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Tentative de coup d'État du 19 septembre 2002 : "Le moment viendra où les acteurs, les témoins, les victimes de ce drame s'expliqueront" prévient l'imam Idriss Koudouss Koné
- Title
- Tentative de coup d'État du 19 septembre 2002 : "Le moment viendra où les acteurs, les témoins, les victimes de ce drame s'expliqueront" prévient l'imam Idriss Koudouss Koné
- Type
- Article de presse
- Publisher
-
Le Jour
- Date
- October 31, 2002
- DescriptionAI
- L'imam Idriss Koudouss Koné, porte-parole de la communauté musulmane de Côte d'Ivoire, dénonce les accusations faciles et les persécutions (perquisitions, arrestations, enlèvements) dont les musulmans sont victimes suite à la tentative de coup d'État du 19 septembre 2002, critiquant également le rôle des médias d'État dans la diabolisation. Il appelle le Chef de l'État, les acteurs politiques, les forces de l'ordre, la communauté internationale et les insurgés à la négociation pour mettre fin à la violence, protéger les citoyens et restaurer la paix et l'unité, tout en réaffirmant l'attachement de l'Islam et des musulmans à la paix et à l'unité nationale.
- pages
- 1
- 4
- number of pages
- 2
- Language
- Français
- Contributor
-
Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0011217
- content
-
IDRISS KOUDOUSS, CNI
"Le jour viendra où il faudra s'expliquer"
La communauté musulmane de Côte d'Ivoire à travers son porte-parole, l'imam Idriss Koudouss Koné (ci-contre) a livré hier à Abidjan, son analyse de la tentative de coup d'Etat du 19 septembre dernier. Tout en dénonçant « les accusations faciles dans les organes de presse instrumentalisés », les perquisitions, arrestations et enlèvements des forces de l'ordre dont ils feraient l'objet, ces dignitaires religieux invitent les différents partis, la communauté internationale et les forces de l'ordre à la table de la négociation. Page 4, l'intégralité de la déclaration.
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Tentative de coup d'Etat du 19 septembre 2002
◆ "Le moment viendra où les acteurs, les témoins, les victimes de ce drame s'expliqueront" prévient l'imam Idriss Koudouss Koné
La communauté musulmane de Côte d'Ivoire à travers son porte-parole, l'imam Idriss Koudouss Koné a livré hier à Abidjan, son analyse de la tentative de coup d'Etat du 19 septembre dernier. Tout en dénonçant «les accusations faciles dans les organes de presse instrumentalisés», les perquisitions, arrestations et enlèvements dont ils feraient l'objet, ces dignitaires religieux invitent les différents partis, la communauté internationale et les forces de l'ordre à la table de la négociation. Ci-dessous l'intégralité de la déclaration.
Bismilahi-Rahmani-Rahim
Frères et soeurs ivoiriens, africains, frères et soeurs venus des quatre coins du monde pour partager avec nous, notre hospitalité légendaire ou trouver asile, dans un pays, qui fut sous le règne du président feu Félix Houphouët Boigny une terre de fraternité. Chers frères, chères soeurs, notre pays vient de basculer dans l'horreur de la guerre. En effet, depuis la nuit du 18 au 19 septembre, la Côte d'Ivoire vit dans l'angoisse et la peur. Le pays est en rupture de ban avec lui-même.
Depuis déjà plus de quatre semaines, des soldats qui cohabitaient paisiblement au sein de la même armée, se tirent dessus. Le pays, qui se croyait à l'abri de ce genre de déchirements douloureux, attristé, pleure ses morts. Comme tous les croyants, les musulmans invitent à la prière pour que tous ceux et celles qui sont tombés sous les balles meurtrières retrouvent la paix auprès d'Allah le clément, le miséricordieux.
Mais comment et pourquoi en est-on arrivé à de telles extrémités? N'avons-nous pas, en son temps, prévenu l'opinion nationale et internationale sur les risques d'affrontements? Très certainement, le moment viendra où les acteurs, les témoins, les victimes de ce drame qui s'abat sur la Côte d'Ivoire s'expliqueront pour l'histoire. Aujourd'hui, nous regrettons qu'à un moment aussi douloureux de la vie de notre nation, la communauté musulmane continue d'être frappée d'ostracisme et de suspicion ethno-religieux par les forces de l'ordre; malgré tout ce qu'elle a entrepris depuis le régime du président Bédié jusqu'à ce jour, pour que ce pays demeure ce qu'il a toujours été: un havre de paix et de fraternité. On continue de perquisitionner nos mosquées, on continue d'arrêter nos cadres; on continue d'enlever dans les bas quartiers, des musulmans pour des destinations parfois inconnues; on continue de diaboliser les musulmans et leurs dignitaires à travers des tracts, des articles tendancieux et même sur le réseau Internet. On profère des accusations faciles dans les organes de presse instrumentalisés, qui tendent à faire croire que les événements actuels sont le fait de la communauté musulmane.
