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Bilan de l'an I de Kérékou II. La laïcité de l'Etat : quels constats ?
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- Title
- Bilan de l'an I de Kérékou II. La laïcité de l'Etat : quels constats ?
- Creator
- Julien Ahossi
- Publisher
- La Nation
- Date
- April 10, 1997
- Abstract
- Au-delà du bilan classique sur les plans social, économique et politique, de l'an I du régime Kérékou II, il serait peut-être intéressant à mon avis, d'approfondir le débat en attirant l’attention de l’opinion publique sur cet autre aspect non moins important, à savoir celui du respect des droits de l’homme par les dirigeants actuels. «La République du Bénin est une et indivisible, laïque et démocratique... La forme républicaine et la laïcité de l’Etat ne peuvent faire l’objet d’une révision». Ainsi en a décidé le peuple souverain dans la Constitution du 11 décembre 1990. En son temps, le président Kérékou avait pris l’engagement de «veiller à la primauté de la légalité constitutionnelle et au respect des règles du jeu démocratique... et de revaloriser le patrimoine culturel national...».
- Page(s)
- 10
- Spatial Coverage
- Cotonou
- Rights Holder
- La Nation
- Language
- Français
- Source
- La Nation
- Identifier
- iwac-article-0003623
- content
-
Au-delà du bilan classique sur les plans social, économique et politique, de l'an I du régime Kérékou II, il serait peut-être intéressant à mon avis, d'approfondir le débat en attirant l’attention de l’opinion publique sur cet autre aspect non moins important, à savoir celui du respect des droits de l’homme par les dirigeants actuels. «La République du Bénin est une et indivisible, laïque et démocratique... La forme républicaine et la laïcité de l’Etat ne peuvent faire l’objet d’une révision». Ainsi en a décidé le peuple souverain dans la Constitution du 11 décembre 1990. En son temps, le président Kérékou avait pris l’engagement de «veiller à la primauté de la légalité constitutionnelle et au respect des règles du jeu démocratique... et de revaloriser le patrimoine culturel national...».
Sur ce chapitre, nous avons noté avec satisfaction les bonnes intentions du régime Kérékou pour avoir créé dès son avènement le ministère de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme. Les droits de l’homme c’est avant tout la liberté d’expression qui comprend aussi la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte et d’opinion. La loi fondamentale y a mis un accent particulier en stipulant que «... L’exercice du culte et l’expression des croyances s’effectuent dans le respect de la laïcité de l’Etat... Les institutions, les communautés religieuses ou philosophiques ont le droit de se développer sans entrave. Elles ne seront pas soumises à la tutelle de l’Etat...».
Seulement voilà, dès l’investiture du président Mathieu Kérékou les signes annonciateurs de violation de la Constitution, ont été enregistrés; notamment sur le plan de la laïcité de l’Etat. Après l’omission délibérée du terme «Mânes de nos ancêtres» contenu dans le texte du serment du président de la République, c’est la rafle opérée nuitamment qui a fait disparaître, de l’entrée du Port Autonome de Cotonou et du Carrefour Vêdoko-Akossombo les statues-Vodun, œuvres d’inspiration de nos artistes nationaux, fierté de notre peuple. A partir de ces constats, le commun des mortels s’interroge sur le sens à donner désormais à la nature libérale et laïque de notre Etat. D’un point de vue large, ces actes constituent une violation des droits de l’homme, une atteinte à la liberté d’expression cultuelle, voire culturelle du peuple, l’étouffement moral des initiatives créatrices de nos artistes traditionalistes, la destruction ou l’enfouissement délibérés du patrimoine culturel national, objet de curiosité des touristes étrangers et par conséquent générateur de devises. Le vodun n’est pas que culte il est également culture.
Tout le monde reconnaît que le Vodun est l’un des points communs des six départements qui composent le territoire national béninois. Il est une réalité constante de chez nous; et il suffit de parcourir le pays pour se rendre compte que le peuple béninois porte, quelque part au-dedans de lui-même, dans son for intérieur, la marque du Vodun. Ne pas vouloir y croire, c’est possible mais c’est tricher avec sa conscience; et ne pas y croire vraiment, c’est mal connaître les subtilités du Béninois.
Composante de notre identité et de notre culture, le Vodun n’est pas à éliminer; même s’il est devenu de plus en plus nécessaire aujourd’hui de le débarrasser d’un certain nombre de tares afin de l’adapter aux exigences de l’évolution. L’acculturation au contact de l’Occident ne doit pas nous déboussoler au point de nous faire perdre les repères de nos origines. Je ne fais pas ici la promotion du Vodun; mais il faut reconnaître aussi aux animistes le droit au respect de leur foi, au même titre que les autres communautés confessionnelles.
La liberté de croyance et de religion est un facteur extraordinaire de promotion de l’unité nationale et partant, de paix. C’est pour cette raison, sans doute, que le constituant a fait de la laïcité l’un des piliers forts sur lesquels doit se construire notre démocratie. La philosophie de laïcité de l’Etat repose sur les principes du droit à la différence dont la finalité est la cohabitation pacifique, l’unité nationale (si chère au président Kérékou) et enfin la paix. Aux termes de notre Constitution, la laïcité de l’Etat ne peut faire l’objet de révision. (Art 156). Ainsi de par son importance, ce concept devient l’une des plates-formes d’édification de notre société.
La question qui se pose actuellement est de savoir si cette disposition constitutionnelle de première importance est respectée et protégée par le Pouvoir en place qui doit en garantir l’application. Malheureusement - sur ce terrain - des violations flagrantes se sont multipliées tout au long des douze mois écoulés:
- Le refus du président Kérékou de prendre à témoin «les mânes de nos ancêtres» terme contenu dans le texte constitutionnel du serment du président de la République.
- La citation répétée des extraits de textes bibliques lors des manifestations officielles.
- Les prises de position hostile aux édifices publics dont l’architecture évoque le vodun;
- L’interdiction de la célébration, cette année, de la fête du Vodun instituée par le régime précédent; etc...
Voilà autant de comportements déchirants qui font entorse au principe sacré de laïcité de notre Etat. Un tel élan vers le mépris de la vie spirituelle des autres, de la part du premier magistrat de la République, doit faire craindre des retombées sociales; surtout lorsqu’on sait que le Béninois est enclin à la croyance religieuse et fortement attaché à sa foi. Et, d’un autre côté, n’oublions pas que la dignité de la personne humaine passe également par l’exercice du droit à la liberté d’expression.
Les actes persistants attentatoires à la vie privée des personnes aboutissent toujours à l’accumulation des frustrations aux conséquences souvent désagréables. Enfin, pour le futur espérons que la sagesse l’emporte sur le fanatisme.