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Alassane Drame Ouattara a-t-il un avenir politique en Côte d'Ivoire?
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- Title
- Alassane Drame Ouattara a-t-il un avenir politique en Côte d'Ivoire?
- Publisher
- Le Nouvel Horizon
- Date
- January 28, 1994
- Abstract
- Alassane Dramane Ouattara est aujourd'hui à la croisée des chemins. Va-t-il transformer son clan en parti politique ? Son silence depuis sa démission du 9 décembre 1993 ? Ses partisans, quant à eux, se mobilisent et le poussent à se déterminer. Qui sont-ils ? Que revendiquent-ils ? Notre analyse essaie les réponses sur l'avenir politique de l'ex-Premier ministre de Côte d'Ivoire.
- Page(s)
- 8
- 9
- number of pages
- 2
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0007897
- content
-
Alassane Dramane Ouattara est aujourd'hui à la croisée des chemins. Va-t-il transformer son clan en parti politique ? Son silence depuis sa démission du 9 décembre 1993 ? Ses partisans, quant à eux, se mobilisent et le poussent à se déterminer. Qui sont-ils ? Que revendiquent-ils ? Notre analyse essaie les réponses sur l'avenir politique de l'ex-Premier ministre de Côte d'Ivoire.
“Je me donne un temps de réflexion de 6 mois. J'observe, je suis en réserve de la République”. Ces propos, quelques jours après sa démission, l'ex-Premier ministre de Côte d'Ivoire les a prononcés à l'adresse de ses proches qui étaient fort soucieux de son sort et de son avenir politique. Ceux-là, bien avant sa démission, se réunissaient déjà depuis plusieurs mois, cherchant les voies et moyens pour le triomphe de leur position. Pendant l'agonie du chef de l'Etat, Félix Houphouet-Boigny, le PDCI, marchait, bicéphale, de façon diffuse vers l'opposition éparse. Les deux clans du PDCI engageaient toutes leurs forces dans la dernière bataille. Tous deux ont déclamé leur volonté d'ouverture. Et le 6 décembre, à la veille de la fête-deuil national, M. Alassane Dramane Ouattara affichait ouvertement (mais tardivement) sa volonté de se positionner tout en voulant écarter Bédié. Comme chacun a pu le constater, le gouverneur de la BCEAO, qui au départ ne se souciait que de la relance économique de notre pays, se pensait désormais à son avenir politique. Il avait pris goût au jeu politique et malgré l'autoproclamation qui a succédé la mort prématurée (?) de celui qui refusait de vieillir pour mieux nous (as)-servir, ADO ne semblait pas résolu à abdiquer. Ce qu'il dut faire quand même quand il a constaté que l'armée s'excitait et que la Côte d'Ivoire pouvait connaître un bain de sang.
Bédié voulait le pouvoir. Il l'a eu. Il voulait triompher d'ADO. Il a réussi. Mais le PDCI est déchiré et les brèches à colmater sont nombreuses. Du côté d'ADO, ses partisans, de façon plus affective que politique, de la façon la plus spontanée (cette fois), ont décidé de lui témoigner leur “indéfectible attachement”. Et la démonstration la plus spectaculaire a été l'accueil du 22 janvier dernier. Des autocars, des mini-cars se sont rués vers l'aéroport pour accueillir l'ex-Premier ministre qui revenait d'un séjour de trois semaines à Paris et l'accompagner chez lui dans un élan festivalier. Sous le prétexte qu'il faut sauvegarder la paix sociale et prévenir toute émeute, le pouvoir Bédié a décidé d'empêcher les fidèles d'ADO, qui ont été gazés.
Du côté du pouvoir, on est conscient de la fragilité et de la frilosité de l'Etat qui est dirigé par petit homme sans envergure, sans charisme. Aussi, les faucons ou les hommes d'ordre poussent-ils l'Etat à démontrer sa force, ce qui est déjà une faiblesse en soi.
