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Bondoukou, la ville aux trente mosquées
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- Titre
- Bondoukou, la ville aux trente mosquées
- Editeur
- Fraternité Hebdo
- Date
- 15 octobre 1982
- Page(s)
- 7
- 8
- 9
- 10
- nombre de pages
- 4
- Sujet
- Bondoukou
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007825
- contenu
-
Bondoukou, la ville aux trente mosquées
La ville de Bondoukou est assez mal connue. Elle partage ce sort avec toute la région dont elle est la métropole.
À Abidjan, les gens n'en retiennent que la vague réputation d'une population versée dans les pratiques «maraboutiques». Certaines personnes prêtent volontiers à ceux qui viennent de Bondoukou des pouvoirs occultes que bien entendu ils ne possèdent pas.
Mais il n'y a pas de fumée sans feu. Les «dioulas» de «Bondoukou-ville» sont des musulmans et, dans la mentalité de beaucoup, qui dit musulmans dit «marabouts», autrement dit «voyants». C'est abusif, mais c'est ainsi. Qu'est-ce en réalité que le fameux «maraboutage» ? Seul le naïf s'imagine qu'il existe des hommes capables de commercer avec des puissances cachées, et que, par leur intermédiaire, on peut obtenir les faveurs de ces puissances, ou se placer sous leur protection. En fait, les marabouts ne sont que des individus plus intelligents que les autres, et qui exploitent leur crédibilité et leur bêtise.
Si donc le «dioula» de Bondoukou passe pour être le marabout par excellence, c'est qu'il est remarquablement intelligent. L'auteur du livre célèbre «le Noir de Bondoukou» le constatait déjà à la fin du XIXᵉ siècle. Nous reviendrons tout à l'heure sur le portrait de cette population.
Bondoukou est une ville extraordinairement attachante. Mon jugement est certainement en grande partie subjectif, car j'ai vécu mes jeunes années dans cette ville. Mais je la redécouvre toujours avec une émotion
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Régions
Bondoukou, une ville attachante, qui a fait « peau neuve » en 1971.
et un plaisir que je n'éprouve que pour elle.
Des hauteurs qui surplombent le Wombo, petit cours d'eau, la vue embrasse une ville étendue, aux maisons bien disposées et modernes. La première impression est que la ville se trouve dans une vallée. Quand on y entre, on constate qu'elle est bâtie sur un terrain accidenté, où les hauteurs et les dénivellations alternent. Un peu comme San Francisco, en moins tourmenté toutefois. Et on découvre une ville belle, propre, dont la forte personnalité s'impose à vous. Comme un parfum trop fort. Comme, justement, une force magique, occulte. Mais ceux qui ont connu Bondoukou dans les années 50, éprouvent aussitôt une sorte de nostalgie. Où sont les maisons en terrasse d'autrefois ? Où sont les femmes avec leurs voiles blancs, qu'elles savaient porter avec tant de distinction ? Nostalgie passagère. Car Bondoukou a tout gardé de sa magie. De son extraordinaire « aura » faite de paix et de mouvement tout à la fois. Elle laisse deviner l'extrême dynamisme de ses habitants.
Le progrès est passé par là, mais sans détruire la personnalité de la ville. Bondoukou a en effet beaucoup changé depuis la fin des années 70. Elle présente désormais de grandes rues, droites, impeccablement bitumées et éclairées ; des édifices publics flambant neufs. De belles villas qui ne le cèdent en rien à celles que nous pouvons admirer à Abidjan ou ailleurs.
Bien sûr une bonne partie de ces réalisations est redevable au programme de la fête nationale, qui s'est déroulée à Bondoukou en 1971. Mais avant cette fête, et depuis, les habitants eux-mêmes ont fourni un effort considérable pour l'embellissement de la ville.
Ces habitants sont souvent aisés, voire riches. Les Dioulas de Bondoukou
Un dioula de Bondoukou
sont parmi les Ivoiriens les plus industrieux, les plus intelligents et ce sont des commerçants opiniâtres, persévérants frugaux, sobres et finalement d'une grande efficacité. Du reste, ils ont toujours été des commerçants. Ils sont arrivés dans la région en même temps que les Abrons qui s'y imposèrent un jour en conquérants, venant d'un territoire qui se trouve inclus dans le Ghana actuel. Les Abrons asservirent les Koulangos actuels, qu'ils trouvèrent sur place, et qui seraient une branche de l'ethnie senoufo et originaire des environs de Bouna. Les dioulas de Bondoukou quant à eux, viennent certainement de Begho, et se seraient fixés là pour des raisons de commerce. Ce n'étaient là que mouvements d'ethnies qui cohabitaient sur un grand territoire commun.
