Article
Obsèques de l'Imam Mahmoud Samassi, hier. El Hadj Idriss Koné Koudouss (Pdt du CNI) : "Trop c'est trop"
- Titre
- Obsèques de l'Imam Mahmoud Samassi, hier. El Hadj Idriss Koné Koudouss (Pdt du CNI) : "Trop c'est trop"
- Type
- Article de presse
- Editeur
-
Le Patriote
- Date
- 9 janvier 2003
- pages
- 1
- 3
- nombre de pages
- 2
- Sujet
- Islamisme
-
Conseil Supérieur des Imams, des Mosquées et des Affaires islamiques
- Conseil National Islamique
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007153
- contenu
-
Après l'assassinat de l'Imam Samassi Mahmoud le lundi
LE CLERGÉ MUSULMAN EN COLÈRE!
Idriss Koudouss
Président du CNI : P.3
Pour la première fois, les Imams organisent une grande marche de protestation : "Trop, c'est trop".
Rebellion armée en
Obsèques de l'Imam Mahmoud Samassi, hier. El Hadj Idriss Koné Koudouss (Pdt du CNI) :
"TROP, C'EST TROP"
Cissé Sindou
On peut le dire, la date du mercredi 8 janvier 2003 restera à jamais gravée dans la mémoire des Musulmans de Côte d'Ivoire. C'est hier en effet que l'Imam de la Mosquée de M Pouto, Mahmoud Samassi, père de douze enfants, assassiné le lundi dernier à son domicile par des hommes en armes, a été conduit dans sa dernière demeure. Les obsèques ont débuté vers dix heures à Ivosep (Treichville). Pour l'occasion, la communauté musulmane, malgré l'annonce tardive au programme (la veille), a effectué le déplacement en grand nombre, ainsi que les élèves de l'Imam qui était professeur de Mathématiques au Lycée Moderne de Treichville.
Le président du Conseil national islamique (CNI), El Hadj Koné Idriss Koudouss, les membres du Conseil supérieur des Imams (COSIM), des centaines de fidèles, hommes et femmes, tous tenaient à rendre un vibrant hommage à l'homme de Dieu et à apporter leur réconfort à la famille éplorée. Surtout pour exprimer leur ras-le-bol face aux tracasseries, aux humiliations et aux assassinats dont sont victimes les musulmans et leurs dignitaires de la part des hommes en uniforme. Une situation qui s'est accentuée depuis octobre 2002 jusqu'à ce jour. Les différents intervenants à Ivosep, notamment l'Imam Djiguiba, qui a rappelé les qualités de l'homme, et l'Imam Koné Idriss Koudouss, ont tous marqué leur indignation et leur ras-le-bol face aux épreuves que les musulmans endurent depuis quarante ans. "Trop, c'est trop. C'est une étape supérieure qui vient d'être franchie. Les musulmans ont toujours prôné pour la paix en Côte d'Ivoire. Car leur religion, l'Islam, signifie paix. Mais nous ne devons pas être les sacrifices de cette paix", a déclaré le président du CNI qui a entretenu la foule durant le parcours. La prière mortuaire a été faite à la mosquée de l'avenue 8 (Treichville), dirigée par le Cheick Anzoumana Konaté. Un moment d'émotion, puisque ce sont sur trois corps de la famille Samassi (les deux décès sont intervenus quelques jours avant) que les fidèles ont prié.
La consternation est montée d'un cran lorsque, après les prières, les cortèges ont pris la direction du cimetière de Williamsville où les inhumations se sont déroulées. Hommes, femmes, enfants, tous avaient du mal à retenir leur colère et leurs larmes face à cette séparation. L'Imam Sokou Sylla est intervenu au nom de la famille pour remercier tous ceux qui ont effectué le déplacement. Le Supérieur Ediemou Jacob, lui, a traduit, au nom des autres confessions, la compassion des religieux à la famille du défunt ainsi qu'à l'ensemble de la communauté musulmane. C'était émouvant!
Assassinats, arrestations, enlèvements :
C.S.
POURQUOI LES IMAMS SONT DANS LE COLLIMATEUR DU POUVOIR
Mardi dernier, l'Imam Mahmoud Samassi est froidement abattu à son domicile par quatre individus armés. L'homme religieux était d'une culture et d'une éloquence qui ne laissait personne indifférent. Sa mort vient s'ajouter à une longue série d'exactions dont sont victimes les chefs de l'islam. À la reprise de Daloa par les forces loyalistes au mois d'octobre 2002, un autre Imam, Cheick Sylla, a été exécuté avec certains de ses étudiants, à Daloa. Le dimanche dernier, c'était l'Imam de Bonon, localité située à quelque cinquante kilomètres de Daloa, qui a été enlevé par les forces de l'ordre avec lui, trois autres membres de sa famille dont ses deux fils ont été amenés. Sylla Baba subissait là sa troisième arrestation depuis le début des événements du 19 septembre 2002. Comme lui, de nombreux Imams ont été séquestrés ou nuitamment enlevés. L'on se rappelle le sort de l'Imam Aboubacar Folana de Yopougon Wassakara. Le chef religieux a été pris à son domicile, conduit à un commissariat (16e Arrondissement) d'où il ne sera libéré que vers 19h30, bien après l'entrée en vigueur du couvre-feu. Les perquisitions de mosquées, quant à elles, ne se comptent plus. Toute chose qui fait dire à un membre influent de la communauté musulmane, sous l'effet d'une colère bien compréhensible : "Cette guerre n'est pas religieuse, mais les religieux musulmans lui paient un prix élevé."