Pour l'expression de sa force tous les opposants sont dans son collimateur dont ADO qui, après avoir goûté aux délices du pouvoir, redécouvre la beauté d'être opposant. Pour l'heure, le clan Bédié considère ADO comme un opposant et non comme un membre du PDCI. Or aujourd'hui, rares sont ceux qui peuvent savoir ce que fera ADO. Même son épouse, dit-on, n'en sait rien. Tous ses proches semblent emportés dans son silence intrigant. Mais ils espèrent qu'ils ne commettra pas "la bêtise” de se rallier. La frustration que ses partisans ont subie le week-end dernier entre dans le cadre d'une stratégie du clan Bédié qui préfère pousser le banquier de Dakar hors du PDCI afin de mieux le combattre. Ce dernier pourrait rompre avec le silence qu'il s'est imposé pour cause de deuil à l'instar de Laurent Gbagbo, après l'enterrement du premier président de Côte d'Ivoire. Pour l'heure, Bédié veut mettre tout le monde au pas et à sa disposition et opère à une "dédramanisation" de l'administration. Tous les dramanistes ou soupçonnés comme tels perdront leurs postes : quelques grands noms : Doua Bi Kalou, le D.G de la Douane, qui pourrait être remplacé par un bédiéiste pur-sang à ce poste si juteux. L'ambassadeur de la Côte d'Ivoire, aux Etats-Unis, Charles Gomis, serait remplacé par Koumoué Koffi. Le général Robert Guéi et Coulibaly, respectivement chef d'état-major et le chef de l'armée de l'air, risquent de faire leurs adieux à leurs postes. Le colonel Palenfo ferait valoir ses droits à la retraite. La "dédramanisation" qui a commencé avec le sacrifice de quelques personnes bien connues comme Aly Coulibaly et Kébé Yacouba, et la rancœur de la démission d'ADO renforcent le sentiment de persécution qu'éprouvent les partisans de l'ex-Premier ministre qui ont décidé de s'assumer et de prendre leurs responsabilités.
Bédié, selon ce qu'il aurait confié à ses amis, redouterait plus son frère ennemi du PDCI que son rival de l'opposition Laurent Gbagbo. Il faut comprendre le président autoproclamé. Son rival a gouverné le pays pendant plus de 1000 jours. Il a eu accès aux dossiers les plus secrets de l'Etat et des prébendiers qui ont anémie la Côte d'Ivoire. Et Bédié aurait peur que son rival parle. Au même moment où les bonnes volontés au PDCI veulent colmater les brèches d'un PDCI divisé, des faucons n'écarteraient pas dans la répression de toute manifestation, une liquidation physique des opposants dont l'ex-Premier ministre.
Au PDCI, le souci de sauvegarder l'unité du parti est grand car de ce côté-là, on estime que seule l'unité peut permettre la victoire du vieux parti aux futures élections.
Trois clans s'affrontent sournoisement : les grégoriens (de Philippe Yacé) qui sont en alliance circonstancielle avec les dramanistes, et les bédiéistes. Les seconds (les dramanistes) ne cachent pas leur volonté de renaître des cendres du PDCI qui risque d'être enterré dans la tombe de son premier chef. Si Alassane crée son parti, ce qui devient de plus en plus probable, ce ne serait qu'après l'éclatement du parti déliquescent et ce serait parce que ses partisans estimeraient que son intégrité est immaculée et qu'elle est en dissonance avec un groupe politique au passé chargé de malversations. Le libéral, cadre du FMI, pourrait avoir une organisation politique qui sur l'échiquier serait un peu centriste. L'ex-Premier ministre n'est pas seulement un danger pour le clan Bédié, il demeure un danger pour une opposition qui n'a pas que certains atouts : sa fortune et son réseau de relations qui demeure un capital considérable qu'il a eu en servant dans les institutions financières internationales.
Halte à la chasse aux musulmans
Au-delà de la personne d'Alassane Ouattara, nous posons le problèmes de la religion musulmane en Côte d'Ivoire. Ici, quand les musulmans affichent leur croyance, on n'hésite parler d'intégrisme et le PDCI a utilisé bien d'anathèmes et des griefs contre cette religion et certaines ethnies avec des syllogismes à vous couper le souffle. Et ADO lui-même y a participé. Du leader du FPI, on faisait cette démonstration : Gbagbo est Bété. Or les Bétés sont violents. Donc il mettra le pays à feu et à sang.
