Article
Achèvement de la Mosquée du Plateau : voici pourquoi les travaux coincent
- Title
- Achèvement de la Mosquée du Plateau : voici pourquoi les travaux coincent
- Type
- Article de presse
- Creator
- Anzoumana Cissé
- Publisher
-
Le Patriote
- Date
- September 10, 2005
- DescriptionAI
- La mosquée du Plateau à Abidjan, initiée en 1994 et prévue pour 1996, demeure inachevée malgré plus de 15 milliards de FCFA déjà décaissés. Son achèvement est bloqué par des problèmes financiers, des allégations de détournement de fonds et un manque de responsabilité entre les différentes parties prenantes, y compris plusieurs gouvernements successifs. La communauté musulmane déplore cet immobilisme persistant.
- Subject
- Idriss Koudouss Koné
- Mosquée Salam du Plateau
- Henri Konan Bédié
- Front populaire ivoirien
- Désiré Gnonkonté
- Laurent Gbagbo
- Coopération
- Conseil National Islamique
- Language
- Français
- Contributor
-
Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0011291
- content
-
Près d'une décennie après la pose de la première pierre, les travaux de la mosquée du Plateau tardent à s'achever. Les différents acteurs impliqués dans la construction de cet édifice se jettent mutuellement la pierre.
Quelques arbrisseaux y ont élu domicile. La moisissure est perceptible par endroits, sur des piliers et les murs. La Mosquée du Plateau, ce joyau architectural qui en ajoute à la splendeur de cette commune, quartier des affaires qui fait la fierté des Abidjanais, n'est pas encore livrée à la communauté musulmane. Les travaux, pourtant visiblement en phase de finition, ont comme marqué un coup d'arrêt, sans fin. Les raisons fondamentales du blocage demeurent encore un mystère. Interrogés, quelques acteurs de la construction de cette mosquée, observent la loi de l'omerta. Des « Grands travaux » au Comité technique de la Primature, en passant par le ministère des Cultes, personne ne veut endosser la responsabilité de cette paralysie des travaux. Les leaders religieux affirment mordicus ne rien maîtriser sur la question. Pas plus que les fidèles musulmans qui comprennent difficilement que l'on en soit arrivé à cette situation d'immobilisme.
C'est le 20 septembre 1994 que la première pierre de la Mosquée du Plateau a été posée par le Président de la République d'alors, Henri Konan Bédié, en présence des membres du gouvernement et bien évidement, des hauts dignitaires musulmans. Prévue pour être livrée, à la communauté musulmane dans 24 mois, soit en septembre 1996, cela fait aujourd'hui plus de 11 ans que l'ouvrage demeure un miroir aux alouettes. Et ce, au grand désespoir de la Communauté Islamique.
Plus de 15 milliards de Fcfa décaissés pour construire cette Mosquée
La construction de ce lieu de culte, selon des sources bien introduites, a nécessité la mobilisation de plus de 15 milliards de FCFA. Et la plupart de ces fonds auraient été décaissés par les bailleurs de fonds arabes. On cite notamment les Emirats Arabes Unis, l'Agha Khan et les Marocains. Pour ce qui est de la contribution de l'Etat ivoirien, elle demeure encore un mystère. Ni la Primature, ni la Présidence de la République que nous avons interrogé, n'a daigné avancer de chiffre. M. Ezoua Marcel, anciennement en service aux Grands Travaux (BNETD), qui, à en croire nos sources, pilotait le dossier et qui en ce moment, en fonction au Cabinet du Premier ministre actuel, absent du pays, n'a pu, lui non plus, nous être d'un apport utile.
Le ministre Désiré Gnonkonté Gnonsoa, en charge du département des Cultes, que nous avons approché, lui, en revanche, a pu entrer en contact téléphonique avec nous depuis l'hexagone où il est en vacances. Voici en substance ce qu'il a déclaré au bout du fil, le mardi 30 août 2005 à 12 heures : « Nous gérons un héritage bien problématique. Nous sommes venus trouver cette mosquée dans la situation dans laquelle elle se trouve en ce moment. Je ne suis pas technicien et ne peut donc pas vous dire combien il faut pour achever les travaux de cette mosquée, encore moins, la somme qui y a été déjà injectée. Je sais seulement que le blocage est dû à un problème d'argent », a déclaré le ministre. Cependant, une source confie que c'est la présidence de la République qui gère le dossier de cette Mosquée. Du côté de la Présidence de la République où nous nous sommes tournées, les portes sont restées fermées. Le Secrétariat du cabinet présidentiel n'a pu nous mettre en contact avec un interlocuteur maîtrisant le dossier. Même le Secrétaire général du Conseil supérieur de l'Association mondiale du Rapprochement des confessions religieuses, l'Ayatollah Mohammad Ali Taskhiri venu d'Iran et qui a récemment visité le chantier suscitant beaucoup d'espoir au sein des musulmans, n'a pu lui non plus démêler l'écheveau de cette mosquée parce que ne pouvant intervenir qu'à la finition des travaux.
