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Tabaski : le mouton burkinabé sacrifié par la crise ivoirienne
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- Titre
- Tabaski : le mouton burkinabé sacrifié par la crise ivoirienne
- Créateur
- Souleymane Ouattara
- Editeur
- La Nation
- Date
- 7 février 2003
- Résumé
- A la veille de la Tabaski, ou « fête du mouton », l’excès d'animaux sur les marchés du Burkina tire les prix vers le bas. Depuis la fermeture des frontières avec la Côte d’Ivoire, principal débouché de la filière, les éleveurs n'ont pas le cœur à la fête.
- Page(s)
- 1
- 5
- Détenteur des droits
- La Nation
- Langue
- Français
- Identifiant
- iwac-article-0003334
- contenu
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A la veille de la Tabaski, ou « fête du mouton », l’excès d'animaux sur les marchés du Burkina tire les prix vers le bas. Depuis la fermeture des frontières avec la Côte d’Ivoire, principal débouché de la filière, les éleveurs n'ont pas le cœur à la fête.
Deux béliers pour le prix d'un ! Cette année, à Youba, le quatrième marché de bétail du Burkina, situé, dans la province du Yatenga (nord du pays), les moutons se vendent par paire. Deux beaux mâles, d'environ 50 kg chacun, se marchandent entre 62 500 et 70 000 Fcfa (96 et 107 euros). « L'année dernière, un seul de ces moutons coûtait autant », dit, en secouant la tête de dépit, Hassane Maïga. Cet enquêteur sillonne le marché de bétail, depuis 1995, pour le compte des services statistiques du ministère des Ressources animales. Muni de son inséparable compteur, il dénombre les animaux.
A quelques jours de la Tabaski, prévue le 12 février prochain au Burkina, 678 moutons sont en vente sur le marché de Youba. Il s'agit surtout de béliers bali bali, hauts sur pattes, avec de longues cornes torsadées, les plus recherchés pour célébrer l'Aïd el kabir, cher aux cœurs des musulmans. Sur ce marché ouvert aux quatre vents, de la taille d'un terrain de football, les marchandages vont bon train.
Tout en prêtant l'oreille aux discussions autour de lui, Daouda Nabassiga veille sur ses 8 moutons. L'homme vient du village de Nogo, tout proche. Comme des milliers de petits paysans, il fait de l'embouche, c'est-à-dire qu'il engraisse les animaux qu'il revend pour la Tabaski, quand les cours grimpent. Habituellement, il fonde ses espoirs sur le marché ivoirien, qui absorbe jusqu'à 90, parfois 95 %, du cheptel burkinabé. Un débouché naturel, lié au fait que la Côte d'Ivoire n'est pas un pays d'élevage, contrairement au Burkina avec ses quelque 23 millions de boeufs, de moutons et de chèvres qui lui rapportent près de 36 milliards de Fcfa. La route et le chemin de fer relient les deux pays. De plus, il existe à et Bouaké, deux villes ivoiriennes, un réseau de commercialisation du bétail aux mains des Burkinabé résidant sur place et surtout un grand marché solvable.
Avec l'exacerbation de la crise en Côte d'Ivoire, les éleveurs burkinabé se retrouvent avec leurs animaux sur les bras. Car le marché intérieur est lui aussi déprimé. « Le pouvoir d'achat du Burkinabé moyen est faible. Les gens comptent sur leurs parents à l'étranger pour les aider. Or avec les problèmes, notamment celui de la Côte d'Ivoire, les apports d'argent ont beaucoup diminué », explique le Dr Joseph Sawadogo, directeur provincial des ressources animales du Yatenga.
Moutons mal vendus, famine à l'horizon
Pour de nombreux éleveurs, à commencer par Daouda Nabassiga, la persistance de la crise en Côte d'Ivoire signe l'arrêt de leur activité. « Cette année, se lamente-t-il, je peux m'estimer heureux si je rentre dans mes fonds. je vais devoir me contenter des déjections de mes bêtes, qui serviront à faire du fumier pour mon champ de mil ». Le plus grave reste la spirale du crédit Pour faire de l'embouche, il faut d'abord s'endetter en achetant les animaux, bien les nourrir et les soigner afin qu'ils doublent de poids en moins de 3 à 4 mois.
En temps normal, l'activité rapporte et permet de combler le déficit céréalier chronique de la région. Les animaux constituent donc une caisse d'épargne dans laquelle on puise pour faire face à la famine. « Les femmes vendent habituellement leurs moutons de case pour subvenir à leurs besoins et apporter un appui à leur mari. Cette mévente pourrait même créer des scènes de ménage », craint le plus sérieusement du monde le directeur provincial des ressources animales.
Annuler la dette ?
L'heure est donc à la réflexion. Et chacun y va de sa stratégie. Nabassiga ira plaider sa cause auprès du projet 6e FED ( Fonds européen de développement ) et demander un report de son crédit. « J'espère qu'ils vont me comprendre », dit-il. Djibrina Bagayan, éleveur-revendeur-exportateur, compte, lui, se rendre au Ghana pour vendre ses animaux. De là, il pourra continuer en Côte d'Ivoire, quels que soient les risques. « On a déjà produit, on n'a pas le choix », explique-t-il. Les gros exportateurs rêvent, quant à eux, de diversification. « Nous devons reconquérir le marché nigérian que le Burkina gérait au cours des années 1978-1979, lance Tidiane Barry, le président de l'Union nationale des commerçants exportateurs de bétail, basé à Ouagadougou. Au Nigeria, l'abattoir de Lagos, à lui seul, a besoin de 7500 têtes par jour, c'est-à-dire autant que le Ghana, le Togo et le Bénin réunis ».
Le Dr Sawadogo va jusqu'à proposer, vu la crise alimentaire qui se profile dans toute la région, une annulation des dettes des éleveurs, sur le modèle de l'appui octroyé aux producteurs de coton en cas de sinistre. Une proposition que ne renierait sans doute pas Hassane Maïga, l'enquêteur :« Voyez-vous, notre deuxième champ, c'est le marché à bétail. Quoi qu'il arrive, nous devons poursuivre cette activité », explique-t-il, en essuyant ses larmes que le vent violent et la poussière de l'harmattan n'arrêtent pas de faire couler.
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