Article
Appel de la communauté musulmane à l'opinion nationale et internationale : "Que tous les candidats soient autorisés à se présenter"
- Titre
- Appel de la communauté musulmane à l'opinion nationale et internationale : "Que tous les candidats soient autorisés à se présenter"
- Type
- Article de presse
- Editeur
-
Le Patriote
- Date
- 5 octobre 2000
- pages
- 4
- nombre de pages
- 1
- Sujet
- Idriss Koudouss Koné
- Front populaire ivoirien
- Rassemblement des républicains de Côte d'Ivoire
- Élection présidentielle ivoirienne de 2000
- Parti démocratique de Côte d'Ivoire
- Parti ivoirien des travailleurs
- Conseil National Islamique
-
Conseil Supérieur des Imams, des Mosquées et des Affaires islamiques
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007061
- contenu
-
Appel de la communauté musulmane à l'opinion nationale et internationale
"QUE TOUS LES CANDIDATS SOIENT AUTORISÉS À SE PRÉSENTER"
Dans le souci de contribuer à la décrispation de l'atmosphère socio-politique, devenue préoccupante, le Conseil Supérieur des Imams (COSIM) et le Conseil National Islamique (CNI) ont entrepris une série d'actions. Dans ce cadre, nous n'avons ménagé aucun effort pour œuvrer à faire régner la paix entre les voisins, en témoignent les nombreuses prières et invocations à Allah Omniscient et Omnipotent, les rencontres de travail qui se poursuivent avec des partis politiques (PDCI, FPI, RDR, PIT, UDCI, PNI, PARI), avec des ONG (la LIDHO, la Croix Rouge, le VAFAG), avec des confessions religieuses (Église Baptiste Œuvres et Missions, le Comité National Hamste, les Christianistes Célestes) et avec des responsables de la junte militaire.
Il ressort de toutes ces rencontres deux éléments essentiels :
D'une part, le souci de préserver la paix et la concorde nationale exprimé par une large majorité ouverte au consensus national.
D'autre part, la volonté affichée d'une minorité radicale très active, déterminée à aller à l'affrontement et hostile à tout compromis.
Malgré tous les efforts déployés, ici et là, nous constatons que la situation continue de se détériorer. Nous en voulons pour preuve les événements malheureux survenus dans la nuit du 17 au 18 septembre 2000 à la résidence privée du chef de l'État et leurs conséquences : intimidation, perquisitions sans mandat, arrestations arbitraires, tortures, violences de toutes sortes, mort d'hommes.
Au regard de cette situation tendue qui présente des risques réels de grave déchirure du tissu social, le COSIM et le CNI félicitent, encouragent et appuient fermement l'initiative de l'OUA, soutenue par l'ONU avec la bénédiction des grandes puissances. Car Dieu dit : "Ô les croyants, soyez stricts (dans vos devoirs) envers Dieu et (soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes." (Saint Coran, sourate 5, verset 8).
La pertinence et la sagesse de cette démarche de l'OUA confortent le COSIM et le CNI dans la justesse de leurs pensées de position. À toutes fins utiles, nous en rappelons quelques-unes :
- Texte de présentation des condoléances au Président Bédié par le Président du CNI le 23 décembre 1993, lors du décès du président Félix Houphouët-Boigny.
- Adresse du COSIM aux Ivoiriens et aux Ivoiriennes, le 02 octobre 1999.
- Déclaration du CNI le 20 juillet 2000, relative aux textes de la Constitution et du Code électoral soumis à référendum.
- Adresse du COSIM aux Ivoiriennes, aux confessions religieuses, à la classe politique, aux ONG, aux hommes de médias et à l'opinion internationale, le 12 août 2000.
Sans relâche, nous réitérons cet appel pressant à l'opinion nationale et internationale sur la nécessité de préserver absolument la paix sociale que nous, Ivoiriens, avons conseillée par le passé lors de conflits et de guerres (Afrique du Sud, Nigeria, Angola, Libéria, Sierra Leone, Mali, Burkina, etc.). Avons-nous le droit, dans des circonstances similaires, de rejeter l'aide de nos frères et amis ?
Nous savons que la situation est critique parce que conflictuelle. Tout ce qui arrive à notre pays résulte de l'arbitraire. L'arbitraire est ce virus pernicieux qui habite les chefs en Côte d'Ivoire dès qu'ils ont une parcelle de pouvoir, et ce dans le but de se maintenir éternellement.