À Bondoukou, les Dioulas ont servi de trait d'union entre Abrons, Koulangos, Agni-Bona, etc. Ils étaient utiles à tous, grâce à leur commerce, en sorte qu'ils vécurent toujours en bonne intelligence avec les autres ethnies.
Il est arrivé quelquefois que de braves planteurs abrons ou agni-Bonas devant l'opulence de ces commerçants, se soient demandé avec une pointe d'envie : « Ces gens n'ont pas de plantations de cacaoyers ou de caféiers. Pourtant, ils sont plus riches que nous. Comment font-ils ? »
Le Dioula de Bondoukou possède, par atavisme, peut-on dire, un véritable génie du commerce. Il réinvente toutes les opérations commerciales possibles, tous les services à commissions, toutes les spéculations. Il ne recule que devant l'escroquerie, car il est trop avisé pour ignorer que l'on ne bâtit rien de stable sur la malhonnêteté. Or c'est un homme profondément religieux le plus souvent ; qui a une nombreuse famille et est très attaché aux valeurs familiales. D'ailleurs la devise du « dioula » de Bondoukou pourrait être : « la famille avant tout », tellement il reste attaché aux siens. Dans un livre écrit par un ancien coopérant français, il est dit
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Bondoukou, la ville aux trente mosquées
qu'en Côte d'Ivoire, les musulmans ont su préserver l'essentiel de leur culture, faisant peu d'emprunts incongrus. C'est peu contestable. Quand on connaît la vie de la petite communauté des habitants de Bondoukou-ville, on ne saurait que souscrire à ce jugement, en ajoutant que c'est peut-être chez cette communauté que l'on trouve la culture africaine la plus authentique, la plus complète. Celle qui demeure vivante, et porte un groupe humain à évoluer sans cesse.
Cette culture est, faut-il le préciser, une synthèse séculaire entre la culture musulmane, réduite à l'exercice de la foi, à quelques principes de vie et des valeurs spécifiquement africaines.
Elle confère au Bondoukois une indéniable personnalité, qui n'a pas toujours favorisé son insertion dans le monde moderne. Du moins a-t-il pu résister aux apports déletérs de cette modernité.
En effet, les enfants étaient repris très tôt par les valeurs indigènes qui les arrachaient ainsi aux influences de la civilisation occidentale à son stade scolaire.
Ainsi, pendant longtemps, à Bondoukou, les élèves ont rarement franchi le cap du Cours Moyen 2ème année.
Fortement marqués par le milieu familial et social immédiat, ils percevaient plus tôt, plus nettement que les autres, le hiatus existant entre leur riche culture et la culture occidentale. Ne pouvant rejeter la première, ils y cédaient finalement et quittaient l'école.
Cela ne les empêchait pas de réussir brillamment par la suite, en tant que commerçants surtout.
C'est en partie pour cette raison que la région de Bondoukou ne peut pas se prévaloir d'un grand nombre de licenciés ou d'agrégés. En l'occurrence, sa forte personnalité s'est traduite en handicap qu'elle s'efforce toutefois de surmonter...
Les habitants de Bondoukou sont également remarquables par leur beauté physique. Surtout dans leur élément féminin. Les hommes sont en général minces, élancés, avec des traits fins, le teint noir. Ils ont la souplesse féline des gens constamment en mouvement, à la fois sobres et bien nourris. La base de l'alimentation est double : igname (d'excellente qualité) et maïs, accompagnée de viande fraîche ou boucanée
Le Centre artisanal de Bondoukou
(jamais de viande faisandée, religion oblige). Les Bondoukois ont l'alcool en excécration. Voici une anecdote qui illustre bien la solidité de ces hommes.
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Bondoukou Aperçu historique par Kouman Yao
Pendant le mois de carême, un transporteur arrive à Agnibilékrou vers 14h. En bon musulman, il est bien sûr à jeûn. La ville est en fête et une course cycliste est organisée, le départ va être donné dans quelques instants. Comme les prix proposés sont intéressants, cela tente notre transporteur. Ses amis lui déconseillent l'aventure. Lui s'entête, emprunte un vieux vélo et s'aligne avec les concurrents. Une demi-heure plus tard, il franchit en tête la ligne d'arrivée. Les qualités des Dioulas de Bondoukou, tant physiques qu'intellectuelles, proviennent essentiellement du fait qu'ils sont le produit d'un brassage perpétuel entre les diverses ethnies de la région : Koulangos, Abrons, Nafanas, Gbros, Agni-Bona, etc...
