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Le pèlerinage à La Mecque (4) : journal de voyage de El Hadj Mamadou Coulibaly
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- Titre
- Le pèlerinage à La Mecque (4) : journal de voyage de El Hadj Mamadou Coulibaly
- Créateur
- Mamadou Coulibaly
- Editeur
- Fraternité Hebdo
- Date
- 20 avril 1973
- Page(s)
- 6
- 7
- nombre de pages
- 2
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007663
- contenu
-
LE PÈLERINAGE A LA MECQUE (4)
Journal de voyage de El Hadj Mamadou Coulibaly
Nous publions aujourd'hui la dernière partie du carnet de voyage du président Mamadou Coulibaly à La Mecque.
Cette dernière partie du récit relate la phase peut-être la plus importante du pèlerinage à La Mecque : visite des lieux saints, dernières cérémonies avant l'acquisition du titre. El Hadjou / Hulja (pour les femmes).
Dans nos éditions précédentes (Nos I.H. nos 728, 729 et 730), nous avons suivi avec le président Coulibaly, les pèlerins à leur arrivée et pris un premier contact avec La Mecque, sa célèbre Kaaba, accompli le septuple trajet Safa-Marwa, et visité Médine la cité du Prophète Mahomet.
Tawaf et liaison Safa - Marwa
Chaque année, le Roi Fayçal et ses invités officiels procédent à la toilette de l'intérieur de la Kaaba. Cette cérémonie a lieu la veille du départ à MINA et l'avant-veille de la journée HADJ D'ARAFAT, soit le 11 du Déléhédia (Lune de la Tabaski). Il faut se rendre à la Kaaba avant 6 heures pour trouver le moindre coin sur le rebord de la Mosquée, de nombreux pèlerins se seront installés depuis minuit afin d'être assurés de voir le film de la grande cérémonie de toilette de la Kaaba et du Tawaf royal. Le Roi arrive vers 8 heures, déjà les forces royales ont dégagé complètement la place autour de la Kaaba, en se donnant la main, du pied de la Kaaba, elles reculent ensemble refoulant les pèlerins hors de la piste circulaire où s'effectue le Tawaf.
Les invités se trouvent depuis six heures rassemblés et assis sur l'aire de ce qui fut la Mosquée malikite, et dont la partie supérieure, on l'a vu a été aménagée pour les muezzins et les haut-parleurs. Une échelle de coupée semblable à celle d'un avion, est accostée pour permettre au Roi et à sa suite de pénétrer dans la Kaaba, dont la porte est à environ deux mètres au-dessus du sol. Avec du linge blanc qu'ils trempent dans un seau d'eau de Zemzem, le roi et ses invités frottent les parois intérieures de la Kaaba, toilette symbolique à la faveur de laquelle chacun fait deux rakas ici, deux rakas là, deux rakas plus loin, en face des inscriptions gravées sur les parois, entre les piliers, sous l'étagère portant des bouilloires-reliques en bronze, en cuivre. On s'appuie contre la paroi pour implorer, prier, faire des vœux, on frotte les parois avec le linge qu'on a amené dans sa poche, ou bien, avec la complicité d'un servant, on trempe son linge dans l'eau de Zemzem où le Roi a trempé son linge pour laver la paroi. Le moment est sensationnel, on se considère un peu comme hors du monde habituel, certains pleurent à chaudes larmes. Mais il ne faut pas trop s'attarder, la cinquantaine d'invités n'entre que par groupes de dix, après le Roi qui se retire déjà pour commencer son Tawaf autour de la Kaaba, suivi par ceux qui redescendent. Lentement, suivi par le ministre du pèlerinage et ses collègues qu'escortent la Police armée et la sécurité royale, le Roi fait le Tawaf, levant les bras devant la porte Babou alkaaba, touchant des deux mains l'angle extrême-sud de la Kaaba « Loukoulou Yamani », s'arrêtant pour baiser la Pierre Noire « Adiaroul Assoua », avant de s'arrêter un moment devant les traces de pieds dans l'habitacle du « Maghama Ibrahim » et d'aller faire deux rakas dans la petite enceinte « Maghama Ismaël » où Ismaël fut inhumé.
Après le septuple circuit du Tawaf, le Roi va effectuer la septuple liaison Safa-Marwa avec le même cortège, les deux pistes ayant été totalement dégagées. La foule ne reviendra à Safa-Marwa que lorsque le Roi après s'être fait couper une touffe de cheveux, sera parti.
El Hadj Mamadou Coulibaly, son épouse Hadja et quelques-uns de ses compagnons devant le monument qui commémore la rencontre d'Adam et Eve au mont Arafat.