Aujourd'hui, Alassane connaît un préjudice similaire. ADO est musulman. Or l'Islam génère, dit-on à tort, l'intégrisme donc ADO est intégriste si vous préférez, les musulmans de Côte d'Ivoire deviendront un jour des intégristes s'ils ne le sont déjà. L'actualité émanant de l'Algérie n'est pas faite pour arranger les choses. S'il est réel le péril intégriste, on peut l'arrêter non par l'exclusion. Il faut que les musulmans comme tous les religieux, les Ivoiriens sans distinction, aient les mêmes droits dans cet Etat laïc. Et dès maintenant, les hommes politiques surtout ceux de l'opposition doivent tenir un discours qui soulage les opprimés, les exclus afin d'éviter l'éclatement de la Côte d'Ivoire.
Quand nous combattions la charte du Nord, cela n'a jamais été une préoccupation ni du PDCI ni des organes du pouvoir qui lançaient contre nous toutes sortes d'attaques. Aujourd'hui, pour des fins politiciennes, cela devient un problème, un argument qu'on utilise pour écarter un adversaire (ce qui n'est pas un problème), mais surtout pour accroître les frustrations d'une communauté victime d'injustice. La Côte d'Ivoire est laïque, une et indivisible. Transcendons tous les périls tribaux, élevons-nous au-dessus des ethnies pour chercher la Côte d'Ivoire qui a soif d'une nation forte et debout grâce au concours de toutes les communautés religieuses et ethniques. L'existence de la charte du Nord, de la formation du grand cercle à travers la charte actuelle qu'est la constitution. Revendiquer une nouvelle charte pour les Ivoiriens revient à dire qu'il faut réviser notre constitution qui prenne en compte les intérêts de tous, une nouvelle constitution qui doit être le socle de notre unité et sur lequel nous bâtirons un grand pays.
G.L.
Pendant son séjour au Sud de la France près de Marseille, il a pu rencontrer Michel Camdessus et quelques personnalités françaises des milieux des décideurs. Du coup, Bédié a perdu le sommeil. Il change de domicile chaque nuit et dormirait quelquefois à l'Hôtel Ivoire. Les rencontres que l'ex-Premier ministre a eues pendant ces trois semaines ont accru, dit-on, les inquiétudes de Bédié. Peut-être que l'ex-gouverneur de la BCEAO en a profité pour s'expliquer avec les Français. Par le biais de Dupuch, Bédié aurait attiré l'attention de la France sur le péril intégriste musulman qu'il symboliserait. Or les Occidentaux ont une phobie de l'intégrisme religieux. Cet intégrisme qui aurait sa source avec la charte du Nord qui serait sa source. Et ADO aurait des accointances avec cette charte du Nord. "Je ne vais pas empêcher des gens qui veulent me soutenir de me soutenir". C'était le 1er octobre 1992 à l'occasion de l'émission "A la Une" d'Aly Coulibaly, Premier ministre qu'il était encore, ADO répondait ainsi à une question relative à ses accointances avec la Charte du Nord. Alassane Ouattara, s'il veut faire de la politique peut la faire. Mais au-delà d'une presse (Patriote, Nostalgie) qui pourrait s'élargir avec la naissance d'un quotidien dont il est question et du fait qu'il a des cadres dans l'administration qui sont acquis à sa cause, ADO est confronté à trois problèmes essentiels : le péril tribal, le péril religieux et le problème de sa nationalité.
