Article
Liberté de la presse : deux journalises de "Plume Libre" interpellés
- Titre
- Liberté de la presse : deux journalises de "Plume Libre" interpellés
- Type
- Article de presse
- Créateur
- Séry Bailly
- Editeur
-
Le Jour
- Date
- 22 février 1995
- DescriptionAI
- Cet article dénonce les atteintes à la liberté de la presse, rapportant l'arrestation de journalistes de "Plume Libre" pour "spéculation ethnique" et le procès de ceux de "La Patrie" pour s'être intéressés aux origines du président Henri Konan Bédié. L'auteur critique l'utilisation de l'accusation d'"offense" pour emprisonner les journalistes, y voyant une tentative de cacher la vérité et un glissement vers le totalitarisme et la censure.
- nombre de pages
- 2
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0010875
- contenu
-
LIBERTÉ DE LA PRESSE
Deux journalistes de “Plume Libre” interpellés
Dembélé Fousséni, directeur de publication du mensuel islamique “Plume Libre”, et Doumbia Ibrahim alias Kémé Brahima, journaliste, ont été interpellés par la brigade de recherches hier dans la matinée et gardés à vue. Motif : spéculation ethnique... A qui profitent les arrestations, menaces et chantages dont sont l’objet les journalistes ?
Le procès de “La Patrie” s’ouvre ce matin
M. Abou Cissé et De Bê Kwassi de l’hebdomadaire “La Patrie” arrêtés pour s’être intéressés aux origines du président Henri Konan Bédié, comparaissent aujourd’hui à 13 heures devant le tribunal de première instance d’Abidjan.
“Reporters sans frontières” écrit à Bédié
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CHRONIQUE
Les offenses
Des journalistes ont encore été conduits en prison. Les procès à venir nous diront les raisons de ces incarcérations. Il est intéressant d'analyser les propos tenus dans le contexte politique actuel. On a emprisonné pour des raisons d'offense, on menace d'emprisonner pour raison de trahison.
L'accusation d'offense est bien curieuse. Nous apprenons que les journalistes n'ont pas fait preuve de modération conformément aux conseils qu'on leur a prodigués. Alors je me demande si on peut offenser modérément. Ou on dit la vérité ou on profère des mensonges. La meilleure réplique au mensonge est donc la vérité. Celle-ci également n'est ni excessive ni modérée, car une demie vérité appartient à la famille du mensonge.
Emprisonner pour généalogie offensante est une maladresse dont on ne voit pas les implications. Si on dit que faire venir la mère de notre chef du Ghana est une offense au lieu d'un mensonge, cela pourrait signifier que la nationalité ghanéenne est honteuse. Si on emprisonne aussi au lieu de montrer le mensonge, c'est qu'on veut cacher quelque chose de honteux. On dit que la vérité est belle quand elle nue, alors nous les membres du CNV (Cercle national des voyeurs) sommes impatients de "zieuter". Le raisonnement vaut également pour la moralité de notre chef. On peut empêcher la vérité de sortir de la bouche ou de la plume, mais on ne la transforme pas ainsi en mensonge.
Séri Bailly
Il faut éclaircir ces années sombres comme il importe de publier les résultats de certains audits payés par le contribuable. Ou la culpabilité est établie ou elle ne l'est pas. Alors on peut pardonner la faute ou sanctionner la diffamation. Nous voulons des dirigeants qui aient le sens de la honte et non sensibles au seul fait d'avoir été honnis.
Ce n'est pas la première fois qu'on emprisonne dans notre pays, mais aujourd'hui la situation est sérieuse car les prisons risquent de se remplir de beaucoup de mal-pensants. Il suffit de vouloir être généreux et de demander qu'on ferme la "parenthèse honteuse" qu'on aura commis le crime d'offense. Oui, quelle parenthèse ? Tous ceux qui diront "entre parenthèses" le paieront cher en prison. Au temps balbutiant des débuts du bolchévisme, selon le témoignage de Pasternak dans son "Dr Jivago", on ne devait pas parler du typhus qui faisait rage parce que c'était offensant pour le nouveau régime révolutionnaire.
Par les ruses de l'histoire, nous sommes en effet retournés à ces temps sombres du totalitarisme montant. Les nouveaux amis de la démocratie dans notre pays accusent leurs adversaires de vouloir liquider leurs contradicteurs. Le totalitaire n'est pas celui qu'on croit. Un journaliste qui a de l'autorité montre sa dimension autoritaire en parlant de "complot contre la sûreté de l'Etat". Entendez la "tentative de vouloir s'allier à l'étranger" qui n'est pas loin d'une trahison des intérêts nationaux". Retour aux mêmes évocations : cinquième colonne, goulag, Boiro ! Voilà le drame qui attend les dramanistes et leurs alliés. Nous irons tous en prison si on ajoute à cette liste tous ceux qui devraient y être déjà pour offense au peuple et même au bon sens. Pourquoi faire deux tours de scrutin si tout le monde doit y retourner ? Attention, peuple cherche prison spacieuse