Article
Alimentation en période de jeûne du Ramadan : "Il faut appliquer le principe de la chrono nutrition"
- en
- fr
- Hierarchies
-
Burkina Faso
- Articles de journaux (3615 items)
- Burkina 24 (279 items)
- Carrefour africain (33 items)
- FasoZine (116 items)
- L'Evénement (45 items)
- L'Observateur (61 items)
- L'Observateur Paalga (509 items)
- La Preuve (28 items)
- Le Pays (709 items)
- LeFaso.net (709 items)
- Mutations (13 items)
- San Finna (9 items)
- Sidwaya (1104 items)
- Publications islamiques (432 items)
- Al Mawadda (11 items)
- An-Nasr Trimestriel (16 items)
- An-Nasr Vendredi (318 items)
- L'Appel (48 items)
- L'Autre Regard (11 items)
- Le CERFIste (13 items)
- Le vrai visage de l'islam (15 items)
- Documents divers (Burkina Faso) (16 items)
- Photographies (Burkina Faso) (9 items)
- Références (Burkina Faso) (297 items)
- Articles de journaux (3615 items)
- Titre
- Alimentation en période de jeûne du Ramadan : "Il faut appliquer le principe de la chrono nutrition"
- Créateur
- Adama Ouédraogo Damiss
- Editeur
- L'Observateur Paalga
- Date
- 9 août 2010
- Résumé
- Le mois de ramadan est réputé être une période de grande consommation alimentaire. Pourtant, s'alimenter pendant le jeûne requiert des normes à observer. A la veille du carême musulman, nous avons rencontré le Dr Steve Léonce Zoungrana de la Clinique de l'amitié à Ouagadougou, hépato-gastroentérologue-nutritionniste, médecin de santé publique et président de l'ONG Promouvoir la nutrition et l'hygiène en Afrique (PNHA). Il donne ici des conseils à nos frères musulmans.
- Couverture spatiale
- Ouagadougou
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0000511
- contenu
-
Le mois de ramadan est réputé être une période de grande consommation alimentaire. Pourtant, s'alimenter pendant le jeûne requiert des normes à observer. A la veille du carême musulman, nous avons rencontré le Dr Steve Léonce Zoungrana de la Clinique de l'amitié à Ouagadougou, hépato-gastroentérologue-nutritionniste, médecin de santé publique et président de l'ONG Promouvoir la nutrition et l'hygiène en Afrique (PNHA). Il donne ici des conseils à nos frères musulmans.
Quelles sont les conséquences du jeûne sur l'organisme ?
Un jeûne comme celui du ramadan ne peut pas poser de problèmes de santé, à condition de savoir se nourrir correctement. En effet, le jeûne est temporaire et ne se fait que sur une journée (environ 12h). C'est entre 18h et 20h que le jeûne devient dangereux pour la santé.
On ne perd pas d'éléments nutritifs si l'alimentation a été bien conduite. J'entends par là la consommation de tous les aliments indispensables au bon fonctionnement de l'organisme, y compris l'eau. Le problème majeur avec le jeûne, c'est la déshydratation qui peut en résulter, car l'eau est indispensable au corps humain. Nous vivons dans un pays où il fait chaud, même pendant la saison des pluies. Ainsi, si l'hydratation n'a pas été suffisante pendant la phase précédant le jeûne, on peut effectivement ressentir de la fatigue et une baisse des performances physiques intellectuelles et de l'attention dans la journée.
Y a-t-il des contre-indications au jeûne du ramadan ?
Oui, il y a des contre-indications pour les patients diabétiques traités à l'insuline et qui ne sont pas équilibrés, souffrant de problèmes d'insuffisance rénale, de maladie cardiaque ou de toutes les maladies qui ne peuvent pas supporter un jeûne, même court. Bien sûr, en cas de maladie (grippe, diarrhées...) ou d'hospitalisation, il ne faut pas débuter le ramadan. Les patients ulcéreux voient l'intensité de la douleur augmenter avec le jeûne, avec un risque de perforation de l'estomac ou de l'intestin et des vomissements de sang. Personnellement, je déconseille aux femmes enceintes le jeûne. Je ne pense pas qu'il faille les y encourager pendant cette période. Néanmoins, pour celles qui tiennent absolument à le faire, une surveillance médicale accrue est nécessaire.
Alors, comment se nourrir pendant cette période ?
Il suffit d'appliquer les bons principes de la nutrition, c'est-à-dire le bon aliment en bonne quantité et au bon moment : c'est le principe de la chrono nutrition. Pendant cette période, il faut continuer à prendre les 3 repas/jour conseillés par tous les nutritionnistes, avec quelques spécificités liées au jeûne. Il faut surtout éviter de se jeter sur la nourriture dès la tombée de la nuit, ce qui est dangereux pour la santé.
De façon pratique, quelle alimentation est conseillée le matin avant de débuter le jeûne ?