Mais après lui, la foule s'est ruée sur la piste circulaire du Tawaf demeurée vide un instant, c'est un véritable écrasement humain dans la clameur des prières de Tawaf. Le déferlement ne commencera à évacuer la Kaaba que dans l'après-midi pour se rendre à Mina (6 km), où tous les pèlerins devront se trouver pour passer la nuit du 12 au 13 « Délihédia », puis de là, partir pour la plaine d'Arafat le 13 dès le matin.
En effet, quiconque n'a pas passé à MINA la nuit du 12 au 13 et, dans la plaine d'Arafat, la journée du 13 jusqu'à 18 heures aura manqué totalement son pèlerinage et ne pourra pas se prévaloir du titre « Hadjou / Hadja » pour les femmes.
Tous les retardataires se hâtent donc pour être à MINA le 12 avant minuit.
1 Montagne « Diabal Nour », où le Prophète faisait retraite chaque année avant la « Révélation »
2 Monument « Satan Père »
3 Monument « Satan Mère »
4 Monument « Satan Fils »
5 La « Kaaba » de la Mecque
6 Mosquée de Mina
7 Montagne « Diabal Saoul », où le Prophète en fuite vers Médine, se réfugia dans la grotte dont l'entrée fut camouflée rapidement par l'araignée avec sa toile, le colibri en pondant sur le sable, et un arbuste dont le feuillage se balançant au vent, dissuadèrent les Mecquois qui Le poursuivalent, d'y pénétrer.
8 Mosquée de Muzdalifa
9 Colline Arafat
10 Plaine d'Arafat
11 Mosquée en construction à Arafat
خريطة مناطق الحج من مكة إلى عرفات
--- Page 2 ---
LE PÈLERINAGE A LA MECQUE
Mina, jour « J »
Les pèlerins, à pied, à mulets, en autocars, en voitures de place arrivent à MINA qui devient une grandiose fourmilière avant le matin du 13 Délihédia. C'est à Mina que se trouvent les trois Monuments de Satan sur lesquels pendant trois jours chaque pèlerin va jeter, à partir de 14 heures, successivement sept pierres symboliques chaque jour.
Le départ pour ARAFAT commence après la prière Salat Soubouho de six heures à la Mosquée de Mina. La foule s'ébranle dans un tintamarre de klaxons.
Le pèlerinage à Arafat est un spectacle grandiose, une sorte de kermesse religieuse aux dimensions du monde. De Mecque à la Plaine d'Arafat, passant par Mina et Muzdalifa progresse une énorme foule de pèlerins à pied, à mulets (il n'y a plus de chevaux en Arabie Saoudite), en voitures américaines ou japonaises (quelques rares véhicules européens).
Les groupes de pèlerins suivent les fanions de ralliement, des drapeaux nationaux, des foulards multicolores; pour certaines collectivités le ralliement se fait autour d'une bouilloire ou d'une jerricane en plastique levé au bout d'un bâton que tient le chef de file.
Dans la grande bousculade, des piétons tentent de repousser de leur main les véhicules arrogants qui forcent un passage accompagnés du hurlement exaspéré de leurs klaxons.
Souvent le piéton dépasse l'automobiliste que les agents de la circulation bloquent sur place, pendant une demi-heure ou davantage; seules les voitures-ambulances se faufilent avec l'aide des agents et grâce à leurs avertisseurs spéciaux. Vers le lieu d'appel, car l'insolation foudroie aisément les pèlerins mal couverts, tel cet énorme ventripotent qui s'effondrera à Arafat, tout en marchant, et qui mourra avant l'arrivée des secours.
Dans cette foule cosmopolite se côtoient tous les âges, toutes les teintes épidermiques, tous les facies imaginables, crânes plats et crânes pointus, chevelus ou chauves, toutes sortes de carrures et de statures, yeux en amandes à l'égyptienne, yeux émergeant en boules de loto, ou bridés, visages ronds, ovales, larges, nez plats et lèvres épaisses ou nez minuscules surmontant des petites bouches d'enfants. Un bambin dort sur l'épaule de son papa qui s'arrache difficilement à l'emprise de tout ce monde pressé et indifférent. Que la foule atteigne un certain volume, et elle contraint les autobus eux-mêmes à s'arrêter. Les agents sifflent à en perdre le souffle, étendent les bras pour contenir les imprudents, crient ou supplient, parlementent, menacent, pardonnent.
En 1948, nous dit-on, il n'y avait pas une seule maison bâtie à Mina; seules des tentes servaient d'abris, et les « muskinas » se contentaient d'aller étendre leur batte dans les creux, au flanc de la montagne durant tout le séjour.