Nous voulons en particulier mentionner deux choses:
- D'abord, la situation douloureuse que vit la communauté musulmane de Daloa depuis quelques jours. En effet, des témoignages d'imams et de fidèles musulmans, dont nous n'avons aucune raison de douter, indiquent que certains éléments des forces de l'ordre, aidés par des milices composées de civils, se livrent à des chasses aux musulmans qu'ils torturent et même exécutent, certaines voix ont même évoqué un nouveau génocide.
- Ensuite, le rôle qui est désormais dévolu aux médias d'Etat (radio et télévision) qui, depuis le déclenchement des malheureux événements, versent de l'huile sur le feu et entretiennent un climat de haine et d'appel aux meurtres. Quelle lecture les responsables des médias, même au plus hauts niveaux, et les organes de contrôle de ces médias, ont-ils de ce qui nous paraît être une dérive intolérable.
C'est pourquoi, au moment où nous nous adressons solennellement à la nation et au monde entier, il est important de rappeler que s'il y a, dans ce pays, une religion qui recherche ardemment la paix, s'il y a des fidèles d'une religion qui aspirent ou vivent en parfaite intelligence avec toutes les ethnies et, toutes les autres confessions, ce sont bien l'Islam et les musulmans. En raison de tout ce qui précède, nous lançons ce message:
AU CHEF DE L'ETAT ET AU GOUVERNEMENT
Nous vous invitons respectueusement, à la table de l'honneur, et de la négociation. Un gouvernement ne s'inscrit pas dans la logique jusqu'au boutistes et le chef d'Etat l'a compris, qui a accepté le cessez le feu et entamé les négociations.
Il soit se soucier de préserver d'autres vies humaines, par la recherche systématique de solutions consensuelles, donc durables.
AUX ACTEURS POLITIQUES
Vous avez, une lourde responsabilité, devant Dieu, et devant les hommes dans le malheur qui frappe aujourd'hui notre pays. C'est pourquoi, nous vous demandons, au nom de tous les musulmans de Côte d'Ivoire de vous asseoir sur votre orgueil, un manteau trop large pour des humains, afin d'emprunter sincèrement le sentier de la justice, de l'équité, de la tolérance, du pardon, le l'amour, de la fermeté et de la compassion. Mettez-vous au-dessus des considérations ethniques, religieuses ou régionalistes pour ne prendre en compte que la sauvegarde de l'unité de la nation aujourd'hui menacée.
Le président de la. République, chef suprême des armées, lui-même vous a lancé un appel vibrant afin que vous ne vous trompiez pas de combat et de cibles.
AUX FORCES DE L'ORDRE ET DE SÉCURITÉ
Nous vous invitons, à notre tour, à faire davantage preuve de discernement, pour épargner à des populations déjà éprouvées en l'an 2000 par les mêmes méthodes, traumatisées par le bruit des armes, de vivre dans l'angoisse des perquisitions, des arrestations et des enlèvements, qui ont tout l'air de désigner une composante importante de la Nation, comme auteur ou co-auteur de la tragédie que nous vivons. En cette période de crise très grave, votre devoir de maintien de l'ordre et de la sécurité des populations et de leurs biens est devenue beaucoup plus impérieux. Et les musulmans, comme les autres composantes sociales de la nation, demeurent des citoyens qu'il faut protéger et rassurer, comme tout le monde.
A LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
Nous demandons: à la Cedeao, à l'Union africaine, à l'Union européenne, aux Nations unies et à toutes les bonnes volontés, de tout mettre en oeuvre pour que le sang des Ivoiriens cesse de couler et que la paix revienne.
Nous vous 'invitons a venir construire et consolider la table du dialogue et garantir la paix des braves, dans une Côte d'Ivoire réconciliée avec elle-même.
AUX INSURGÉS
Nous sommes attristés et mortifiés par le spectacle d'une Côte d'Ivoire dont les enfants se font une guerre meurtrière. N'y avait-il pas d'autres moyens de poser vos problèmes ?
En tant que religieux, nous vous félicitons d'avoir accepté la voie de la négociation et vous exhortons à persévérer dans cette voie.
EN CONCLUSION
Depuis la période de la lutte pour l'indépendance jusqu'aujourd'hui, la communauté' musulmane a été exemplaire de courage, de loyauté, de tolérance et d'attachement à la Côte d'Ivoire. Elle ne peut donc faire l'objet de procès d'intention iniques que seule une haine inexplicable peut justifier.
Toute la communauté musulmane de Côte d'Ivoire et ses Imams compatissent à la douleur des victimes de la guerre et de leurs proches. Ils les assurent de leur sincère compassion et s'inclinent sur les corps des disparus.
Nos prières s'élèvent vers Allah qui, seul, dans sa grande mansuétude, nous ouvrira les portes d'une réconciliation vraie.
Assalam aleïkoum