Ce repas est le plus important de la journée. C'est celui qui précède le jeûne et c'est pour cela qu'il ne faut pas le négliger et qu'il doit être consistant. C'est de ce repas que l'organisme va tirer toute l'énergie dont il aura besoin la journée. C'est aussi à ce moment qu'il faudra boire suffisamment d'eau pour se constituer des réserves afin d'éviter la déshydratation. Le repas devra être équilibré en quantité et en qualité. Il va comporter des sucres complexes ou lents : céréales (riz, tô, bouillie de céréales), tubercules, du pain qui seront disponibles pour l'organisme toute la journée. On pourra également consommer des protéines animales telles la viande, le lait ; ainsi que des légumes sous forme de crudités ou de potage avec un peu d'huile végétale et des fruits.
Ce type de régime est équilibré et apporte tous les macronutriments (sucres, protéines, un peu de graisses) et micronutriments indispensables (vitamines et sels minéraux) pour se maintenir en bonne santé. Chez les seniors (sujets âgés de plus de 60 ans), par exemple, la consommation d'un produit laitier est essentielle pour assurer les apports en calcium et vitamine D nécessaires à la minéralisation des os qui tendent à se fragiliser : entre 1000 et 1200 mg de calcium par jour sont nécessaires.
J'insiste à cette étape sur la nécessité de s'hydrater. L'eau est l'élément le plus indispensable. A température modérée, la suppression d'apport en eau provoque la mort en 2 à 3 jours. Chaque jour, nous perdons environ 3 litres d'eau (les selles, la transpiration, les urines...) et il faut les remplacer. L'eau de boisson doit apporter 1 à 1,5 litre par jour, l'eau contenue dans les aliments 0,5 à 1 litre et l'eau métabolique résultant de l'oxydation des différents nutriments 250 à 300 ml. Cette eau sera répartie entre le lever du soleil (début du jeûne) et son coucher.
Au moment de la rupture du jeûne, quelle alimentation conseillez-vous ?
Il faut manger des aliments sucrés et bien s'hydrater pour nourrir rapidement l'organisme et lui permettre de récupérer de la journée. Les aliments sucrés peuvent provenir de la bouillie de céréales traditionnellement consommées chez nous avec d'autres boissons sucrées comme le bissap, le Zom-kom. On peut également consommer des dattes et des boissons chaudes et sucrées (thé, tisanes). Ces aliments riches en sucres simples ou rapides que nous conseillons passent immédiatement dans le sang puis parviennent aux cellules, permettant de soulager rapidement la sensation de faim. Ce repas doit être léger, il doit juste permettre d'apaiser les sensations de soif et de faim résultant de la journée de jeûne qui dure environ 12 heures.
J'insiste sur le fait que la consommation des aliments sucrés doit être modérée, car ce sont des aliments à très forte densité énergétique et palatable. En rappel, 100 g de sucre, soit 20 morceaux, équivalent à 420 calories ; 100 g de dattes à 555 calories ; or un adulte ayant une activité modérée n'a besoin que de 2700 calories par jour. S'ils sont consommés en grande quantité, ils peuvent occasionner des prises de poids via la sécrétion d'insuline qui va entraîner une accumulation de graisses (triglycérides) dans l'organisme et surtout autour du ventre. En pratique, c'est donc l'insuline qui fait grossir.
Qu'en est-il du troisième repas ?
Le 3e repas est pris 2 à 3h après le deuxième. Il doit respecter la satiété sans pour autant être lourd ni trop copieux. Il faudra éviter de manger des aliments énergétiques trop gras, surtout les graisses animales (viandes grasses, abats, beurre, lait entier), qui augmentent le taux de cholestérol dans le sang et favorisent la survenue des maladies cardio-vasculaires ; et des féculents, surtout sous forme de fritures (100 g de pomme de terre frites délivrent 400 calories !). La première raison, c'est qu'il ne sert à rien de manger beaucoup avant de dormir puisque tout ce qui est mangé sera stocké pendant la nuit et pas assimilé.
L'assimilation des aliments est optimale avant l'effort, pas avant le repos. La deuxième, c'est que si le repas est trop lourd, la sensation de faim ne se fera pas sentir au matin et pourrait faire sauter le petit déjeuner précédant le jeûne journalier. Par exemple, on pourra commencer le repas par une soupe, par des crudités avec un peu d'huile végétale (olive, colza, tournesol, balanite, etc.) qui sont bien pour la santé parce que luttant contre le cholestérol et garantissant ainsi la santé de nos artères (contrairement aux graisses animales).
On pourra également consommer des viandes et poissons maigres cuits sans graisses, des laitages à 0% de matière grasse, et terminer le repas par des fruits. En somme, ce repas doit être léger mais rassasiant, n'apportant pas trop d'énergie sous forme de graisses et de féculents. Il faut à tout prix éviter que les préparations soient trop grasses. Il ne faut pas non plus oublier de boire suffisamment d'eau toute la soirée après la rupture afin d'obtenir un bon état d'hydratation le lendemain.