Aujourd'hui il y a des hôtels… Mais qui seront fermés pour dix mois aussitôt le pèlerinage terminé. En effet Mina, comme Muzdalifa ou Arafat, n'est qu'un lieu de pèlerinage inhabité. Il est difficile de croire, si l'on ne revient pas le voir de ses yeux, que Mina puisse se retrouver du jour au lendemain, aussi désert qu'une simple brousse montagneuse.
C'est à MINA qu'Abraham était venu pour sacrifier son fils Ismaël selon la promesse faite à Dieu. Satan, cherchant à lui faire renier son serment, l'y avait poursuivi pour lui faire admettre la vanité d'un tel sacrifice; le prophète Abraham jeta sept pierres à Satan pour l'éloigner, en lui criant: SOUBAHANA, ALAKBAR. De nouveau, Satan apostropha Adiara, mère d'Ismaël pour lui reprocher de laisser immoler son fils par le père; émue, mais aussi déterminée que son époux, Adiara jeta à son tour sept pierres contre Satan en proférant « SOUBAHANA, ALAK-
BAR ». Entêté, Satan s'adressa alors à Ismaël, lui conseillant de ne pas se laisser sacrifier par son père: comme ses parents, Ismaël chassa le Démon avec sept pierres en proférant « SOUBAHANA, ALAKBAR ».
Chacune des interventions de Satan est symbolisée à MINA par un monument de ciment peint à la chaux; les trois monuments sont dénommés père, mère et fils du Satan; chaque pèlerin doit les lapider successivement de sept pierres, pendant trois jours, soit 21 pierres au total par monument.
Le monument « Père-Satan » fait l'objet d'une première lapidation de sept pierres par pèlerin, quand au retour d'Arafat le soir, on repart à la Mecque pour le Tawaf et la liaison Safa-Marwa de clôture du pèlerinage rituel. C'est ensuite que, revenu à MINA, le matin du 10 « Délihédia », on tue le ou les moutons qu'on sacrifie avant la première séance de lapidation des trois monuments qui ne commence qu'après la prière de 13 heures (Azouhourou).
Cette scène de lapidation est étourdissante, car tout le monde se précipite au même moment et l'on se retrouve à six cent mille personnes déchaînées à lancer des pierres vengeresses sur les trois monuments. On se croirait à une grande bataille et, de loin, l'aspect général des six cent mille mains jetant furieusement les pierres donne presque le vertige! Une clameur sourde domine cette gigantesque ruée, au milieu de laquelle quelques fanatiques, bravant la pluie de pierres, bondissent sur le monument qu'ils battent à coups de bâton, de poing, tandis que d'autres, moins audacieux mais indignés, lancent sur Satan leurs sandales en guise de souverain mépris. C'est là aussi que des pèlerins meurent étouffés, debout ou lorsqu'ils chutent et se font piétiner: notre compagnon KONE, pris dans le flot, disparut pendant sept heures, de quatorze heures à vingt et une heure; sans que l'on pût savoir vers quel bord il avait été entraîné. La radio et la télévision saoudienne de Mina durent s'employer à découvrir le pauvre pèlerin épuisé par une marche difficile, parmi la foule déchaînée.
Les immolations ont lieu à MINA en souvenir de celle d'Abraham. Les yeux clos, le patriarche croyait égorger son fils quand celui-ci lui cria: « Père, le sang du mouton jaillit sur ton vêtement! »
En ouvrant les yeux, Abraham vit qu'à son fils Ismaël avait été substitué par l'Ange Djibril, sur ordre de Dieu, un bélier dont il venait de trancher le cou; de bonheur il remercia Dieu en prononçant: « AL HAMDOULILA RA BILALA MINA », remerciement repris par Adiara et Ismaël également heureux de l'issue de cet ultime sacrifice pro-
mis à Dieu par Abraham. Aussi, toute prière faite à MINA est-elle toujours exaucée, affirme-t-on.
Muzdalifa
C'est là qu'après cent ans de séparation, Adam et Eve se sont aperçus indistinctement, avant de se reconnaître clairement à Arafat: l'un et l'autre avaient leurs sandales métalliques usées à force de marcher; Eve après avoir quitté le Paradis avait atterri à Jeddah (Grand-Mère) tandis qu'Adam atterrissait à NIDJIRI (Asie).
