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Excision : les chefs religieux dans la bagarre
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- Titre
- Excision : les chefs religieux dans la bagarre
- Créateur
- Sylvie Clerfeuille
- Editeur
- Le Jour
- Date
- 17 avril 1998
- Résumé
- (MFI) alors qu'un nombre croissant de religieux s'impliquent à titre personnel dans la dénonciation de l'excision, la polémique qui se développe au sein des sociétés africaines révèle des divergences profondes entre représentants des cultures animistes, chrétiens et musulmans.
- nombre de pages
- 1
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007928
- contenu
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(MFI) alors qu'un nombre croissant de religieux s'impliquent à titre personnel dans la dénonciation de l'excision, la polémique qui se développe au sein des sociétés africaines révèle des divergences profondes entre représentants des cultures animistes, chrétiens et musulmans.
«Ma fille n’a pas été excisée» : la récente déclaration de Cheikh Mohamed Sayyed Tantaoui, l’imam d’Al-Azhar, a contribué à faire pencher la balance dans son pays. La Cour suprême d’Egypte vient de déclarer l’excision hors-la-loi. Le dignitaire a voulu faire un sort à l'alibi religieux de celte pratique : «Les oulemas de l’islam, a-t-il poursuivi, sont unanimes à estimer que l’excision est une coutume qui n’a rien à voir avec la religion». C’est dire la nécessité d’un travail de sensibilisation effectué auprès des chefs coutumiers et religieux qui peuvent à leur tour, par leurs prises de position, contribuer à faire réfléchir sur la justification culturelle et religieuse de cette coutume.
L’exemple burkinabé est éclairant. Présent à la réunion de Dakar, sur les pratiques traditionnelles, Abdoulaye Georges Tassembedo, représentant des chefferies traditionnelles du pays, a déclaré : «L’excision est considérée comme une pratique culturelle et religieuse, avec des valeurs fortement enracinées, mais elle ne constitue pas un pilier de la tradition dans notre pays. C’est un devoir national de lutter contre cette mutilation». Cette prise de position claire est l’aboutissement d’un travail de plus de trente ans qui s’est concrétisé par son interdiction en 1987.
Huit ans plus tard, à la suite d’un séminaire réunissant les chefs religieux et traditionnels, une structure permanente était créée, le Bureau national des chefs coutumiers du Burkina pour la lutte contre l’excision. En 1997, ce bureau s’est fixé comme objectif, d’effectuer un travail de proximité en créant des comités de canton.
«Plus que culturelle, l’excision est un phénomène religieux», estime pour sa part Kadidia Aoudou Sidibé, présidente de l’Association malienne Suivi et Orientation des pratiques traditionnelles (Assompt). Quand on veut informer, éduquer, il faut des années et une approche différente. Pour toucher les chefs religieux comme les responsables traditionnels, il faut un certain temps afin qu’ils se débarrassent de leurs préjugés». En janvier 1997, suite à des actions communautaires, on dénombrait 20 exciseuses dans la région de Kayes et 25 à Bamako qui avaient déposé les couteaux.
Ce travail de sensibilisation auprès des chefs religieux s’est accéléré depuis la fin des années 80 dans plusieurs pays africains. Au Ghana, 250 musulmans haoussas acceptaient en 1994 de participer à un atelier organisé à Sukura, tandis que deux ans plus tard, une association chrétienne (Association of church developpment projects) lançait un programme intitulé : «Oeuvrons ensemble pour un changement. Stoppons les mutilations d’organes génitaux de la femme». Aujourd’hui, un peu partout en Afrique, dans des mosquées comme dans des églises, des religieux prennent la parole pour dénoncer l’excision. Ainsi, dans l'action spectaculaire de Malicounda, un village sénégalais à dominante bambara où la mutilation vient d’être abandonnée, la prise de position d’Amadou Touré, l’imam du village, qui a avoué n’avoir pas fait exciser ses filles, a été déterminante. «Les mythes et les tabous existaient bien avant le Prophète. Ce n’est pas l’islam qui les a imposés, ce sont les hommes pour contrôler leurs épouses», a expliqué Malamine Diagan, un autre religieux. En Egypte, l’excision demeure un enjeu entre le pouvoir politique et religieux, même si elle vient d’être interdite. Tandis que les représentants de l'église copte participent à des travaux du planning familial lancés par le gouvernement, les représentants de l’islam sunnite affichent des positions très divergentes dénonçants ou, pour les plus «intégristes», soutenant tour à tour une pratique qui touche 97 % des femmes.
Dans le monde chrétien, la seule position officielle jamais prise en matière d’excision a été celle des églises protestantes, du Kenya qui ont dénoncé la pratique dès 1929, à la suite de la conférence de Tumutuvu. L’église catholique, elle, est tiraillée sur la question depuis près d’un siècle. En 1956, les Sœurs blanche condamnaient cette mutilation, tandis que les missionnaires restaient prudents ou glorifiaient sa valeur initiatique. En 1994, l’Alliance internationale Jeanne d’Arc, association féminine catholique, la seule accréditée auprès des Nations unies et de l’Unesco, interpellait les évêques africains à l’occasion de leur synode, puis le pape Jean-Paul II. Par sa prudence, celui-ci confirmera un siècle d’ambiguïtés : «L’église déplore et condamne, dans la mesure où elles persistent, toutes les coutumes et pratiques qui privent les femmes de leurs droits et du respect qui leur est dû, déclarait-il à la suite du synode, s’attirant les foudres d’une base catholique prête à prendre des positions plus radicales.
Polémique, passionnel, le débat sur l'excision divise les religieux comme les chefs traditionnels parce qu'il est au cœur d'un changement radical du statut de la femme.
SYLVIE CLERFEUILLE
Fait partie de Excision : les chefs religieux dans la bagarre