Article
Haute Volta-Libye
- Titre
- Haute Volta-Libye
- Type
- Article de presse
- Editeur
-
L'Observateur
- Date
- 20 janvier 1981
- nombre de pages
- 1
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007304
- contenu
-
HAUTE-VOLTA - LIBYE
On peut tout faire en Afrique, sauf s'asseoir sur les explosifs que sont certains principes fondamentaux de la Charte de l'Unité Africaine.
Avec la transformation de ses ambassades en "Bureau Populaire", son intervention blindée au TCHAD et son projet de fusion avec ce pays, la LIBYE de KADHAFI s'est délibérément mise sur la sellette diplomatique. Et ses relations bilatérales d'avec nombre de capitales africaines ont commencé de s'en ressentir.
Ailleurs, et c'est le cas du KENYA par exemple, on a vigoureusement protesté contre la décision unilatérale de TRIPOLI de rebaptiser ses missions diplomatiques et contre ses visées tchadiennes. Dans les États immédiatement concernés par le rêve sahélien de l'homme fort de TRIPOLI, ses diplomates ont été récemment priés de s'en retourner chez eux. On pense notamment à ce qu'il en fut aux NIGERIA, NIGER et MALI la semaine dernière.
"Irrécusable et inacceptable", a dit pour sa part le chef de la diplomatie voltaïque dans une déclaration faite vendredi dernier sur la question, déclaration dont nous vous proposons l'intégralité ci-après. Souhaitons que ce "holà" du Ministre TIEMTARBOUM annonce les couleurs de notre nouvelle diplomatie, une diplomatie qu'on voudrait moins invertébrée que jadis.
DÉCLARATION
Le 8 janvier 1981, le Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération a reçu une note verbale émanant d'un "Bureau Populaire de la JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE POPULAIRE SOCIALISTE en HAUTE VOLTA" qui transmettait un communiqué du "Comité Populaire" sur la transformation de l'Ambassade de la Jamahiriya Arabe Libyenne en "Bureau Populaire" sous la direction d'un Comité Populaire.
En réaction à cette communication, le Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération, se référant au communiqué conjoint publié en 1972 par les Gouvernements de TRIPOLI et de OUAGADOUGOU, a fait connaître par sa note verbale du 12 janvier 1981 à l'Ambassade de la Jamahiriya Arabe Libyenne en HAUTE-VOLTA que, par ce communiqué, les deux États avaient décidé d'établir leurs relations diplomatiques au niveau d'Ambassades et que, de ce fait, le contenu de la note verbale était irrécevable et inacceptable tant dans son fond que dans sa forme en raison de son caractère unilatéral.
Eu égard aux rapports existant entre les deux pays, une consultation préalable à toute action de cette nature eût été plus indiquée. Nous avons mis en garde l'Ambassade de la JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE contre tout agissement unilatéral en la matière qui aurait des conséquences extrêmement fâcheuses sur les relations entre les deux pays.
En réponse à cette note verbale, l'Ambassade de la JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE nous a donné l'assurance "qu'aucun changement ne surviendrait dans le statut de l'Ambassade de la JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE en HAUTE-VOLTA".
Les faits que je viens de porter à votre connaissance ne constituent qu'une péripétie de l'ensemble de nos relations avec ce pays que nous voulons frère, la LIBYE. Mais comme vous le savez, notre continent vit ces jours-ci un moment important de son histoire. La menace de déstabilisation, qui pèse sur les États ayant des frontières communes avec la JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE, dont certains sont nos voisins directs, nous concerne plus d'un titre. Ce que nous pouvons appeler le drame tchadien ne peut nous laisser indifférents.
Il y a lieu de signaler que le communiqué faisant état de la transformation de l'Ambassade ainsi rejetée faisait mention d'un "Comité Populaire" ayant en son sein des personnes ne bénéficiant pas du statut diplomatique. Ces personnes ont déjà quitté le territoire voltaïque. La vigilance reste néanmoins de rigueur.
Nous disons donc : la HAUTE-VOLTA, membre fondateur de l'Organisation de l'Unité Africaine, de l'intangibilité des frontières, la reconnaissance de la souveraineté des États Membres et la non-intervention dans les affaires intérieures des États demeurent des principes de base, déplore et condamne la décision de fusion TCHAD-LIBYE qui fait fi de l'un des principes sacrés de l'organisation des Nations Unies, à savoir le droit de tout Peuple à l'autodétermination.
Le respect scrupuleux de ces principes, qui ont guidé la HAUTE-VOLTA depuis son indépendance, lui demande aujourd'hui de s'élever contre toutes nouvelles formes d'hégémonisme au détriment d'un Peuple qui n'a que trop souffert : ce peuple frère du TCHAD à qui nous réaffirmons notre soutien indéfectible.
C'est pour toutes ces raisons que la HAUTE-VOLTA réaffirme son soutien aux Accords de LAGOS (septembre 1979) qui, à la différence de bien d'autres tentatives, ne visent qu'à la réconciliation de nos frères Tchadiens. La HAUTE-VOLTA estime que toute solution viable doit être recherchée et trouvée dans ce cadre. Elle salue les efforts du Président EYADEMA et de tous ses collègues africains qui, conscients des menées subversives visant à la déstabilisation de la Région pour des motifs inavouables et au nom d'idéologies inavouées, tentent de rechercher une solution africaine à un problème africain.
OUAGADOUGOU, le 16 janvier 1981.