LE PÉRIL TRIBALISTE
En 1990, avec la conquête du multipartisme, le PDCI fidèle à ses pratiques, a continué à utiliser le tribal pour diviser les Ivoiriens. Ce jeu-ci réfléchissait dessus, mais en termes de bété, baoulé, dioula... Le jeu tribaliste est rampant, pernicieux et empoisonne notre pays. La tribu s'éloigne se rapproche aujourd'hui du clan des Agni. Les hommes de l'Ouest veulent reconstruire le grand cercle de l'Ouest. Les hommes du Nord ont décidé de créer une charte du Nord, la même préoccupation dans la succession et la sécession dans la Côte d'Ivoire. Dans le cercle de la Côte d'Ivoire, comme prouve sivement le péril tribalo-religieux. En effet, les musulmans de Côte d'Ivoire ont depuis trente ans, les écoles islamiques ont été confinées au ministère de l'Intérieur pour leur éviter le financement de l'Etat... Les Nordistes reprochent à tous, les pratiques qui semblent démontrer qu'ils ne sont pas acceptés comme des Ivoiriens à part entière et tolèrent à peine au pouvoir PDCI fait qu'ils n'aient eu un ambassadeur unique Saoudite en Côte d'Ivoire que le multipartisme et sur insistance de l'opposition. On s'en souvient, le FPI avait fait de cela son cheval de bataille. Les musulmans qui se rencontrent pour la plupart dans le Nord éprouvent un sentiment de ras-le-bol qui se traduit par la vue de l'information religieuse nordiste 1964. "Le pouvoir et les musulmans", 33 ans de rejet des musulmans.
Le sentiment de persécution et le ras-le-bol qui germent dans le cœur des Nordistes les amène à vouloir s'accepter tels, à s'assumer. Or de là dérive l'autogratification de plusieurs groupes locaux qui perçoivent comme un sauveur et le rédempteur d'une communauté religieuse opprimée et a subi moulte frustrations. C'est vrai qu'ADO a des hommes qui peuvent se rencontrer en dehors du Nord de la Côte d'Ivoire, mais que fera-t-il de l'engouement que le grand Nord éprouve pour lui et qui estime que le martyre qu'il subit est le martyre de toute une communauté. Pour des raisons politiciennes, tiendra-t-il un discours qui transcende cette communauté pour toucher les Ivoiriens. Malgré son silence, il aurait confié à ses amis qu'on ne peut bâtir une action politique sur des bases régionales et religieuses.
Même les musulmans réunis, le Nord solidaire, ce serait la division en deux blocs non plus politiques mais géopolitiques et religieux de la Côte d'Ivoire : le Nord contre le reste de la Côte d'Ivoire ou les musulmans contre les non-musulmans. Les musulmans qui paraissent minoritaires en Côte d'Ivoire et sont de la population veuillent faire de la politique ? Si oui, a-t-on le droit de les empêcher ? Non.
Seulement, aujourd'hui les musulmans de Côte d'Ivoire veulent le rétablissement de la justice, et revendiquent plus de libertés. Ils veulent soigner leur image. Ils sont choqués par les propos péjoratifs qu'on entend ici et là. Ils ne veulent être ces proies qu'on attire avec l'appât du sucre qu'on leur donne pendant la Ramadan et le mouton pendant la Tabaski. Que 6 personnes originaires du Nord soient dans le gouvernement de Bédié, les Nordistes n'y voient qu'une manœuvre de diversion et de division qui a été longtemps une arme qu'Houphouet a utilisée pour diviser afin de régner. Rumeur ? Fausse vérité ?
L'opinion ivoirienne a longtemps admis qu'il existe un pacte entre Akan et hommes du Nord par le pacte entre Houphouet et la famille Gon. Aujourd'hui, on n'hésite pas à dénoncer ce pacte qui aurait été rompu avec la mort du plus illustre fils de Yamoussoukro. Dans cette situation, ADO a sa partition à jouer d'abord pour lui même car il a des ambitions politiques et ensuite, pour la Côte d'Ivoire. Comme il doit apporter sa contribution comme tous les hommes politiques à freiner le péril tribal, il devrait freiner également le péril religieux qui grandit.
Dans le but de l'écarter, une loi sur mesure serait conçue et se trouverait aux portes du parlement. Elle porte sur la nationalité de tous les éligibles qui devaient avoir le père et la mère ivoiriens. Or ADO est de père burkinabé et de mère ivoirienne. En 1982, il avait la nationalité burkinabé et est devenu ivoirien depuis quelques années. Un partisan d'ADO courroucé par ce qu'il appelle un complot à ciel ouvert ne reconnaît pas la multiplicité de nationalités de l'ex-Premier ministre, lance : "S'ils font cela, ce sera l'éclatement de la Côte d'Ivoire ou la guerre civile".
