Article
Arrestation du secrétaire général de la FESCI : les religieux sont-ils complices de Bédié?
- Titre
- Arrestation du secrétaire général de la FESCI : les religieux sont-ils complices de Bédié?
- Type
- Article de presse
- Editeur
-
Notre Voie
- Date
- 20 août 1999
- pages
- 1
- 2
- nombre de pages
- 2
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007006
- contenu
-
Arrestation de Blé Goudé (S.G. de la FESCI)
Les religieux sont-ils complices de Bédié ?
Des médiateurs suspects
Les petits calculs de Bédié
La FESCI dénonce la dérive fasciste du pouvoir
P. 2
DUPLICITE POLITIQUE
ARRESTATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA FESCI
Les religieux sont-ils complices de Bédié ?
Par Abdoulaye S. Villard
Près de deux mois après la signature de l'accord intervenu le 23 juin dernier entre le collectif des religieux de Côte d'Ivoire, le chef de l'État et la direction de la FESCI pour permettre le retour de la paix à l'École, le pouvoir vient d'arrêter le dirigeant du syndicat étudiant, au nez et à la barbe des autorités religieuses.
Les étudiants de Côte d'Ivoire connaissent bien leur chef de l'État. Au milieu du mois de juin dernier, au moment où la grève déclenchée par la Fédération estudiantine et scolaire (FESCI) battait son plein, un collectif des religieux de Côte d'Ivoire (catholiques, musulmans, protestants, harristes) est entré dans la danse pour offrir ses bons offices. De l'avis de Monseigneur Agré, chef de file de l'Église catholique en Côte d'Ivoire, les religieux se sont engagés à "servir de pont entre les autorités gouvernementales et les étudiants" afin, a ajouté l'homme de Dieu, que "le déficit de confiance qui s'est établi entre les parties puisse disparaître" (cf. "Notre Voie" n°337, P. 8). Mais le rétablissement de cette confiance ne peut se faire que par le renoncement de la FESCI à la grève pour que les examens de fin d'année puissent avoir lieu dans la sérénité. La proposition des religieux était alléchante. Une fois le mot d'ordre de grève levé, le collectif devrait obtenir du gouvernement la libération des élèves et étudiants incarcérés dans les prisons du pays, le report des examens dans le secondaire et l'ouverture des résidences universitaires. Tout cela devait se faire dans les jours qui devaient suivre la déclaration de la FESCI. Bien qu'intéressants à plus d'un titre et venant surtout des chefs religieux du pays, les propos des religieux ont été rejetés par les militants de base de la FESCI. La raison ? Le syndicat étudiant a dit clairement au collectif ne pas faire confiance du tout au Président de la République et à son gouvernement, pour la simple raison que, selon eux, le Président Bédié a plusieurs fois fait des promesses qu'il n'a jamais pu respecter. Il a fallu au collectif de se porter garant moral dans la réussite du "plan religieux" pour que les étudiants donnent leur accord.
Depuis cette date, plus rien. Sauf, bien sûr, les examens de fin d'année qui se sont bien déroulés. Malgré les appels de pied de la FESCI qui s'était sentie flouée, le collectif des religieux n'a jamais levé le petit doigt dans le but de rappeler le pouvoir à l'ordre. C'est donc tout naturellement que le pouvoir Bédié a profité de leur mutisme coupable pour déterrer la hache de guerre en arrêtant le Secrétaire général de la FESCI. Au nez et à la barbe des chefs religieux, dont Mgr. Agré, l'Imam Idriss Koudouss, le Révérend Gboagnon Appolinaire et le président harriste Tchotcho Mel, qui, comme on s'en doute, regarderont, une fois encore, la situation se dégrader pour n'intervenir que lorsqu'elle sera totalement pourrie et que l'autorité du pouvoir commencera à vaciller. Une duplicité qui n'a que trop duré et qu'il faut dénoncer aujourd'hui avec la dernière énergie. Comment de grands chefs religieux comme ceux que nous venons de citer peuvent-ils se laisser berner de la sorte par un simple homme, fût-il chef d'État ? Dieu n'inspire-t-il plus les humains ? Ne donne-t-il plus de force à ses représentants ici-bas pour affronter les adversités ou décanter des situations ? Dieu est grand. Et nous le croyons si fort que nous avons espoir qu'il remontera les bretelles au collectif afin qu'il se réveille parce qu'il aura senti au moins son orgueil floué dans cette affaire où il s'est rendu ridicule.
Aujourd'hui, tout bien pesé, en ne prenant aucune disposition pour suivre l'évolution de l'accord signé avec la FESCI et en regardant le pouvoir sévir contre les étudiants, le collectif des religieux de Côte d'Ivoire s'est davantage disqualifié. Il a décidé de jouer le jeu du pouvoir et donc de donner dos à l'œuvre si belle de Dieu. Par leur faute, le pouvoir réveille les vieux démons en pensant pouvoir gêner considérablement le Président du Rassemblement des Républicains (RDR), dont le gouvernement est le géniteur de la fameuse loi anticasseurs dont se prévaut Bédié pour arrêter le leader de la FESCI. La main de Dieu veille sur la Côte d'Ivoire.
Des médiateurs suspects
Les petits calculs de Bédié
"Sur la base de la confiance en ces respectables hommes de Dieu, la FESCI lève son mot d'ordre de grève dans les lycées et collèges." Voilà le résultat auquel les chefs de huit confessions religieuses sont parvenus avec Charles Blé Goudé le 23 juin 1999 après de longues heures "d'heureuses négociations". Cette décision prise par Charles Blé Goudé et le bureau de la FESCI sans passer par une assemblée du mouvement a été violemment critiquée par les élèves et étudiants qui reprochaient à Blé Goudé d'avoir placé une confiance aveugle en Bédié alors que le chef de l'État est spécialisé dans le double langage. Quant à l'opinion, elle a salué la médiation des religieux dans la crise qui s'aggravait entre le pouvoir et les enfants. Deux mois après cet "heureux aboutissement", les événements semblent donner raison à tous les sceptiques avec l'arrestation de Blé Goudé.