Comment expliquez-vous le fait que certaines personnes prennent du poids pendant le jeûne du ramadan ?
Ce phénomène est bien connu en nutrition et c'est pourquoi j'insiste sur le fait qu'il faut suivre une certaine rigueur alimentaire. En effet, certaines personnes peuvent prendre jusqu'à 10 kg durant cette période de jeûne. Il ne faut justement pas se jeter sur la nourriture au moment de la rupture du jeûne ni exagérer dans la consommation des aliments gras et sucrés. Après une période de jeûne de 12 heures, l'organisme risque de se rattraper en faisant des réserves si on lui donne trop d'énergie : c'est le phénomène de compensation. J'ai coutume de dire que l'organisme est « rancunier » : lorsqu'on saute un repas, il se rattrape au repas suivant. Aussi, il ne sert à rien de trop manger la nuit pour ensuite aller se coucher : cela favorise l'accumulation.
Le plein d'énergie se fait avant l'effort et non avant le repos. Il ne faut pas se mettre non plus, comme certains le font, à grignoter à la tombée de la nuit après la rupture du jeûne. Enfin, il faut savoir que le repas pris avant le jeûne est très important. En le négligeant, on donne l'occasion à l'organisme de se rattraper plus tard, comme expliqué plus haut. On voit souvent des diabétiques hospitalisés après le ramadan, non pas à cause des restrictions alimentaires, mais à cause de ces repas trop copieux ! L'important est de ne pas faire d'excès lors de la rupture du jeûne.
Pendant la période de jeûne, on assiste à l'essor de l'alimentation de rue avec des points de vente qui poussent comme des champignons. Quel regard portez-vous sur ce qui y est vendu, du point de vue de la qualité et de l'hygiène ?
En effet, le jeûne du ramadan favorise l'essor de ce que nous appelons la restauration collective. La problématique de la qualité hygiénique des aliments de la rue est connue et se pose avec encore plus d'acuité en cette période de jeûne. En effet, les gens « coupent » le jeûne en famille ou en collectivité (y compris dans la rue, les mosquées) ; ce qui suppose la préparation de rations alimentaires plus importantes souvent par plusieurs personnes. On peut assister à des cas de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) avec une morbidité importante si des mesures d'hygiène ne sont pas appliquées. Les principales bactéries mises en cause sont les salmonelles (60%), le clostridium perfringens (13%), le staphylocoque doré (15%).
Il est donc indispensable de prendre un certain nombre de mesures d'hygiène en cette période de ramadan. Ces intoxications alimentaires peuvent être en rapport avec les aliments eux-mêmes : en cas de rupture de la chaîne de froid (cas du poisson qui va connaître une putréfaction et le développement de microbes), des aliments souillés avant leur préparation, de cuisson insuffisante.
Le personnel impliqué dans la préparation des mets est aussi incriminé : non-respect des règles élémentaires comme le lavage des mains pouvant aboutir à une contamination des aliments par des parasites ou des bactéries ; les porteurs de germes non contrôlés, panaris, etc. Lorsqu'un aliment est contaminé et qu'il est partagé par beaucoup de personnes, elles vont présenter les mêmes symptômes d'intoxication, à savoir diarrhée, vomissements, déshydratation, pertes de connaissance, toutes choses pouvant compromettre le bon déroulement du jeûne.
Au moment de la rupture du jeûne et avant de préparer le repas, il faut se laver les mains avec du savon, au risque de contaminer les aliments lorsque la main est souillée par divers parasites et bactéries. Il faut bien recouvrir les aliments pour éviter leur contamination par certains vecteurs comme les mouches, qui peuvent se déposer sur les selles et ensuite sur les aliments. Les ustensiles de cuisine et les plats doivent être lavés au savon. Il faut aussi boire de l'eau saine, et, le cas échéant, faire bouillir l'eau ou la désinfecter en y mettant quelques gouttes d'eau de Javel (1 goutte/litre d'eau).
Pour finir, quels conseils donnez-vous aux fidèles musulmans ?
D'abord, le premier repas doit être consistant le matin avant le lever du soleil. Pour la rupture du jeûne le soir, il est essentiel de doubler la prise des repas. Je conseille de faire un repas au moment de la rupture du jeûne qui ne soit pas trop copieux, et d'en faire un autre deux à trois heures après.
Il est important d'essayer de garder trois repas sur les 24 heures et d'éviter les excès. Il ne faut pas oublier de bien s'hydrater en buvant suffisamment d'eau le soir et le matin avant de débuter le jeûne. Ensuite, il faudra veiller à pratiquer une bonne hygiène dans le préparation, la conservation et la consommation des mets. Enfin, je souhaite un bon mois de jeûne aux fidèles musulmans et les invite à une alimentation adéquate et hygiénique.