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Jeûne du ramadan et COVID-19 : « Il faut tenir compte de l’impératif de préserver la vie », imam Ismaël Tiendrebéogo
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- Titre
- Jeûne du ramadan et COVID-19 : « Il faut tenir compte de l’impératif de préserver la vie », imam Ismaël Tiendrebéogo
- Créateur
- Adama Sedgo
- Editeur
- Sidwaya
- Date
- 23 avril 2020
- Résumé
- Les fidèles musulmans entament en principe ce vendredi et ce, pendant trente jours, le jeûne. Dans cet entretien, l’imam du Cercle d’études, de recherches et de formation islamiques(CERFI), I…
- Langue
- Français
- Source
- Sidwaya
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0004863
- contenu
-
Les fidèles musulmans entament en principe ce vendredi et ce, pendant trente jours, le jeûne. Dans cet entretien, l’imam du Cercle d’études, de recherches et de formation islamiques(CERFI), Ismaël Tiendrebéogo, revient sur le fondement du jeûne, les conditions à réunir pour le réussir par ces temps de coronavirus.
Sidwaya (S.): Qu’est-ce que le jeûne pour le fidèle musulman ?
Ismaël Tiendrebéogo (I.T.) : Pour le fidèle musulman, le jeûne est le moment de rencontre avec son seigneur. C’est un moment d’élévation spirituelle et de partage avec son prochain. Il permet au musulman de s’éduquer, de s’affranchir de ses contraintes physiques et de se concentrer sur l’essentiel, le salut.
S. : Qui est apte à pratiquer le jeûne ?
I.T. : Le jeûne est d’abord destiné à tout musulman pubère, saint d’esprit et qui n’a pas d’excuse. Le musulman pubère parce que le Prophète a dit que la plume de la responsabilité est levée sur trois personnes parmi lesquelles se trouve l’enfant jusqu’à ce qu’il retrouve sa puberté. Le jeûne est imposé à celui qui est saint d’esprit, parce que la plume de la responsabilité est levée sur le fou jusqu’à ce qu’il retrouve la raison. Les personnes qui ont des excuses sont par exemple la femme enceinte, qui craint pour sa santé et celle de son enfant. C’est aussi le voyageur pour lequel les conditions du voyage seront difficiles à observer le jeûne. C’est également pour la personne d’un certain âge et d’une personne souffrant de maladie chronique et qui a besoin de prendre des médicaments ou toute maladie pour laquelle le jeûne va constituer une aggravation, un retard de guérison ou une rechute. Lorsqu’on est dans ces cas, il y a une excuse. Il y a aussi excuse pour la femme qui est dans son cycle menstruel ou la femme nouvellement accouchée. Il y a également une excuse pour la femme qui allaite et qui craint qu’en observant le jeûne, cela nuise à son enfant parce qu’il n’aura pas assez de lait.
S. : Comment le musulman doit-il se comporter pour réussir le jeûne ?
I.T. : Il y a d’abord le musulman ordinaire, celui qui va se contenter de jeûner en ne buvant pas, en ne mangeant pas, en n’ayant pas de relations sexuelles. Il a fait quelque chose mais pas grand-chose, parce qu’il y a à côté du jeûne du musulman ordinaire, le jeûne de l’élite qui consiste non seulement à observer le jeûne mais à éduquer ses organes de sens. Le prophète a dit que celui qui jeûne et qui ne s’interdit pas les propos mensongers et calomnieux, Dieu n’a nul besoin qu’il se prive de sa nourriture et de sa boisson. C’est-à-dire qu’au-delà des abstentions physiques, il y a une abstinence dans les organes de sens qui doit caractériser le jeûneur. Le jeûne le plus voulu par Dieu qui est le jeûne de l’élite, c’est celui qui, en plus de l’abstention, en plus de l’éducation des organes de sens, va orienter toute l’énergie du jeûneur vers la recherche de l’agrément divin et ce à travers le culte, et de tout bien que l’on fait.
