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Suppression de la mendicité : difficultés d'application
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Burkina Faso
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- Title
- Suppression de la mendicité : difficultés d'application
- Creator
- Bogna Yaya Bamba
- Publisher
- Carrefour africain
- Date
- March 27, 1987
- Abstract
- La mendicité est supprimée au Burkina au nom de la dignité humaine. Ainsi en ont décidé le CNR et son gouvernement révolutionnaire. La décision a été rendue publique lors du compte rendu du conseil des ministres du 11 mars dernier. Des Cours de solidarité ont été construites pour recevoir les mendiants. Que deviennent-ils ces militants qui avaient trouvé comme Solution à leurs problèmes, de vivre de la générosité des uns et des autres ? Quelles difficultés se présentent pour l’application d’une telle mesure qui met fin à une pratique de longue date, muée en un genre de profession libérale. CA a fait le tour des zones privilégiées de mendicité et des Cours de solidarité pour constater le respect de la mesure.
- Subject
- Mendicité et talibés
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0004954
- content
-
La mendicité est supprimée au Burkina au nom de la dignité humaine. Ainsi en ont décidé le CNR et son gouvernement révolutionnaire. La décision a été rendue publique lors du compte rendu du conseil des ministres du 11 mars dernier. Des Cours de solidarité ont été construites pour recevoir les mendiants. Que deviennent-ils ces militants qui avaient trouvé comme Solution à leurs problèmes, de vivre de la générosité des uns et des autres ? Quelles difficultés se présentent pour l’application d’une telle mesure qui met fin à une pratique de longue date, muée en un genre de profession libérale. CA a fait le tour des zones privilégiées de mendicité et des Cours de solidarité pour constater le respect de la mesure.
La mendicité au Burkina Faso est comme partout ailleurs dans le monde un fait social grandissant - un fléau dans la société tout comme la délinquence, la prostitution, le chômage etc...
Lutter contre un tel fléau n’est par une tâche aisée. Les causes qui le soutendent sont tellement complexes qu’il ne suffit pas d’avoir le désir ou la volonté de vaincre pour en arriver effectivement à bout. "On ne naît pas mendiant, on le devient” disent les mendiants.
La mendicité, il faut le reconnaître, est le résultat des difficultés économiques, de la crise alimentaire engendrée par la sécheresse dans les pays du Sahel. Toutes ces causes qui ont agrandi le cercle de la mendicité ont trouvé sur le terrain la pratique plus ancienne de la mendicité instaurée par les responsables réligieux des écoles coraniques. Après les cours, les élèves sont “jetés” dans les rues pour trouver à manger, apporter souvent au maître des pièces d’argent.
Parmi les mendiants que l’on rencontre dans les grandes agglomérations au Burkina, on ne saurait distinguer les mendiants «par obligation religieuse», des simples indigents qui tendent la main aux passants devant les boutiques, les pharmacies, les banques, au bord des marchés etc.... Sans compter tous ces malfrats qui endossent le masque de mendiants pour commettre des vols et autres actes répréhensibles.
L’identité des mendiants au Burkina ? En majorité des Peuhls, des Maures, des handicapés mais de plus en plus des gens valides qui ont émigré de la campagne vers la ville. Dans les années 83, 84 et 85 tout le monde a pu constater dans les villes et particulièrement à Ouagadougou la prolifération de migrants venus du nord du Burkina, du Mali ou du Niger. Des villages entiers s’étaient vidés de leurs habitants pour échapper à «l’extermination» par inanition. Tous ces gens sont venus grandir le nombre des mendiants dans les villes. Malgré le retour sensible d’une bonne pluviométrie ces paysans et éleveurs ruinés par la sécheresse ne sont plus retournés à la terre. Pour certains c’est l’argent qui les intéressent (“Monsieur ! 5 f pour manger s’il vous plaît”) ; pour d’autres “n’importe quoi” pour calmer la faim.
Devant une telle situation désolante qui tournait en un «fait institué et accepté par tous”, le CNR a décidé de trouver une solution. Supprimer la mendicité sous sa forme de profession, trouver un cadre d’insertion aux mendiants invalides plus ou moins obligés de vivre de la générosité des autres.
Depuis plus d’un an, un travail d’étude, de concertation avec les milieux privilégiés de la mendicité (milieux musulmans) a été engagé pour mettre fin au fléau. L’INEPRO a été ouvert à Gampala pour recevoir et former les jeunes délinquants à des métiers. Trois cours de solidarité ont été construites à Ouaga, un à Nouna, un à Bitou et deux à Bobo. Autant des conditions qui ont été réunies et qui ont abouti le 11 mars à la décision ultime de supprimer la mendicité.
Il est évident qu’un fossé existe entre la prise d’une décision et son application sur le terrain surtout quand il s’agit d’un problème aussi complexe que, celui de la mendicité, ancré dans les esprits et dans la mentalité de toute une communauté.
En faisant un tour à travers la ville de Ouagadougou, on constate que les mendiants continuent de “pulluler” ça et là à la recherche d’un “généreux donateur”. Certains sont agressifs, d’autres, le sont moins. Sans gêne, sans peur, ils répètent leur geste à tous les passants : "5 F s'il vous plaît”. Autour des mosquées, ils sont toujours présents, très nombreux. Ils attendent l’aumône. Savent-ils que cela est désormais interdit ? Sûrement, parce que la communauté musulmane a été associée au travail de sensibilisation. Dans les Cours de solidarité ils arrivent ''au compte gouttes” malgré la sensibilistion menée par les responsables CDR des secteurs en liaison avec les camarades de l’Essor familial et de la Solidarité nationale. Selon les mendiants, il est difficile de rester assis dans la cour toute une journée sans espoir. Dans les cours, chaque mendiant reçoit de quoi manger sur les recettes de la vente d’eau de la fontaine. “Cela n ’est pas suffisant, car la plupart d’entre nous a une femme et des enfants qui attendent de nous de quoi manger” ; c’est la remarque des mendiants qui ont déjà accepté les contraintes de la mesure supprimant la mendicité.
Devant ces difficultés faut-il reculer ? La mesure a été prise en toute connaissance de cause ! Faut-il agir avec force, par des rafles ? Ce serait sans doute prendre en otage les objectifs de la mesure. Il y a du pain sur la planche ; c’est un travail de sensibilisation de longue haleine qui est demandé au ministère de l’Essor familial et de la Solidarité nationale. Pour la majorité des mendiants ce ministère devra penser les aider à exercer de petits travaux qui leur permettront de se faire un revenu. La plupart d’entre eux savent tisser des cordes, coudre des pagnes. En plus du soutien des structures des cours, des aumônes qu’apportent des militants, l’organisation d'activités de production artisanale, la recherche d’une clientèle sûre pour ces produits pourrait progressivement résoudre les difficultés d’adaptation. Toute prudence est nécessaire, car il y a lieu d’éviter que de l’application de la mesure ne naissent des problèmes plus difficiles à maîtriser.
Bogna Yaya BAMBA