Article
L'imam Cissé Djiguiba aux fidèles musulmans : "Revenez à la saine pratique de l'islam"
- Titre
- L'imam Cissé Djiguiba aux fidèles musulmans : "Revenez à la saine pratique de l'islam"
- Type
- Article de presse
- Editeur
-
Le Jour
- Date
- 16 février 1996
- nombre de pages
- 1
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0010232
- contenu
-
# Élévenez à la saine
## pratique de l'islam»
La prélude à la nuit du Destin ou «Laylatoul qadr» qui aura lieu demain, M. Dijiguiba, imam du Plateau, dans et entretien, situe l'importance de l'événement.
Le Jour : Aujourd'hui, vendredi, les musulmans de Côte d'Ivoire vont célébrer la nuit du Destin. Quel sens donnez-vous à cet événement?
M. Dijiguiba Cissé : La nuit du destin se situe dans le cadre du ramadan qui est lui-même le meilleur mois de l'année. C'est le mois de la piété ; mois au cours duquel le musulman cherche à se rapprocher de Dieu. On dit la nuit du Destin mais on pourrait l'appeler aussi la nuit du décret dieu, de la valeur et de la paix. C'est la nuit au cours de laquelle le Coran a été révélé. Il est descendu du ciel le plus proche pour être communiqué à l'humanité tout entière. C'est une nuit qui vaut plus que 1000 mois d'adoration, c'est-à-dire 83 ans. C'est la nuit de la rémission des péchés de tous ceux qui ont décidé de se repentir et de revenir à Dieu qui, prend le décret d'affranchir tous ses fidèles du feu de l'enfer. C'est donc la nuit de l'amnistie générale pour tous ceux qui se sont réconciliés avec leur conscience pour s'engager résolument sur le chemin de Dieu. Cette nuit est marquée aussi par la descente des anges qui viennent avec la bonne nouvelle. C'est donc une nuit de paix.
## L. J. : Que doit faire le
musulman pour être en communion avec Dieu?
D. C. : Le prophète Mahomet a enseigné que cette nuit se retrouve dans les 10 dernières nuits du mois de ramadan. Et c'est pour cette raison qu'à partir de la 20 e nuit du mois de ramadan, un certain nombre d'actes et de comportements sont recommandés aux musulmans. D'abord, il y a la retraite spirituelle, pour ceux qui le peuvent. Il s'agit de se retirer pour se consacrer à l'adoration de Dieu et à la lecture du Coran qui est fortement recommandée car c'est la meilleure des invocations que le musulman peut faire.
## L. J. : Pendant longtemps,
on a assisté à des pratiques qui, n'avaient rien à voir avec la spiritualité dont vous parlez. Était-ce par
D. C. : Un certain nombre de pra- $0^{1}$ met rien à voir avec l'islam.
Beaucoup de gens se promènent de quartier en quartier pour distribuer du pain, du sorgho, du mil, de l'argent aux différents groupes de lecture du Coran. Ces gestes sont recommandés par Dieu, mais il est mieux de choisir une seule place pour passer la nuit dans la prière et dans le recueillement. Par ailleurs, nous déplorons certaines habitudes locales comme celle qui consiste à faire de cette nuit un jour anniversaire où l'on danse. C'est ainsi que l'on rencontre des jeunes filles qui se mettent dans un hahillement indécent, et chan-
M. Cissé Diguiba, Imam du Plateau.
tent des louanges à Dieu. Les gestes et les mots sont diamétralement opposés. Les paroles sont agréables à Dieu, mais le comportement qu'on adopte est tout à fait contraire à la morale islamique. Les frères et sæurs musulmans doivent revenir à la saine pratique de l'islam et faire de cette nuit, une nuit de concentration, d'humilité, de méditation, de prières, d'invocations et de lectures du Coran. Ce n'est pas parceque des convois vont être organisés pour aller danser dans tel village qu'on aura "la baraka" de Dieu.
L.J. : Comment peut-on interpréter ces comportements?
D.C. : Ce genre de syncrétisme
provient d'une inculture. Ceux qui ont embrassé l'islam et son contenu culturel, pensent que la danse et la chanson en sont des éléments. Ceux-là croient que cette nuit devrait être une nuit de réjouissances, de fêtes. Il y a des occasions de fêtes dans l'islam. Ce sont les mariages, les baptêmes... ce n'est pas le cas de cette nuit.
L. J. : Y a-t-il un conflit de génération au sein de la communauté musulmane ?
D. C. : Il y a des niveaux de langage dans l'islam qui tiennent compte du niveau de culture; des différentes stratifications de la société. On ne peut pas tenir le même langage aux villageois qu'on tiendrait à des universitaires. La transmission du message tenant compte de ces dimensions, les vieux ont forcément leur rôle dans l'entretien de la foi. Il n'y a pas de conflits de génération en cela. Si leur langage n'est pas bien compris par la jeune génération qui est plus rationaliste, la méthode scolastique qui est celle des anciens, est bien adaptée pour un meilleur apprentissage. Nous avons la preuve que les vieux maîtrisent le commentaire de l'islam. De ce point de vue, ils peuvent être utiles aux jeunes. Tout ceci est complémentaire et fait partie du champ d'expansion de l'islam à la fois horizontal et vertical.
L. J. Nombreux sont ceux qui assimilent l'islam à l'ethnie Dioula.
D.C. : C'est une perception pour le non-musulman. Nous avons avec bonheur établi en Côte d'Ivoire que, l'islam est une religion qui englobe toutes les ethnies et races. Il n'y a pas une seule ethnie ivoirienne dans laquelle où ne compte pas de musulmans. Si les "Dioulas" sont les plus nombreux en islam, il n'est pas fondé que tous les musulmans de Côte d'Ivoire soient Dioula. L'islam n'est pas lié à une ethnie ou à une tribu. Il a une portée universelle. Celui qui embrasse l'islam devient musulman. Aujourd'hui, en Côte d'Ivoire, des villages entiers "bété", "agni"... sont musulmans. Dans ces contrées, l'islam est parfois mieux pratiqué que dans certaines régions du nord.
Propos recueillis par SOULEYMANE FOFANA ET NYLVAIN HASSAN BOZA