S : Cette année, les musulmans vont passer la période de jeûne dans un contexte marqué par le COVID-19. Comment cela se passera concrètement ?
I.T. : Le jeûne va se passer dans le respect des règles de la religion. La religion vise cinq finalités à savoir : la préservation de la vie, la préservation de la raison, la préservation de la religion, la préservation de la parenté et la préservation de la propriété privée ou de la richesse. L’imposition des actes que nous posons tendra compte de notre survie. L’islam ne va pas prescrire des actes pour lesquels nous allons mourir ou contracter une maladie mortelle. Toutes les fois où le regroupement des musulmans peut entraîner une propagation du virus et exposer des gens à contracter cette maladie, l’islam dit de faire attention à cela. Maintenant, s’il y a des mesures barrières qui peuvent être adoptées de sorte à sécuriser les mosquées, ça peut aller dans le bon sens si les autorités sanitaires le confirment. Le jeûne va se passer dans ces conditions en tenant compte de l’impératif de préserver la vie parce que le principe général de l’islam est que la nécessité lève l’interdit. Toute fois qu’il y a nécessité de préserver sa vie et celle d’autrui, l’interdit ou le devoir religieux est suspendu.
S. : Est-ce que la prière en solitude est aussi bénéfique dans l’islam que celle collective ?
I.T. : Au niveau de la prière, il faut distinguer deux éléments. Le cas d’une personne qui peut aller à la mosquée et qui peut observer une prière collective et qui ne l’observe pas. Le cas d’une personne qui le voudrait mais qui ne peut pas au regard des conditions. Dans ce dernier cas, l’intention de participer à la prière collective qui est brisé parce qu’il y a un risque, vaut l’accomplissement de la prière en commun même si on prie seul. L’imam qui est habitué à diriger la prière qui, pour une raison donnée, n’arrive pas à le faire, même sa prière individuelle lui est comptée comme une prière collective. C’est ici la question de l’intention qui va se poser. Si on est dans une situation où on aurait bien voulu être en groupe mais que les conditions ne nous le permettent, le fait de prier à la maison est compté comme une prière collective.
S. : Cette situation n’est-elle pas inédite dans l’histoire de la religion ?
I.T. : il y a eu très peu de cas similaire. Il y a des cas ponctuels. Le Prophète dit que celui qui va déranger les musulmans à la mosquée qu’il ne vienne pas. Par exemple, celui qui a une bouche malodorante, lui, ne vient pas à la mosquée. Il y a aussi une fatwa qui interdit à celui qui souffre d’une maladie contagieuse de fréquenter la mosquée. Dans l’histoire, il y a eu très peu de cas où les musulmans n’ont pas pu bénéficier de cette prière collective. C’est inédit dans l’histoire de la religion et l’islam est surtout basé sur la communauté, pas sur l’individualité. Le Prophète dit : « il n’y aucun bien à attendre d’une personne qui fuit la compagnie des autres ».
S. : Quels conseils donnez-vous aux fidèles musulmans pour réussir le jeûne ?
I.T. : Dans toute situation, il y a une sagesse derrière. Ce contexte particulier va faire le tri des musulmans excellents et des musulmans suivistes. Le musulman excellent est celui qui est jaloux de sa relation avec Dieu, qui aime Dieu au point que quelles que soient les conditions dans lesquelles il va s’adresser à Dieu, il ne va pas marchander cette proximité. Il y a des gens qui suivent les autres. On appelle à la prière, il se lève et il prie. Quand on n’appelle pas, il reste chez lui. Cette situation est un test pour notre foi, pour notre degré d’attachement divin. A la sortie de cette crise sanitaire, chacun de nous pourra se poser les bonnes questions sur son rapport avec Dieu.
Interview réalisée parAdama SEDGO
Fait partie de Jeûne du ramadan et COVID-19 : « Il faut tenir compte de l’impératif de préserver la vie », imam Ismaël Tiendrebéogo