Dans cette perspective, ils se permettent tout : la fraude, le viol des consciences, la manipulation ou la diabolisation d'une partie de la population ou de leurs adversaires d'un jour. Et suprême injure au peuple, ils n'ont aucune gêne à manipuler la Loi Fondamentale à leur seul profit. Malheureusement, dans cette entreprise pénible, ils trouvent des complices à tous les niveaux de la société, dans toutes les régions, dans toutes les religions, dans tous les partis politiques et même parmi les éminents universitaires et intellectuels. Ainsi, l'on voit des alliances de tout genre et dans toutes les directions. C'est pourquoi, il appartient aux hommes épris de justice et d'équité de combattre partout et à tout moment ce virus de l'arbitraire.
La situation socio-politique ivoirienne impose aujourd'hui aux acteurs politiques, du pouvoir comme de l'opposition, de se hisser le plus haut possible au sommet de la montagne pour donner une chance à la paix. En vue de réaliser cet objectif fondamental, personne n'a le droit de se réfugier derrière un texte, fût-il constitutionnel, car les conflits ou la paix ne résident pas dans la Constitution elle-même, mais plutôt dans l'esprit des hommes.
Au Zaïre, au Congo, au Rwanda, au Libéria, en Sierra Leone, il y a eu la guerre non parce que la Constitution n'a pas été correctement appliquée, mais parce que la haine de l'autre avait rempli les cœurs des acteurs de tous les camps. C'est cela que nous combattons depuis la naissance du COSIM et du CNI. Fidèles donc à notre démarche de toujours inspirée des principes du saint Coran et des Hadiths du Prophète Mohamed (SAW), le COSIM et le CNI en appellent à la sagesse du chef de l'État, garant de l'unité nationale, afin qu'il crée les conditions de la paix et non celles de l'affrontement qui pointent à l'horizon. C'est pourquoi, aujourd'hui comme hier, nous réaffirmons les mesures suivantes :
- Que la junte militaire observe la stricte neutralité dans le débat politique national.
- Que la Chambre constitutionnelle utilise le bon sens pour donner une chance aux Ivoiriens de s'unir.
- Que les prérogatives constitutionnelles de la Commission Nationale Électorale Indépendante (CNE) soient respectées et que tous les moyens soient mis à sa disposition afin de permettre aux Ivoiriens de voter dans les meilleures conditions matérielles et psychologiques.
- Que les médias publics retrouvent leur vrai statut d'institution d'utilité publique au service de toutes les composantes de la vie nationale, à savoir gouvernement, opposition, société civile.
- Que tous les candidats désignés, en particulier par des formations politiques officiellement reconnues, soient autorisés à se présenter aux élections de 2000.
- Que tout soit mis en œuvre pour que nos enfants qui ont atteint l'âge de 18 ans puissent effectivement aller aux urnes.
- Que tout soit mis en œuvre enfin pour que les Ivoiriens dont les cartes nationales d'identité confectionnées depuis plus d'un an, mais toujours retenues par les autorités compétentes, puissent entrer effectivement en possession de ce document précieux, avant le début des élections.
Le COSIM et le CNI estiment qu'il n'est pas moralement et politiquement sain d'empêcher les militants d'un parti politique d'exprimer leur adhésion au programme du parti de leur choix, ni d'ôter l'opportunité aux Ivoiriens d'exprimer leur désapprobation à l'égard d'un candidat.
Le COSIM et le CNI sont heureux, dans leur démarche, d'être parfaitement en phase avec le monde entier dans le traitement de la question socio-politique ivoirienne. C'est pourquoi, ils demandent aux musulmans de rester sereins et déterminés dans le combat contre l'injustice et l'arbitraire.
Que la communauté ne réponde à la haine de l'autre que par l'amour et ne tombe jamais dans le piège de la xénophobie et de l'exclusion.
Aux frères ivoiriens de toutes régions et de toutes confessions religieuses : la Côte d'Ivoire est une, nous avons une histoire commune. Depuis des siècles, nous vivons en bonne intelligence sur cette terre que Dieu nous a offerte à tous. Tous les partis politiques, sans exception, comptent en leur sein aussi bien des musulmans que des chrétiens et des animistes, aussi bien des gens du Nord que des gens du Sud, aussi bien des gens de l'Est que de l'Ouest. Notre analyse est donc la suivante : aucun parti politique ne peut imposer à la Côte d'Ivoire la dictature d'une ethnie, d'une religion ou d'une région. Dans toutes les familles ivoiriennes existent des relations de mariage et d'amitié, et ce dans toutes les directions. Les musulmans, par notre modeste voix, tiennent à rassurer toute la Nation sur leur engagement de toujours et leur détermination à vivre en paix avec tout le monde dans le cadre républicain et laïc.
Nous invitons enfin la communauté internationale à aider la Côte d'Ivoire à retrouver ses marques pour qu'elle redevienne ce pays respecté et envié sur tout le continent africain.
Assalam Alekoum Wa Rahmatoulah Ta Allah Wabarakatouhou.