Pourquoi donc tant d'acharnement du pouvoir Gbagbo contre les Imams ? Malgré les appels au calme qu'ils ont régulièrement lancés depuis l'éclatement de la rébellion et les nombreuses actions entreprises en vue de maintenir la cohésion sociale, les religieux musulmans passent pour des soutiens actifs de la rébellion aux yeux du régime FPI. Les accusations au plus haut sommet de l'État sont légion. La dernière en date est venue, il y a quelques jours, de Madame Simone Gbagbo qui a vertement convoqué les femmes musulmanes pour les intimer l'ordre de lui expliquer les raisons du soutien des musulmans aux rebelles. À travers les journaux les plus en phase avec les opinions des dirigeants actuels, les dirigeants musulmans sont accusés d'avoir été les préparateurs des assaillants psychologiques. "Ce sont eux qui ont, par leurs prêches, enflammé et incité à la rébellion", n'a cessé d'écrire un éditorialiste bien connu du quotidien gouvernemental. Pour le régime, les Imams sont le relais spirituel des actions du RDR, ce sont des ennemis à abattre. Il y a quelques semaines, le président d'une association de jeunesse musulmane a été enlevé à Cocody Angré : cagoulé et transporté en un endroit secret, il a subi un interrogatoire serré avec sévices. Les questions tournaient autour des relations supposées des leaders musulmans avec la rébellion. Veut-on pousser les musulmans par ces actions à des réactions violentes qui permettraient de crier à l'islamisme dans la guerre actuelle ? S'agit-il de pousser à une confrontation interreligieuse en Côte d'Ivoire ? Nul ne le sait. Mais dans la communauté musulmane, on indique que le dernier assassinat, celui de l'Imam, lundi, est la goutte d'eau de trop. De quoi sera faite la réaction de ceux que beaucoup appellent déjà "les juifs de la refondation" ? On attend de voir.
D. Al Seni
Côte d'Ivoire
LA MARCHE DE LA COLÈRE
Ce sont des milliers de fidèles musulmans qui ont fait une procession, avec le corps de l'Imam Mahmoud Samassi, d'Ivosep à la mosquée de l'Avenue 8, Treichville, hier mercredi. La colère et la consternation se lisaient sur tous les visages. Ce déferlement humain était l'expression de l'indignation face aux tracasseries dont est victime la communauté musulmane en Côte d'Ivoire. Et ces attaques sont le fait d'hommes en uniforme. Pour eux, trop c'est trop. Cette mort est de trop. Les autorités ivoiriennes doivent prendre leurs responsabilités. Sinon, la communauté ne se laissera plus faire, ont estimé hommes, jeunes, vieux présents à cette marche. À chaque arrêt observé par le cortège, c'étaient invocations et prières pour appeler la sanction divine contre ceux qui prennent l'islam et les musulmans pour des ennemis à exterminer. Le corollaire, selon certains musulmans, c'est que le Chef de l'État n'hésite pas à prendre des raccourcis pour accuser les musulmans de tous les maux dont son régime souffre. Pour preuve, sa dernière entrevue avec Koudouss à qui il a signifié ceci : "Tu sais, homo (s'adressant à Koné Idriss Koudouss au téléphone), les rebelles veulent créer un État islamique à Bouaké." Un amalgame qui en dit long sur le pourrissement des relations. Malheureusement.
Kossou Jean-Marc
LA DÉCLARATION DU CNI
LES GUIDES MUSULMANS SONT DANS L'ŒIL DU CYCLONE
Chers frères, chères sœurs, pour une fois, nous faisons entorse au devoir de silence qu'impose la mort d'un croyant. Celle de l'Imam Mahmoud Samassi nous interpelle particulièrement, parce qu'elle confirme une réalité que vit notre communauté depuis de longues années. En particulier depuis octobre 2000, la communauté musulmane est l'objet de dures épreuves, exactions de toutes sortes, enlèvements, disparitions de fidèles, d'Imams et maintenant assassinats.
La mort violente de notre jeune frère, l'Imam Mahmoud Samassi, intervenue lundi dernier aux environs de 12 heures, dans les escaliers de sa résidence, montre à quel point les guides religieux musulmans sont dans l'œil du cyclone.
Après les perquisitions sans succès des mosquées d'Abidjan, San Pedro, Divo, Gagnoa, etc., après les perquisitions sans succès des domiciles de fidèles et de résidences d'imams, l'étau se resserre davantage. Trop, c'est trop ! L'État républicain a un devoir de protection de tous les citoyens et singulièrement de tous les guides religieux, quelle que soit leur confession.
C'est pourquoi, envahis que nous sommes par la tristesse et la douleur, fidèles et Imams de la communauté musulmane, marquons notre indignation et demandons à l'État de tout mettre en œuvre pour arrêter ce cycle infernal qui n'honore aucunement notre pays.
Que Dieu le Tout-Puissant ait pitié de la Côte d'Ivoire et nous délivre de tous les maux !
El Hadj Koné Idriss Koudouss
Président du CNI