Pendant que le clan Bédié se frotte les mains pour avoir trouvé un moyen de liquider politiquement ADO, ce dernier affiche une sérénité déconcertante. Certaines sources dignes de foi, proches de lui disent que leur leader détient "les preuves irréfutables de sa nationalité ivoirienne. Ce qui est un mystère et nous serions bien curieux de voir comment il prouvera ce changement de nationalité en peu de temps ?"
Sur injonction du chef de l’Etat Félix Houphouet-Boigny, il serait devenu Burkinabé lorsqu'il était vice-gouverneur de la BCEAO pour l'accomplissement d'une mission qui a eu l'air d'une besogne dont ADO tarde à révéler la nature. Comment est-ce possible ? Vivement l'enterrement de feu Felix Houphouet-Boigny afin que des révélations se fassent pour alimenter la vie politique trop atristée.
Pour bien des partisans d'ADO, comment peut-on se permettre d'écarter par une loi une personne qui a servi un pays au poste non moindre de Premier ministre ? Le parlement risque d'être en ébullition avec une dizaine d'opposants, une cinquantaine de députés présumés dramanistes et plus d'une centaine acquise à la cause de HKB. Les partisans d'ADO attendent avec impatience le premier discours d'ADO. Au cas où celui-ci ne se déterminerait pas, ses partisans jurent de grossir les rangs de l'opposition et d'apporter leur soutien à Laurent Gbagbo qui, s'il négocie bien et comprend la nécessité d'un discours rassembleur, pourrait s'allier à eux sur la base d'un accord minimal. Car les élections libres et transparentes préoccupent aussi l'ex-Premier ministre qui a une assurance vie représentée dans la mobilisation de ses partisans. Pour l'heure, ADO symbolise aux yeux du PDCI, les maux de la société : l'intégrisme, le tribalisme. Son immolation est censée sauver la société. S'il veut faire de la politique, son premier test se trouve-là.
G.L
Un pas de plus vers le fascisme
Bédié et les bédiéistes ont peur de leurs ombres. Ils veulent communiquer cette peur aux autres dont la sérénité les traumatise.
C'est le triste constat des observateurs nationaux et internationaux sur les différents dérapages du gouvernement actuel. Le quotidien progouvernemental a donné le ton mercredi 26 janvier 1994. Un dossier est consacré à l'arrivée du Premier ministre Alassane Dramane Ouattara, il est soutenu par un éditorial de Michel Kouamé, toutes choses qui en disent long sur la frayeur des adversaires de l'ancien chef du gouvernement.
Michel Kouamé affirme que l'accueil réservé à ADO n'était pas spontané, qu'il avait pour but de démontrer la popularité de celui-ci et que cet accueil devait démontrer l'impopularité du chef de l'Etat actuel. En homme avisé, Michel Kouamé prétend que la mobilisation pour accueillir ADO a été obtenue au moyen de distribution massive d'argent. « Aucune de ces affirmations ne résiste à l'analyse et aucun fait ne le sous-entend », entend-on dire. Sans doute ADO et les siens veulent démontrer leur popularité. En quoi cette manifestation devait-elle gêner l'autorité de l'Etat, si tant est que le chef de l'Etat est sûr de lui-même ?
Se montrant frileux, Bédié et les bédiéistes inquiètent ceux qui leur font encore confiance et ils n'assurent personne de leur autorité.
Le danger dans la propagande bédiéiste, c'est la révélation de l'éditorialiste Michel Kouamé. Selon lui, ceux qui étaient contre l'application de l'article 11 disent « qu'ils mettraient le pays à feu et à sang dès l'annonce du décès de F.H.B ». Il faut douter de la véracité d'une telle assertion, et elle est conforme à la logique des comploteurs immatures qui pensent qu'un complot se conçoit au grand jour, tambour battant. Autant dire que seule la volonté de réprimer ADO peut justifier cette affirmation.