En effet, en obtenant la levée du mot d'ordre de grève, les religieux avaient promis d'intercéder auprès du chef de l'État pour la libération des élèves et étudiants incarcérés, le report des examens, la réouverture des cités universitaires. À long terme, les hommes de Dieu avaient promis d'amener Bédié à examiner les revendications sociales et académiques de la FESCI.
Aucune de ces promesses des hommes de Dieu n'a été réalisée. Les examens scolaires se sont déroulés dans le cafouillage et dans la répression, mais les religieux sont restés muets comme des tombes. Comme en 1995 lors de la crise de confiance entre l'opposition et le pouvoir, nos chefs religieux se montrent encore une fois plus complices de la barbarie. Ce qui est contraire à leur rôle de médiateurs. Et les élèves et étudiants en font les frais. À cette allure, de quelle crédibilité jouissent-ils, ces hommes de Dieu, "tous des animistes", selon Bédié, auprès du pouvoir ?
De toute évidence, nos chefs religieux sont devenus des médiateurs plus suspects que crédibles. Il est temps, nous semble-t-il, qu'ils se ressaisissent.
César Etou
Pour la énième fois, Charles Blé Goudé, Secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI), est arrêté. Une fois de plus, le chef de l'État et son régime chancelant ont fait le contraire de ce qu'ils ont dit, de ce qu'ils ont promis. C'est-à-dire "des mesures d'apaisement pour ramener la sérénité sur nos campus", comme le clamait Konan Bédié dans son dernier discours à la Nation à l'occasion du 39e anniversaire de l'indépendance de notre pays. En agissant ainsi, il est certain que N'Zueba vise deux objectifs. Le premier étant de rappeler, si besoin en était, aux Ivoiriens qu'il reste le maître du jeu, le mentor de l'opinion qui fait et défait tout à sa guise.
Mais le principal objectif du prince de Nambé est de redorer son blason terni par les nombreux scandales et autres décisions anarchiques de son gouvernement. En arrêtant Blé Goudé alors qu'il avait promis l'apaisement, Bédié s'attend à une levée de boucliers de la communauté nationale et surtout universitaire. Il nourrit ainsi le secret espoir de voir l'attention des uns et des autres se cristalliser sur la libération du responsable de la FESCI et de tous ses camarades détenus. Il espère ainsi distraire l'opinion sur les revendications de la FESCI qui ont conduit à la crise actuelle. Sollicité par les éternels plaisantins, Bédié pourra se prévaloir de sa "légendaire magnanimité" pour libérer tout le monde, non sans avoir exigé des élèves et étudiants qu'ils militent "autrement".
Et là, il embouchera son discours favori, pour présenter les étudiants et leur syndicat comme des anarchistes, "ventres à terre, bras séculiers de l'opposition radicale", comme l'a écrit "Fraternité-Matin" du mercredi dernier.
Le scénario est classique et dépassé. Mais il plaît encore à Bédié et à ses hommes de main. C'est du réchauffé que le PDCI, au pouvoir depuis plus de cinq ans, ne cesse de servir aux Ivoiriens. En reprenant les mêmes vieilles méthodes, Bédié sait qu'il est perdant d'avance parce que les temps ont changé et que ses petits calculs sont dépassés, inadaptés à l'environnement actuel.
Guillaume T. Gbato
Déclaration de la FESCI
LES FAITS
Le mardi 17 août 1999, au sortir d'une réunion du Bureau exécutif national (BEN) de la FESCI, le Secrétaire général Blé Goudé Charles a été arrêté à Abobo par des éléments de la Direction de la Surveillance territoriale (DST) en civil, aux environs de minuit, alors qu'il rentrait chez lui.
LA POSITION DE LA FESCI
Face au blocage consécutif à la non-résolution de notre plate-forme revendicative, le Président de la République, lors de son message du 6 août à la Nation, avait laissé entrevoir une lueur d'espoir quant à la résolution effective de cette crise.
Au moment où la FESCI, fidèle à sa ligne de dialogue, attendait les effets de ce discours, il est difficile de comprendre cette arrestation injustifiée de son Secrétaire général.
Devant cette situation, le Bureau exécutif national déplore et condamne cette énième arrestation qui n'est pas de nature à favoriser le climat d'apaisement promis par le chef de l'État.
La Direction de la FESCI, pour sa part, demande aux militants et militantes de rester sereins et mobilisés, car elle a posé des revendications qui demeurent.
Face à l'arrestation du camarade Blé Goudé Charles, le BEN de la FESCI prend l'opinion nationale et internationale à témoin face à la dérive fasciste du pouvoir.
- demande la réouverture des cités "U", la résolution totale de notre plate-forme revendicative et la libération immédiate et sans condition de tous les élèves et étudiants injustement détenus.
C'est aussi le lieu de rappeler que depuis le mois d'avril 1999, plus de 500 élèves et étudiants croupissent dans les prisons sur le territoire ivoirien.
Conformément à ses principes qui privilégient le dialogue et la négociation, le BEN de la FESCI reste ouvert à toutes les discussions allant dans le sens de la crédibilité de l'École ivoirienne.
Fait à Abidjan, le 19/08/1999
Pour le BEN de la FESCI
Le Secrétaire général par intérim
Drigoné Faya