Article
Le Conseil National Islamique est né : musulmans, la Nation nous regarde !
- Titre
- Le Conseil National Islamique est né : musulmans, la Nation nous regarde !
- Type
- Article de presse
- Créateur
- Seydou Koné
- Editeur
-
Plume Libre
- Date
- janvier 1993
- numéro
- 2
- pages
- 3
- 5
- nombre de pages
- 2
- Sujet
- Intégrisme
-
Conseil Supérieur des Imams, des Mosquées et des Affaires islamiques
- Conseil National Islamique
- Conseil Supérieur Islamique
- Langue
- Français
- Est une partie de
-
Plume Libre hors-série #2
- Identifiant
- iwac-article-0008425
- contenu
-
Le Conseil National Islamique est né. ***
Musulmans, la Nation nous regarde !
Par Koné Seydou
Les personnalités posent pour la postérité. De g à dr MM Abou Doumbia, Sidia Touré, Idriss Koné, Léon Konan Koffi, Lansana Palento, Boikary Fofana et Lassina Dembélé.
La fédération tant attendue par les musulmans de Côte d'Ivoire a enfin vu le jour. En effet, après maintes échauffourées, les diverses associations et communautés musulmanes ont finalement pu se regrouper, avec même en prime la bénédiction des autorités politiques et administratives. Les statuts et règlement intérieur du Conseil National Islamique ont été portés à la connaissance de la oumma à la grande mosquée d'Adjamé. Les conditions ayant présidé au choix de son président (et qui constituent une curiosité pour les puristes en matière de démocratie) ont été largement expliquées elles aussi. Dans l'ensemble, ce fut une belle fête, un événement à la dimension de l'Islam : sublime. Notre compte-rendu.
SAMEDI 9 janvier 1993. Il est 8H en ce matin d'harmattan. Les abords de la grande mosquée d'Adjamé grouillent de monde. Un homme d'un certain âge crie aux musulmans qui pénètrent à la queue-leu-leu dans la cour de la mosquée : "Les menteurs là, on n'en veut pas ! C'est les vrais musulmans qu'on veut". La police anti-émeutes (très) présente sur les lieux, mais cette fois-ci hors de l'enceinte, le repousse avec les autres badauds vers l'essencerie attenante. L'incident est clos. De toutes façons, des précautions supplémentaires ont même été prises car on remarque la présence de la Croix-Rouge et des scouts. Les sapeurs-pompiers militaires arrivent sur les lieux à 8H35. Deux portails ont été aménagés pour l'accueil des congressistes : l'une pour les imams et l'autre… pour les autres. En tout, ce sont des milliers de personnes qui s'engouffrent dans la cour de la mosquée.
8H 50 : Le Directeur de l'ENS, M. Touré Vacaba arrive sur les lieux en compagnie du Directeur-Général de la RTI, M. Ousmane Sy Savané. Tous deux sont vêtus de superbes boubous brodés.
8H 55 : Arrivée du ministre de la Sécurité Intérieure, le colonel Lansana Palenfo. Il a avec lui le député de Yopougon, M. Doukouré Moustapha.
9H 05 : Un concert de sirènes annonce l'arrivée du ministre de la Défense, M. Léon Konan Koffi, représentant le Chef de l'Etat. Il est accueilli par le porte-parole du Conseil Supérieur des Imams, Oustaz Boikary Fofana.
9H 10 : C'est au tour du député-maire de la commune d'Adjamé, M. Dembélé Lassina de faire son entrée. La cour grouille de monde. On se met en rang pour accéder à l'intérieur de la mosquée. L'organisation est impeccable. M. Méité Mamadou, représentant des douanes nous confie ses impressions : "Nous sommes libérés et nous voulons le manifester. Nous avons trop fait mais on ne nous a jamais été considérés, vous comprenez ? On n'a pas besoin de politique. Ici, c'est la religion, c'est l'Islam, c'est Mouhammad (PSL)".
9H 12 : Les hauts-parleurs commencent à crépiter. Une voix souhaite la bienvenue à tous dans le style africain : "Si nous avons fait appel à vous ce matin, ce n'est pas pour quelque chose de grave, il s'agit de l'Islam…" Nous interpellons le Chef du Département Gestion-Clientèle à la CI-TELCOM, M. Bah Souleymane pour recueillir ses impressions. "Les raisons qui m'emmènent à prendre part à ce congrès, dit-il, sont éminemment importantes. J'ai toujours eu l'impression que la communauté musulmane était divisée, c'est pourquoi pour moi cette occasion est vraiment désignée pour asseoir son unité. Il faut qu'on scelle à jamais cette unité. La nation doit savoir plus que jamais que nous sommes une communauté importante et que, par conséquent, nous devons être associés à quelques degrés que ce soit à certaines prises de décisions."
