Titre

Les musulmans au président : "Vous avez la confiance de toute la communauté musulmane"

Type

Article de presse

Créateur

Pierre N'Da Kouamé

Editeur

Le Patriote

Date

8 février 1993

pages

1

4

nombre de pages

2

Sujet

Idriss Koudouss Koné

Félix Houphouët-Boigny

Congrès CNI (1993)

Yamoussoukro

Conseil National Islamique

Conseil Supérieur des Imams, des Mosquées et des Affaires islamiques

Langue

Français

Source

Centre de Recherche et d'Action pour la Paix

Contributeur

Frédérick Madore

Identifiant

iwac-article-0007011

Droits

contenu

Société

Ce que les

MUSULMANS

ont dit à

HOUPHOUËT

AUDIENCE

Le discours intégral de l'Imam Idrissa Koné (Président du Conseil National Islamique depuis le 09/01/93).

Monsieur le Président, après avoir demandé la protection des dieux, après avoir loué le Tout-Puissant et prié sur le prophète Mohamed, je vais vous présenter ceux et celles qui sont venus cet après-midi.

D'abord, les représentants du Conseil Supérieur des Imams; le Bureau provisoire du Conseil National Islamique; les représentantes de l'Association des femmes musulmanes; ensuite les représentants de la jeunesse musulmane.

Vous êtes un homme de foi; vous êtes un homme de dépassement; vous êtes un homme de patience. Vous avez depuis toujours œuvré pour le rapprochement des hommes quelle que soit la couleur de leur confession. Puissent les "Allahou Akbar" des musulmans de bonne volonté se mêler à l'immense "Hosanna" des Chrétiens en une gerbe d'espérance à offrir au Tout-Puissant. Qu'il vous accorde la santé, qu'il veille sur votre famille, sur vos proches, sur la nation ivoirienne toute entière.

Puissiez-vous, Monsieur le Président de la République, y contribuer de manière décisive; le miracle spirituel rejoindra alors dans la légende le miracle économique. Malraux l'a écrit: "le 20ème siècle sera spirituel ou il ne sera pas". Puisse le miséricordieux vous entourer de sa grâce et guider votre action.

Monsieur le Président de la République, l'instant que vous nous offrez cet après-midi n'est pas banal. Cette sollicitude pour nous est chargée de signification et témoigne de l'évolution heureuse de notre société. Comment ne pas la saluer, Monsieur le Président de la République, de toute notre foi? Et comment ne pas vous exprimer notre infinie gratitude pour tout ce que vous faites pour la communauté musulmane, pour son expression, pour sa compréhension, pour son respect?

Sans doute, Monsieur le Président, l'histoire tourmentée des relations entre l'Europe chrétienne et l'Orient musulman, le souvenir de la période des croisades, hélas, sont encore vivaces chez de nombreuses personnes. L'action violente de groupuscules politico-religieux se réclamant de l'Islam a donné de cette religion une image des plus détestables, et a masqué aux yeux de la majorité des occidentaux et de ceux qui ont subi ses influences, les hautes valeurs spirituelles, éthiques et intellectuelles de l'Islam.

Monsieur le Président de la République, vous êtes de ceux qui, fort heureusement et de plus en plus nombreux, en raison de leur ouverture d'esprit et de leur générosité, ont brisé le mur de la méfiance, de l'ignorance, du mépris, et se sont installés dans le cœur des nombreux adeptes de l'Islam.

Le Coran nous enseigne: "si Dieu l'avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté; mais il a voulu vous éprouver par le don qu'il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les bonnes actions. Tous, vous retournerez à Dieu; alors il vous éclairera au sujet de vos divergences".

Les derniers événements qui ont marqué le cours de la vie de notre communauté, et qui ont vu naître le Conseil National Islamique sont, quoi qu'en pensent et disent les éternels sceptiques et les prophètes de malheur, des messages de bon augure délivrés à l'ensemble des Ivoiriens grâce à votre sollicitude et à votre intelligence des réalités.

Notre nouvelle organisation est de coordonner les activités des associations et communautés membres; et d'organiser leur coopération en vue de la réalisation d'œuvres d'intérêt commun pour la compréhension et la promotion de l'Islam.

