Article
Radios confessionnelles / Manque de financement, interdites de faire de la publicité : les "radios de Dieu" végètent
- Titre
- Radios confessionnelles / Manque de financement, interdites de faire de la publicité : les "radios de Dieu" végètent
- Type
- Article de presse
- Créateur
- Youssouf Bakayoko
- Editeur
-
Le Patriote
- Date
- 26 août 2003
- DescriptionAI
- Les radios confessionnelles en Côte d'Ivoire font face à de nombreuses difficultés, malgré leur rôle d'utilité publique. Leur statut juridique restrictif les limite à l'éducation religieuse, interdisant l'information générale et la publicité commerciale. Elles souffrent d'un manque criant de financement, ne recevant aucune subvention et dépendant des dons, ainsi que d'un personnel insuffisant et de problèmes de couverture d'émission. Des exemples comme Radio Al Bayane et Radio Espoir illustrent ces défis, poussant à un appel pour des subventions de l'État et des allègements fiscaux.
- Langue
- Français
- Contributeur
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Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0010741
- contenu
-
Une ombre plane sur les fréquences des radios confessionnelles. Les "radios de Dieu" grimpent difficilement la montagne de problèmes dressée sur leur chemin.
Apparues en Côte d'Ivoire à la faveur de l'élargissement du paysage audiovisuel, les radios confessionnelles sont régies par un statut juridique. Qui les classe dans le groupe des radios de proximité ou communautaires. Mais parce qu'appartenant à des groupes religieux, elles prennent le nom de radios confessionnelles. Une catégorisation qui ne rend pas leur tâche facile. Le cahier de charges est restrictif. Par leur statut confessionnel, elles ne sont pas autorisées à faire de l'information générale. Elles se trouvent ainsi coincées dans le carcan des dogmes et de l'éducation religieuse. Et le comble, c'est qu'elles ne doivent pas faire de publicité de marque ou de produit.
Les sept radios confessionnelles qui se disputent les fréquences des postes récepteurs qu'elles soient d'obédience chrétienne ou musulmane ont du mal à faire porter le message de Dieu aux fidèles. Elles partagent la même galère. Une visite dans les locaux de la seule radio musulmane "Al Bayane" qui émet sur les 95.7 FM (modulation de fréquences) permet de mesurer l'étendue des difficultés vécues au quotidien. L'Imam Cissé Djiguiba, Directeur général de cette radio ne manque pas de mots pour égrener le chapelet des difficultés. Selon lui, elles sont de trois ordres. Devant la spécificité de leur tâche qui est d'une utilité publique à savoir l'éducation, la formation, l' information et l'initiation, la radio, assure son Directeur général, a un déficit de personnel.
Recrutés sur concours, les agents sont constitués de trois animateurs et de trois techniciens qui se montrent malgré tout à la hauteur de la tâche. Sur le plan financier, ne recevant aucune subvention, ni de l'Etat ni d'aucune structure, la radio "Al Bayane" a du mal à faire face aux charges financières. "Notre radio a besoin en moyenne pour tourner de 1 500 000 francs par mois. Pour y arriver, nous comptons sur les dons, les legs, la zakat, les communiqués, les annonces... Il ne faut pas non plus oublier les aides des cadres et fonctionnaires musulmans", indique le Directeur de "Al Bayane". Le troisième niveau des difficultés reste sans surprise, l'étendue du champ d'émission de la radio. L'Imam évoque les difficultés à couvrir même la ville d'Abidjan et sa banlieue. "La réception n'est pas bonne à Abobo. Il nous faut au moins 20 millions pour réussir la couverture totale d'Abidjan. Dans le long terme, nous envisageons nous étendre sur 50 km jusqu'à Dabou", précise Cissé Djiguiba.
Parlant de leurs rapports avec l'Autorité de régulation, le CNCA (Conseil national de la communication audiovisuelle), le premier responsable de "Al Bayane" assure qu'ils sont au beau fixe. "Nous n'avons jamais été interpellés pour le contenu de nos émissions. Nous nous tenons aux enseignements sur les haddiths du prophète et tout ce qui est culturel et religieux" , confie-t-il. Avant d'ajouter que la radio a plusieurs catégories d'auditeurs. "Il y a les non musulmans dont nous tenons compte, les musulmans ignorant l'Islam. Les musulmans dont la connaissance est à améliorer et les intellectuels".
A "Radio Espoir" d'obédience chrétienne (catholique) où nous nous sommes entretenus avec le Directeur des programmes, les problèmes liés au personnel et à la question financière que vit "Al Bayane" sont les mêmes. Depuis le démarrage effectif des émissions le 24 mars 1991, la "Radio Espoir" garde toujours l'espoir de mieux faire. Les émissions n'ont jamais été interrompues malgré les difficultés. Le Révérend père Gianfranco Brignone du diocèse de Grand Bassam, en créant cette radio avait de grands desseins - Mais aujourd'hui, cette radio diocésaine qui ne bénéficie d'aucune subvention ni même de celle de l'Eglise catholique se débrouille. Pour toujours tenir le cap, elle fait appel aux bonnes volontés.
Elle vit de dons des auditeurs, des clubs des amis et surtout des recettes des communiqués et annonces. "C'est peut-être aléatoire mais nous tenons le coup depuis dix ans". Le récurrent problème de personnel revient au galop. "Nous fonctionnons avec seulement douze agents salariés et une soixantaine de collaborateurs bénévoles (des prêtres, des hommes de la santé...). Nous tenons à ce personnel réduit parce que nous n'avons pas assez de moyens pour en prendre davantage", indique M. Kessé Oulaï, Directeur des programmes. Fort heureusement, la Radio Espoir ne connaît pas les mêmes perturbations sur sa fréquence dans certains quartiers d'Abidjan comme le vit "Al Bayane". Selon Kessé Oulaï, couvrant un rayon d'environ 100 kilomètres à partir de Port-Bouët son siège social, la radio "Espoir" dessert Abidjan et sa banlieue tous les jours de 05 heures à 24 heures et les jeudi, vendredi et dimanche, 24 heures sur 24, sur la fréquence 102.8.
Pour Kessé Oulaï, le gros du problème reste lié au matériel. "Il coûte cher de faire de la radio. Il faut donc avoir beaucoup d'argent, mais malheureusement nous n'en avons pas. Sinon, nous aurions souhaité avoir tous nos matériels en double", déplore-t-il. C'est pourquoi pour donner du souffle aux radios confessionnelles, le Directeur de programme de la radio "Espoir" souhaite une subvention de l'Etat. "Pour cela, il faudrait d'abord que toutes les radios confessionnelles se regroupent au sein d'une association pour discuter avec le gouvernement. Cela devrait nous permettre d'avoir des allègements fiscaux sur l'achat de nos matériels. Plutôt que d'aller en rangs dispersés", préconise-t-il.