Un détournement de fonds ?
Où est donc passé l'argent dégagé pour les travaux de la Mosquée ? A-t-il fait l'objet de détournement ? Et qui en est l'auteur ? Difficile de répondre à ces interrogations. En tout cas, des acteurs impliqués dans la construction de cet édifice soutiennent que des sommes ont été détournées à d'autres fins. Selon des sources anonymes, les Arabes « sont très fâchés ». Ils disent ne plus faire confiance à la Côte d'Ivoire. Ils exigent un audit, à en croire toujours la même source.
Le Roi Hassan II du Maroc, avant son décès aurait, pour sa part, promis apporter sa contribution au niveau de la finition des travaux. Après son décès, son fils héritier, le Roi Mohamed VI aurait tenu la promesse de son père. Ce dernier aurait même envoyé une forte délégation en Côte d'Ivoire pour constater l'état d'avancement des travaux. « Cette délégation avait précisé aux dignitaires religieux que l'échafaudage et l'intérieur de la Mosquée seraient décorés par les Marocains. Malheureusement, au cours de la visite de la Mosquée, la délégation a été informée que la décoration de la Mosquée a été confiée à une entreprise italienne qui devait s'occuper de la finition des travaux », confie une source proche des bailleurs de fonds. Avant d'ajouter que la délégation marocaine est retournée en jurant de ne plus s'occuper de l'achèvement des travaux. Une autre source affirme que c'est au niveau du Bureau national d'Etudes techniques et de Développement (BNETD), que les travaux ont été stoppés. Et ce, de 1999 à 2000. Elle prétextait que cela était consécutif au coup d'Etat de décembre 1999.
Lors d'une réception des Imams, en sa résidence de Cocody en 2002, le Président Laurent Gbagbo avait exprimé sa préoccupation de voir cette Mosquée terminée. Il aurait confié le dossier de recherche de fonds à un de ses Conseillers. Et c'est à partir de ce moment que le ministre des Cultes, Désiré Gnonkonté Gnonsoa aurait été saisi du dossier de la Mosquée. Il aurait convoqué le maître d'ouvrage ainsi que le Maître d'oeuvre, pour en savoir plus, sur les blocages des travaux et s'enquérir du montant exact pour achever cet édifice religieux.
Les observateurs ne comprennent pas pourquoi le ministère des Cultes, feint donc d'ignorer tout du problème de la Mosquée. Nos sources révèlent que trois milliards de francs CFA sont nécessaires pour l'achèvement des travaux. Mais qu'avec 1,5 milliard de francs CFA, elle pourrait être partiellement livrée pour abriter les prières. Ce montant (1,5 milliard) pourrait permettre d'installer les sanitaires et les autres commodités. En clair, il faut 4,5 milliards de francs CFA pour que la Mosquée du Plateau soit fin prête. « ( ) La construction d'une mosquée, dans un Etat laïc, n'est pas un acte de charité qu'on fait aux musulmans. Mais c'est un droit », fait remarquer un guide religieux.
Quatre présidents pour une mosquée
Malgré les quatre présidents qui se sont succédés (Félix Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, Guéi Robert et Gbagbo Laurent), la Mosquée du Plateau demeure toujours inachevée. En effet, c'est sous le règne de feu Félix Houphouët-Boigny que le Conseil national islamique (CNI), présidée par l'Imam Idriss Koudouss Koné, a souhaité disposer, en 1993, d'un terrain dans la commune du Plateau, pour y édifier une Mosquée. « La requête présentée par le CNI au Président Houphouët-Boigny, n'a pas connu de suite favorable. Ce n'est qu'en 1993, après son accession à la magistrature suprême, selon des sources dignes de foi, que le président Henri Konan Bédié a offert le terrain qu'occupait la préfecture d'Abidjan (en face de la CNPS) à la Communauté musulmane. Et un parchemin a été consigné par le président Bédié et l'Imam Idriss Koudouss Koné. Et M. Bédié s'est engagé », poursuit la même source, au nom de l'Etat, de Côte d'Ivoire à construire l'édifice religieux et à le remettre à la communauté musulmane. Après la chute de Henri Konan Bédié, le Général Guéï Robert a promis, à la communauté musulmane, d'achever les travaux de cette mosquée avant la Transition militaire. Une visite guidée a même été effectuée sur le chantier en début d'année 2000. Malheureusement, la promesse du Général n'a pu être tenue avant son départ. Son successeur Laurent Gbagbo, dès sa prise de pouvoir, a fait les mêmes promesses que ses prédécesseurs. Hélas, jusqu'à ce jour, le constat reste le même. La moindre couche de peinture n'a pu être passée sur les murs. Et l'on avance allègrement vers la fin du pouvoir FPI.
De l'avis d'un observateur averti, les différents présidents voulaient, par le biais de cet édifice, faire de la récupération politique. Et l'équation qui est posée, c'est de livrer la mosquée et, en retour, obtenir de nombreuses « voix musulmanes », lors des élections.