Au regard de cet objectif, les charges et les défis sont nombreux, Monsieur le Président. Vous voudrez me permettre de vous indiquer en bref nos préoccupations et nos projets.

1. Aider à mettre nos imams dans des conditions de vie plus décentes qui correspondent à leur statut de guides spirituels.
2. Disposer d'un terrain dans la commune de Cocody aux fins d'y bâtir notre siège; il s'agit du Conseil National Islamique.
3. Obtenir un lieu de culte dans la commune du Plateau.
4. Prendre en main l'organisation du pèlerinage à la Mecque en relation avec l'administration.
5. Nous souhaitons que les lendemains de la nuit du destin et du "Maouloud" (anniversaire de la naissance du Prophète) soient décrétés jours fériés, ainsi que le lundi, si la fête de la Tabaski ou du Ramadan tombe un dimanche.
6. Nous souhaitons également que l'heure de l'émission télévisée "Allahou Akbar" soit ramenée à 20 H 30 après les journaux télévisés.
7. Nous souhaitons enfin que l'Arabe soit introduit comme deuxième langue dans le programme de l'enseignement secondaire.

Monsieur le Président, vous avez la confiance de la communauté musulmane. M. Idrissa Koné, Président du Conseil National Islamique, qui s'exprime ainsi, parlait au nom de la communauté musulmane. Et c'était au cours de l'audience que le Chef de l'État, le Président Félix Houphouët-Boigny, a bien voulu accorder à cette communauté; audience qui a eu lieu le jeudi 28 janvier dernier à la résidence privée de Cocody. La délégation de la communauté musulmane était composée du Conseil National Islamique, du Conseil des Imams, de l'Association de femmes musulmanes, et de l'Association des jeunes musulmans.

Parlant au nom de la communauté islamique en sa qualité de président du Conseil National Islamique, M. Idrissa Koné n'a pas manqué de relever toute la sollicitude du chef de l'État à l'endroit de la communauté islamique. Il s'étendra sur les qualités d'homme hors pair du Président Houphouët. Ce qui lui a permis d'appréhender à leur juste valeur les problèmes de l'Islam; donc des musulmans de Côte d'Ivoire.

Pour cela, et pour ce qu'il a fait pour les musulmans, le Président Houphouët ne peut que rencontrer le soutien de la communauté musulmane. Puis, le Président du Conseil National Islamique formulera des doléances. Des doléances que le chef de l'État a promis d'examiner. Au nombre des doléances adressées au chef de l'État, figure l'instauration de la langue arabe dans le secondaire. Compte tenu de la laïcité de l'État de Côte d'Ivoire, nous pensons tous qu'il faut mettre cette doléance sur la table de discussion. Cela éviterait des problèmes du genre de "l'histoire tourmentée des relations entre l'Europe chrétienne et l'Orient musulman"; parce que dans cette affaire, l'intolérance des uns et le fanatisme des autres peuvent être source de conflit.

Dans l'immédiat, ce que certains ont voulu appeler le "problème musulman" est réglé; et tant mieux pour la paix sociale.

Pierre N'Dakouame

Mais Monsieur le Président, notre préoccupation majeure demeure l'éducation et la formation afin que nos enfants échappent à l'univers de la délinquance, de l'alcoolisme, de la drogue, de la prostitution; pour une Côte d'Ivoire saine moralement, intellectuellement et spirituellement. Nous vous confirmons, Monsieur le Président, que le congrès des Imams pour lequel nous avons sollicité votre parrainage aura lieu à Yamoussoukro, à une date dont nous vous ferons la proposition.

En terminant, Monsieur le Président, nous voulons vous remercier très profondément, ainsi que votre proche collaborateur, le Ministre Balla Kéita, de nous avoir aidés à dénouer la crise et à rapprocher encore plus de vous toute la communauté musulmane.

Monsieur le Président, telles sont les préoccupations que nous tenions à apporter à votre auguste attention.

Nous vous réaffirmons, Monsieur le Président, comme nos parents depuis 1945, la confiance de toute la communauté musulmane pour votre œuvre parfaite.

Monsieur le Président, puisse Allah vous aider à nous aider! Je vous remercie.

Propos recueillis par Pierre N'Dakouame