Muzdalifa était un lieu aussi désert que Mina et Arafat; au retour du pèlerinage à Arafat, Adam se reposait à Muzdalifa et repartait le lendemain pour la Mecque. Aussi quand après 18 heures le pèlerin quitte Arafat le 9 Délihédia, il doit nécessairement accomplir l'une après l'autre à Muzdalifa les deux prières de Maghrebi (18 h) et Ichat (19 h 30); il peut ensuite soit coucher sur place, soit continuer pour jeter les sept premières pierres à Satan-Père à Mina, se rendre ensuite à MECCA pour le Tawaf et la liaison Safa-Marwa, confirmant de la sorte l'état définitif de El Hadj avant de revenir à MINA à l'aube du 10 Délihédia, jour du sacrifice du mouton et début des trois jours de lapidation des monuments-Satan. Toutefois, le pèlerin est libre de tuer son mouton le 10, le 11 ou le 12 Délihédia. Muzdalifa n'est donc qu'une étape entre Mina et Arafat.
Arafat: la colline d'Adam et Eve
Arafat est une vaste plaine au pied d'une colline, elle-même dominée au Sud et à l'Est par de hautes montagnes arides. C'est sur la colline ARAFAT qu'Adam et Eve se retrouvèrent après leur expulsion du Paradis, et cent ans de séparation. Ils ne s'aperçurent, après cent ans de recherche, qu'à Muzdalifa, et ils ne se reconnurent qu'à ARAFAT.
On dit qu'Eve, créant ainsi l'hypocrisie féminine, en apercevant et reconnaissant Adam, fit volte-face en simulant de ne pas avoir vu son époux qu'elle brûlait pourtant de revoir et d'embrasser; Adam se jetant dans les bras d'Eve lui confessa qu'il la recherchait à travers le monde depuis cent ans, ce à quoi Eve répliquait que depuis leur départ du Paradis elle n'avait pas bougé et n'avait rien fait pour retrouver Adam! C'est depuis ce mensonge que la femme a coutume de dissimuler son amour, même si son cœur est prêt à voler pour un homme!
La journée d'Arafat se passe en prières sous les tentes, des foules de pèlerins escaladent le Mont ARAFAT par un long escalier de trois ou quatre paliers: un monument en ciment symbolise le point de rencontre d'Adam et Eve sur cette colline; les photographes font fortune là, car les imitateurs d'Adam et Eve ne manquent pas. On déjeune à midi, on reprend les prières individuelles, les vœux; nul ne peut quitter Arafat avant le coup de canon de 18 heures; sinon l'état d'El Hadj n'est pas acquis: il faut avoir passé cette journée dans cette plaine sacrée, au pied du Mont Arafat.
C'est ensuite le grand reflux des pèlerins vers Muzdalifa, Mina et la Mecque. Tout le monde est devenu El Hadj ou Hadja.
De nouveau, la ruée recommence dans un indescriptible tohu-bohu de piétons, de mulets, de véhicules mélangés.
A Muzdalifa on priera les deux périodes de 18 h et 19 h 30; on couchera ou on continuera la même nuit jusqu'à Mecca, avant de revenir pour le sacrifice du mouton, la lapidation de Satan pendant trois jours, et pour se raser la tête si on le désire.
Le pèlerinage est terminé après les trois jours de MINA. On revient à Mecca et, quand on s'en va définitivement pour l'embarquement à Jeddah on effectue un Tawaf d'adieu à la Kaaba avant de quitter la ville sainte des Musulmans.
C'est le 15 janvier (le 11 du Délihédia) que le Roi reçut pour la clôture du pèlerinage ses invités personnels dans sa résidence officielle de MINA: deux allocations de circonstance par le Vice-Chancelier Général du pays et le délégué des Muphtis chargés de la religion dans le pays. Pour la seconde fois, nous avons serré la main du Roi Fayçal, après le thé servi par des domestiques stylés et harnachés. Vœux de bonne fête, reconnaissance des musulmans du monde au Roi Fayçal, histoire de la vie exemplaire du Prophète MOHAMMED et nécessité de libérer les Arabes sous domination juive, ce sont les thèmes du Vice-Chancelier et du délégué des Muphtis.
Le mardi 16 janvier 1973, le Protocole royal nous propose le retour à Jeddah, notre base depuis l'arrivée en terre saoudienne, car le Roi quitte MINA et il n'est pas obligatoire d'y rester trois jours.
Le dimanche 22 janvier, nous quittons Jeddah pour Abidjan à 9 h locale (12 h à Abidjan), après avoir déploré que le planning demandé par nos compatriotes en 1966 fasse venir les pèlerins ivoiriens avant tous les autres et les fasse repartir en Côte d'Ivoire les derniers, sur leur demande.
Jeddah, 21 janvier 1973 à 13 h 15