En effet, la communauté bondoukoise n'a pas conservé longtemps sa pureté originelle. Elle était au départ de souche malinké. Puis sont venus des Haoussas, des Malakas, etc. Mais comme la langue qu'elle parlait qui a beaucoup emprunté au Kalango, à l'Abron, à l'Agni, etc, cette communauté s'est vite fondue dans le milieu ambiant. Le Dioula de Bondoukou n'a pas tardé à prendre femme chez son voisin, qui en faisait de même chez lui, et ces échanges continuels ont donné le type du Bondoukois actuel.
La femme de Bondoukou est déjà avantagée par ce « malaxage » ethnique. Elle en hérite des formes harmonieuses, souples, avec des attaches fines. Elle est belle aussi parce que, femme de commerçant, elle peut ne pas travailler et quand elle travaille, elle ne fait que du petit commerce urbain. Elle évite les durs travaux champêtres qui alourdissent les formes et les rendent peu gracieuses.
Elle partage cette beauté avec les femmes Koulangos, Abrons, Lobis de la région. Le nouveau visage de Bondoukou est celui que cette ville et son arrière pays ont toujours eu en puissance. Celui que l'on devinait sous l'aspect un peu désuet, mais combien typé, de l'ancien Bondoukou des années 50. Le nouveau visage est plus conforme au dynamisme des Bondoukois, comme de tous les autres habitants de cette région.
On a quelquefois eu l'impression que cette partie du pays a été négligée par la politique d'infrastructures générale. Fausse impression sans doute. Bondoukou se trouve à plus de 400 Kms d'Abidjan. Ce qu'il faut incriminer, c'est la centralisation administrative héritée de la colonisation et qui se révèle incapable de dynamiser toutes
Une mosquée datant du 15e siècle.
« Fondée aux environs du 11e siècle selon les uns, du 15e siècle selon les autres, Bondoukou a pris le relais de la ville de BEGHO qui était située au Nord-Est de l'actuelle Bondoukou, sur une parcelle du territoire qui deviendra au 19e siècle la Gold-Coast, aujourd'hui le Ghana.
Avant l'arrivée des Dioulas, des Huélas et autres Ligbis pour fonder le grand Bondoukou, c'était un petit village habité par les Gbins et les Gouros ainsi que les Nafanas ou Wandaras. C'est avec la décadence, puis la disparition de la grande cité de Begho au 15e siècle, que Bondoukou prit son caractère de grande métropole de la région, telle d'ailleurs qu'elle sera découverte plus tard par des différents explorateurs anglais et français.
Grande ville jouant alors le rôle d'une capitale économique, Bondoukou constituait une plaque tournante située à l'intersection des grandes voies conduisant au pays du Sel au Nord (Djenné, Tombouctou, etc). Au pays de l'or à l'Est (Glod-Coast) et au pays de la Cola au Sud et au Sud-Est (Assikasso et la Gold-Coast).
Le bâtiment qui abrite actuellement les services de la Mairie ainsi que l'ancien marché où se tient actuellement l'exposition au rond point du centre-ville sont de fidèles reproductions modernes en matériaux définitifs des habitations qu'on trouvait ici. Deux édifices, la maison de Samory et la Case de Binger demeurent aujourd'hui les seules vestiges des constructions de l'époque.
Mais la ville était aussi un haut lieu de culture islamique. Des écoles coraniques dispensaient dans chaque quartier un enseignement qu'on qualifiait de remarquable. Quelques « Universités » auraient même fonctionné ici notamment au quartier TIMITÉ qui fournit les grands Imams, et auraient attiré pendant de très longues années des Etudiants Etrangers venus de bien loin, acquérir le savoir.
Seuls les grands Imams, autorités religieuses reconnues administraient la ville selon les lois coraniques, à l'époque précoloniale.
Ce n'est que vers le 18e siècle qu'arrivèrent les ABRONS qui fondèrent le royaume de Bondoukou. Ainsi le pouvoir temporel du Roi des Abrons s'allie au pouvoir spirituel des Imams pour coordonner les activités politico-administratives de la ville.
C'est sur ces structures traditionnelles qu'est venue plus tard se greffer l'administration coloniale. »
*Kouman Yao, 1er adjoint au maire de Bondokou.
bonheur — une nouvelle approche du problème. En tout cas, elles ont ouvert la bonne voie.
ATTA KOFFI