Voir dans la manifestation du samedi 22 janvier une défiance de l'autorité de l'Etat, c'est affirmer que cet Etat est faible et fragile.
Interrogé sur la question, le ministre de l'Intérieur, M. Emile Constant Bombet, n'arrive pas à assurer : « N'étant ni chef religieux, ni chef de parti, il est donc incompréhensible que sa sortie du pays et son retour donnent lieu à des manifestations de rue telles qu'il nous a été donné de voir le samedi. Ni les autorités municipales de Port-Bouet, ni les autorités politiques, personne n'a été au préalable informée de façon officielle de cet important mouvement de foule que devait occasionner l'arrivée de l'ex-Premier ministre. Les principes élémentaires de courtoisie n'ont pas été respectés. Autant les citoyens sont libres d'aller et venir, autant le respect de l'ordre public s'impose à chacun de nous dès lors qu'il cesse ses fonctions ». Il ne faut pas réduire à ce simplisme le conflit Bédié et Alassane Dramane Ouattara. Sans doute une frange importante de la population se reconnaît en lui, sans doute cela peut attiser le péril tribal, sans doute aussi les adversaires d'ADO croient pouvoir le vaincre facilement par de tels arguments spécieux.
Henri Konan Bédié a donné plein pouvoir à Laurent Dona-Fologo au mépris des statuts du PDCI. Diaby Koweit est mis en selle, soutenu par des pouvoirs financiers occultes. Tant qu'ils ne gênent pas, on ne trouve rien à leur reprocher. De source digne de foi, une cellule de réflexion vient d'être mise en place pour préparer des répressions à partir du 7 février.
Aujourd'hui, comme pour les événements du 18 février 1992, ce sont les mêmes personnes qui se sont réunies chez Bédié en novembre 1991 pour « pacifier la Côte d'Ivoire ». Ce jour, ces fascistes du PDCI étaient beaucoup plus nombreux. Certains, excommuniés aujourd'hui font l'objet d'une répression que la conscience humaine ne peut tolérer. C'est cette ouverture d'esprit qui permet de comprendre ceux qui prennent fait et cause pour tout opprimé. Fut-il l'oppresseur d'un jour.
En enregistrant les numéros matricules des véhicules allés accueillir ADO cela ne résout rien, pas plus qu'en envoyant Ben Soumahoro en France pour refaire l'image de Bédié. On comprend aujourd'hui que Kébé a été remercié parce qu'il refusait de jouer les propagandistes. Michel Kouamé, dans sa gloire d'un jour, ne devait pas oublier qu'au procès de Nuremberg, des propagandistes fieffés l'ont précédé en train d'implorer le pardon des anciennes victimes. Les lettres écrites par Michel Kouamé lui-même qu'il présente comme réaction des lecteurs surprennent aussi par leur spontanéité. Quand est-ce que le lecteur de Tengrela a-t-il pu écrire à votre journal pour que vous publiez le mercredi ?
Etes-vous sûr que M. Kassoum Koné répond de cette adresse. Et regardez bien l'origine ethnique des deux signataires n'est-ce pas curieux ? (Un Bété et un « Dioula »)
Le respect des morts que Bédié et les bédiéistes opposent à Alassane leur est opposable. Et ceux qui ont enjambé le corps fumant de celui dont ils ont hérité devaient avoir plus de scrupules à reprocher à ADO d'avoir tolérer une manifestation de joie après 50 jours. Pour combien de temps encore Bédié et les bédiéistes veulent exploiter le cadavre d'Houphouet ?
Ceux qui portent le deuil ne sont pas forcément ceux qui le montrent bruyamment. La sagesse enseigne qu'il ne faut pas s'alarmer d'un ami qui utilise les sandales pour laver le corps de votre père quand on a soi-même utilisé le revers de la main. Il n'y a pas à s'indigner outre mesure, on ne peut pas reprocher à ADO d'être plus royaliste que le roi.
KALIFA TOURÉ
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