'ai quelque chose à rembourser, c'est exclusivement le billet d'avion.
ll y a un gros problème. On se rend compte qu'au titre de vos responsabilités, vous avez tenté de braver la macrostructure pour imposer, votre organisation...
Mais nous avons déposé nos papiers et nous espérons avoir l'agrément l'année prochaine. Et nous avons tous les papiers. On n'a pas causé de problème et c'est pour cela que nous sommes allés avec l'organisation de Bouaké qui est une association agréée. Les autres années, c'était la même chose. Seulement comme le ministère a tout centralisé, cette fois-ci, c'est ça qui a posé le problème.
On se rend compte que vous avez beaucoup de problèmes. Des associations ont estimé que 1,5 million était vraiment le coût idéal qui permettrait de faire un pèlerinage non déficitaire ?
Je suis d'accord avec vous. Mais, je vous ai dit tantôt que les pèlerins des pays limitrophes que nous rencontrons ensemble à la Mecque, prennent les mêmes avions et habitent les mêmes endroits. Et pourquoi ils payent moins chers ? Le coût réel varie entre 1 million 200 et 1 million 250 francs CFA. Mais, je conseille aux parents des pèlerins qui les font partir de donner un peu plus. Au niveau des vaccinations, c'est de l'arnaque, c'est une affaire de gros sous. Quand on me dit 120 000 F CFA pour les frais d'encadrement, je ne comprends pas. Parce que le pèlerin paie tout (transport, hébergement...). Et ces associations, une fois arrivées à la Mecque, abandonnent le pèlerin. Même quand ce dernier a des problèmes en terre sainte, les Arabes ne connaissent pas les associations. Ils demandent quel démarcheur l'a envoyé.
Pour faire un peu de comparaison, on se rend compte que chaque fois que les Chrétiens font leur pèlerinage, ils reviennent sans problème. Mais chaque année, quand les musulmans organisent leur pèlerinage, il y a des gens qui sont laissés ici ou à la Mecque. Est-ce qu'on ne pourrait pas dire que les musulmans aiment tellement l'argent qu'ils créent un désordre pour pouvoir soutirer des sommes à leurs frères ?
Malheureusement, c'est exact. C'est pour cela qu'en dehors du Hadj, vous avez du respect pour certaines personnalités. Mais, quand vous les voyez dans le milieu du Hadj, vous êtes déçu. Aujourd'hui, on doit tendre vers une organisation indépendante qui va gérer le Hadj. Une structure qu'on mettra peut-être en place avec des gens expérimentés pour gérer cette affaire. Je vous assure qu'on peut gérer le Hadj dans la transparence. Et ça c'est ma conviction. Moi-même, je suis ébranlé et je me demande si je dois continuer. Car, ce qui est arrivé m'a assommé complètement. Je suis vraiment malheureux. Et je le dis sincèrement.