A l'intérieur de la mosquée, les centaines d'imams qui ont fait le déplacement sont assis sur des nattes Ils ont à leur gauche les délégués, en face se trouvent les personnalités et tout autour d'eux les invités et les fidèles venus témoigner pour la postérité, et au-dessus sur une estrade suspendue, les femmes (le Prophète ayant dit qu'elles représentent la moitié du ciel alors…). Au centre le comité d'organisation est installé autour d'une longue table. Les hauts-parleurs citent la provenance des imams : Anyama, Daoukro, Bondoukou, Korhogo, Divo, Marcory, Daloa, Bouaké, Agboville, Saïoua, Abengourou…
Parmi les personnalités on remarque la présence de l'ambassadeur Abou Doumbia, des ambassadeurs d'Algérie et du Niger et de l'ancien ministre Oumar Diarra, représentant le président Konan Bédié. On nous signale également la présence de la communauté Libanaise représentée par le centre islamique arabo-africain de l'imam Jaafar Sayegh, et des égyptiens Cheikh Ibrahim Rezak et Cheikh Ismail représentant de Al Azhar en C.I.
9H 35 : Arrivée du ministre Balla Keïta au moment où on invite le président de séance Oustaze Diakité Ousmane d'Odienné à s'installer, il a pour assesseurs les frères Traoré Mamadou d'Abobo-gare et Cissé Abdoul Karim de Yamoussoukro.
10H : Le ministre Bamba Vamoussa fait son entrée. Il est suivi par le représentant du Premier ministre, M. Sidia Touré. Le président de séance monte à la tribune pour souhaiter la bienvenue à tous. Son mot, tout comme tout ce qui sera dit jusqu'à la fin de la cérémonie est traduit en Dioula par le frère Diabaté Moussa. Après la lecture du Coran qui ouvre toute manifestation islamique, le Dr. Cissé présente le programme de la journée. L'honneur revient ensuite au président du comité d'organisation, Oustaze Coulibaly Mamadou de prendre la parole. Il rappelle que l'idée de la mise sur pied d'une structure nationale de coordination des activités des associations islamiques est née à San Pédro en 1991 devant les agissements coupables de certains responsables. Il a fustigé le fait que toute tentative de rassemblement de notre communauté provoque immédiatement de la suspicion de la part de nos autorités qui voyaient partout la main de la Libye, de l'Iran… C'est pourquoi l'annulation de la réunion du 28 novembre dernier avait été ressentie comme une humiliation semi-permanente, frustration vite surmontée grâce à Allah (Exalté soit son nom).
A 10H 15, c'est le président de l'AJMCI, Oustaze Moustapha Soumahoro qui s'adresse à l'auditoire au nom de toutes les associations et communautés musulmanes du pays. Il regrette les mêmes injustices que son prédécesseur avant de souligner que toutes les associations qu'il représentait, à savoir l'AEEMCI, l'AJMCI, la LIPCI, le CERICI, L'AFMCI, etc. sont apolitiques et qu'il n'était pas question de la création éventuelle d'un parti islamique. Pour terminer, il crie "non" à la manipulation d'où qu'elle vienne.
10H 30 : M. Dembélé Lassina, député-maire de la commune d'Adjamé prend la parole pour manifester la joie de sa commune d'accueillir autant de personnalités, avant de présenter ses vœux de plein succès aux travaux.
A 10H 35, la table explique que c'est le représentant de Président de la République qui devait prendre la parole en dernière position, mais que, exceptionnellement, cet honneur reviendra au Conseil Supérieur des Imams en tant qu'il est le parrain des manifestations.
Le ministre Léon Konan Koffi prend donc la parole pour présenter les excuses de son collègue de l'Intérieur, M. Emile Constant Bombet, souffrant, puis il souligne avec force la nécessité de l'union de tous les fils de ce pays Le représentant du Chef de l'Etat a enfin insisté sur le fait que la Côte d'Ivoire est une république laïque et démocratique qui cultive l'égalité entre toutes les religions.
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Parmi les personnalités on remarque la présence de leurs excellences les ambassadeurs d'Algérie et du Niger. A l'extr. dr. l'ancien ministre Oumar Diarra.
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10H 45 : L'imam Boikary Fofana monte à la tribune pour livrer le message du Conseil Supérieur des Imams. Il souligne que c'est la première fois que des imams venant des quatre coins du pays se réunissent ainsi, et justifie la nécessaire union de tous les musulmans de ce pays par l'image négative qu'ils ont souvent donnée d'eux-mêmes par la faute de certains membres du Conseil Supérieur Islamique. Il ajoute que lorsque au plus fort des troubles qui ont secoué notre pays, l'on s'interrogeait sur le silence des musulmans, les imams priaient pour la paix, l'entente et la tolérance. Ainsi a-t-il dit, "lorsqu'un non-musulman parle de politique, on dit qu'il est démocrate ; mais quand il s'agit d'un musulman, il est taxé d'intégriste". "Si être intègre dans la gestion des biens publics et dans la pratique de sa foi signifie qu'on est intégriste, a-t-il dit, alors tous bons musulmans sont intégristes. Nous pensons qu'il faut éviter d'importer chez nous des positions et des conflits dans lesquels nous ne nous reconnaissons pas. Nous ne sommes ni à droite, ni à gauche. Nous ne sommes pas manipulables et ne sommes à la solde de personne, ni de l'intérieur, ni de l'extérieur".
