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Au secours ! Dieu revient...
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- Titre
- Au secours ! Dieu revient...
- Créateur
- Saïdou Alceny Barry
- Editeur
- L'Observateur Paalga
- Date
- 9 janvier 2013
- Résumé
- Nietzsche avait décrété la mort de Dieu au 19e siècle et ironie du sort, Dieu est plus que jamais vivant tandis que le philosophe, lui, est bien mort. Pour preuve, il suffit de voir la prolifération des lieux de cultes, le prosélytisme agressif des entrepreneurs de la foi, le succès des télévangélistes et des prêcheurs musulmans. De ce retour en grâce de Dieu, faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter ?
- Couverture spatiale
- Mali
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0000448
- contenu
-
Nietzsche avait décrété la mort de Dieu au 19e siècle et ironie du sort, Dieu est plus que jamais vivant tandis que le philosophe, lui, est bien mort. Pour preuve, il suffit de voir la prolifération des lieux de cultes, le prosélytisme agressif des entrepreneurs de la foi, le succès des télévangélistes et des prêcheurs musulmans. De ce retour en grâce de Dieu, faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter ?
On attribue à André Malraux la boutade qui dit que «le troisième millénaire sera religieux ou ne sera pas». Qu'elle soit de lui ou non, il est clair que le troisième millénaire connaît un regain de religiosité. Pourtant la religion semblait avoir perdu de son emprise sur les hommes depuis des siècles tant on la croyait affaiblie par le triomphe du rationalisme à partir du 18e siècle et supplantée par les grandes idéologies politiques du 20e siècle.
Exclue de l'espace public et politique, elle s'était repliée dans la petite sphère de la famille. Aussi, des penseurs du religieux tels Max Weber ont parlé de sécularisation, c'est-à-dire de la séparation du religieux d'avec les autres institutions. Et on doit à Marcel Gauchet le concept du «désenchantement du monde» qui signifie le triomphe de la raison et la disparition de l'irrationnel. En fait, nombre de penseurs conjecturaient un futur d'où le religieux serait absent.
Mais, contrairement à ce que beaucoup ont cru, bien que le religieux ait été réduit comme peau de chagrin dans l'espace public, la foi n'a pour autant pas disparu du coeur des hommes. Au 20e, elle s'est subrepticement déplacée, abandonnant les religions traditionnelles que sont l'animisme, le judaïsme et le catholicisme pour investir les idéologies politiques. En effet, la ferveur nazie et la foi communiste en une société sans classe ne sont que des déclinaisons sur d'autres modes de la soif de foi. D'ailleurs Paul Aron qualifiait ces idéologies de «religions politiques».
Maintenant que toutes les idéologies politiques du 20e siècle ont failli, il s'est opéré naturellement un retour de la foi vers la religion. Malheureusement, ce reflux ne va pas aux grandes religions du monde mais à de nouveaux bricolages religieux et à des communautés extrémistes, des fondamentalismes chrétiens et islamiques.
En Afrique, c'est assurément le contexte économique difficile qui a fait le lit de ces extrémismes. En effet, les programmes d'ajustements structurels des années 1980 ont détruit le faible tissu économique et le libéralisme économique imposé par les institutions financières a sécrété une économie prédatrice qui a relégué la majeure partie des populations dans la misère. Ces populations sont donc gagnées par le désespoir qui est le terreau fertile sur lequel prospère le fanatisme.
Les temples et les mosquées nés dans ce contexte proposent la solidarité à ceux dont la pauvreté a déstructuré les liens sociaux. Ils sont des lieux d'écoute et les nouvelles fratries religieuses se posent en soutien moral et matériel de ces laissés pour comptes. Les déçus de l'existence et les blessés de la vie, tous les cas sociaux retrouvent dans ces communautés une famille d'accueil et l'illusion d'être devenus des élus.
L'espérance est soeur de la détresse et les entrepreneurs du salut le savent bien. Si ces communautés se contentaient d'être des asiles pour des individus meurtris, il n'y aurait rien à redire mais elles en font des fanatiques. En Afrique, les fabriques de l'extrémisme sont d'un côté le fondamentalisme protestant et de l'autre l'intégrisme islamique. Ce qui lie ces deux extrémismes: la manipulation psychologique, une interprétation étriquée des écritures saintes et l'art de distiller dans l'esprit des fidèles des discours de haine.
Ce poison distillé dans la société prépare, à ne pas douter, des massacres futurs. Cioran constatait que «celui qui aime indûment un Dieu, contraint les autres à l'aimer en attendant de les exterminer s'ils s'y refusent». Et nous en avons un aperçu avec l'islamisme au Nord du Mali et le Mouvement du Saint-Esprit et l'Armée de résistance du Seigneur en Afrique centrale.
La persistance du religieux est la preuve que l'homme a un besoin atavique de la foi. Il y a quelque chose de darwinien dans sa capacité à résister, à se métamorphoser et à s'adapter. En ces périodes troubles où le capitalisme a entraîné le monde dans une impasse et où les grandes religions connues n'apportent plus de réponse idoines aux inquiétudes nées de la modernité, il y a la poussée d'une nouvelle religiosité grosse de danger car difficile à contrôler.
Pourtant, même s'il est utopique de vouloir combattre ce retour du religieux, il faut nécessairement que le politique l'encadre étroitement pour éviter les dérives sectaires et sectatrices. Car au nom de Dieu, on a souvent commis les pires atrocités.