Une pause avait été prévue pour le retrait des officiels, mais personne n'ayant manifesté le désir de s'en aller, les travaux reprennent après qu'on ait porté à l'attention de la Oumma la volonté du Président de la République de voir le Conseil National Islamique et le Conseil Supérieur des Imams représenter désormais les musulmans lors de la présentation des vœux au Palais Présidentiel.
En donnant lecture des dispositions de politique générale, le Dr. Cissé du cercle islamique de Yamoussoukro a mis l'accent sur le fait que le CNI initiera entre autre "une méthode d'organisation et de gestion des mosquées, ce qui facilitera la prise en charge des imams". Le Conseil devra également insister sur l'importance de la Zakat, créer des commissions permanentes pour l'organisation du pèlerinage à la Mecque et préparer de concert avec le conseil des imams les grands événements religieux. Il devra se prononcer sur tous les problèmes touchant aux intérêts des musulmans, observer la plus stricte neutralité vis-à-vis des partis politiques et s'ouvrir à toute forme de coopération avec les organisations islamiques de l'extérieur. Enfin, le CNI respectera les intérêts de la république tant que les fondements de l'Islam ne seront pas menacés.
A 11H 30 : Oustaze Camara Siaka donne lecture des grandes lignes des Statuts et du Règlement intérieur. On retiendra que le CNI est une organisation nationale de coordination et de coopération à caractère fédératif placée sous l'autorité du Conseil Supérieur des Imams et qu'il a pour moyens d'action l'organisation de séminaires, de conférences de journées de réflexion, de chantiers etc.
11H 45 : On informe l'assistance qu'à l'invitation des imams, les délégués se sont réunis la veille jusque tard dans la nuit à la petite mosquée de la Riviera pour étudier et adopter toutes les dispositions régissant le Conseil, et que le président qu'ils avaient choisi sera présenté à la communauté comme les formalités d'usage l'ont été. Des "Takbir" d'approbation fusent de partout. L'impatience se lit sur tous les visages.
11H 48 : Oustaze Boikary Fofana reprend la parole pour dire que le choix des imams s'est porté sur un homme intègre, un pieux musulman, contrôleur budgétaire de son état, appelé Idriss Koné. L'explosion de joie qui accueille cette nouvelle est indescriptible. Des applaudissements à peine étouffés aux "takbir - Allahou Akbar !", la mosquée vibre, le comité d'organisation commence à avoir de sérieux problèmes avec tous ceux qui veulent embrasser le premier Rais du pays ou tout simplement lui soulever la main. A 12H, c'est l'intronisation sur fond de chants religieux. On entoure la tête du Rais d'un tissu immaculé symbolisant la pureté et on lui remet son bâton de berger semblable à ceux des prophètes. Oustaze Fofana présente les Commissaires aux Comptes Fama Touré et Famakan Koné. Alors que la mosquée continue de vibrer sous les "takbir" et les invocations coraniques, on livre le curriculum vitae du koudouss avant d'inviter les imams à venir le bénir. C'est ainsi que les imams de Samatiguila, de Bondoukou, de Treichville et de Mankono se succèdent pour réciter sur lui des versets, des doua'a et pour terminer, la fatiha. Le public est en transe.
12H 40 : Le président Koné prend la parole pour adresser à la nation son premier message. L'assistance écoute religieusement et reprend ses "takbir" quand à la fin, il se dirige vers les membres du gouvernement pour les saluer.
A 13H 05 : on lit la motion spéciale adressée au Président de la République comme la coutume l'exige.
13H 07 : Oustaze Bimaté Ibrahim, Président de la LIPCI clos la manifestation en lançant un appel aux musulmans. Il demande la tolérance entre les musulmans et envers les non-musulmans afin, de maintenir dans le pays un climat de paix. Oustaze Binaté termine en exhortant toutes les forces vives de la communauté à se mobiliser au sein du Conseil National Islamique. La cérémonie se termine pratiquement dans le brouhaha : les gens ne tiennent plus en place, on s'embrasse ici, on se congratule là, on évoque les meilleurs moments de la cérémonie là-bas. Le comité d'organisation remercie tout le monde les officiels se retirent et la mosquée se vide ... pour refaire le plein quelques minutes plus tard car il est l'heure du Zohr - Allahou Akbar - Allahou Akbar - Allahou Akbar ☆