Article
Portée et signification du jeûne du Ramadan
- Title
- Portée et signification du jeûne du Ramadan
- Creator
- Naïm-Deen Salami
- Publisher
- Ehuzu
- Date
- May 11, 1988
- Abstract
- Dans quelques jours prendra fin le jeûne que les Musulmans observent chaque année à l'occasion du mois du Ramadan.
- Page(s)
- 5
- 8
- Rights Holder
- La Nation
- Language
- Français
- Source
- Bibliothèque du Congrès
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0003195
- content
-
Dans quelques jours prendra fin le jeûne que les Musulmans observent chaque année à l'occasion du mois du Ramadan.
Dans les lignes qui suivent, le camarade Salami Naïm Deen, chercheur à l'INFRE nous entretient de la portée et de la signification de cette pratique.
Au moment où la Communauté musulmane s'achemine vers la fin du mois de Ramadan, on observe diverses réactions et attitudes qui sont autant de manifestations de la compréhension et l'interprétation que les gens se font du jeûne du mois de Ramadan. Il n'est pas sans intérêt pour les besoins de la cause de poser la problématique du jeûne et d'en dégager l'importance sur la vie du musulman aussi bien sur le plan spirituel que sur le plan temporel.
Le mois de Ramadan est le neuvième mois de l'année lunaire. Pour tous les musulmans, cette période de l’année a une lignification particulière : c'est le mois au cours duquel le coran fut révélé pour guider les hommes. C'est en effet pendant ce mois que l'Ange Gabriel a rappelé au prophète Mohammed l'intégralité du Coran. C'est donc un mois sacré au cours duquel le musulman doit manifester sa foi et donner les preuves de sa soumission à Dieu Tout-Puissant.
Le mois de Ramadan se caractérise essentiellement par le jeûne. Ainsi, pendant trente jours, de l'aube au coucher du soleil, le musulman qui jeûne doit s'abstenir de manger, de boire et de consommer l'oeuvre de chair. Cette acceptation première du jeûne — et qui est de loin la plus répandue — ne rend pas suffisamment compte du sens profond du jeûne en Islam et en limite sérieusement la portée.
Troisième pilier de l'Islam, le jeûne est l'un des devoirs primordiaux du musulman. Signe de sa foi en Dieu, il permet au croyant de cultiver sa piété en l'incitant à une purification de son corps par des privations et à une fortification de son âme.
Il est à noter que le jeûne n'est pas l'apanage de la seule religion musulmane. Il est pratiqué aussi dans d'autres religions.
On rapporte que les Hindous (brahmanistes) ont jeûné depuis des milliers d'années bien qu'aujourd'hui, à cause du manque de rigueur dans la pratique, ce rite tend à disparaître.
Les juifs jeûnent pendant 24 heures le jour du kippour. Les plus pieux d'entre eux continuent à jeûner chaque lundi et chaque jeudi en commémoration du lundi, jour de départ de Moïse sur le Mont Sinaï et de son retour un jeudi après un séjour de 40 jours.
Les premiers chrétiens observaient le carême durant six semaines par an (dimanches exceptés) soit au total 34 jours en souvenir du Christ lors de son séjour dans le désert, au cours duquel il n'a ni mangé, ni bu. Aujourd'hui, cette pratique, s'est considérablement modifiée.
On peut remarquer que le jeûne musulman, à la différence avec le jeûne des autres religions n'a fait l'objet d'aucune modification ni de dérogation d'autorités religieuses. Il est observé avec la même constance et la même rigueur depuis 14 siècles.
FONDEMENT DU JEUNE DU RAMADAN
L'objectif premier du jeûne de Ramadan est avant tout la recherche de l'homme pieux, l'homme idéal, débarrassé des excès de sa nature animale. C'est cette part d'animalité, source de tous les excès que le jeûne cherche à juguler pendant le mois de Ramadan afin que la nature angélique de l'homme émerge et permette à celui-ci de se rapprocher de son Seigneur par la piété.
Ainsi, le jeûne a une vertu de purification réelle. En fortifiant l'âme du croyant,, il la rend apte à recevoir la lumière divine et la miséricorde.
Le jeûne est en effet l’une des prescriptions divines les plus bénéfiques à l'homme et dont les répercussions positives s'étendent largement au-delà des limites du mois de Ramadan. C'est donc l'occasion exceptionnelle offerte au fidèle musulman de se racheter, de laver tous ses péchés, d'obtenir la clémence et la miséricorde de Dieu et entrer dans la grâce. Dieu en effet accorde facilement son pardon dès lors que le fidèle accepte de se répentir et ne persévère pas dans ses erreurs.
L'IMPORTANCE PHYSIQUE DU JEUNE...
Mais le jeûne n'a pas été prescrit exclusivement pour le bonheur de l'homme dans l'au-delà. Il l'est aussi pour son bonheur ici-bas. C'est d’ailleurs là une des singularités de l'Islam. La prescription du jeûne aux musulmans n'a donc pas un dessein exclusivement spirituel. Elle comporte des avantages indéniables au plan matériel : « Jeûner est un bien pour vous, peut-être le comprendrez-vous » (Coran II, 184).
Cette recommandation coranique est confirmée aujourd'hui par la recherche scientifique notamment les recherches bio-médicales et bio-psychologiques.
Des études sérieuses entreprises en Europe et aux Etats-Unis ont mis en lumière les vertus thérapeutiques du jeûne et le monde médical convaincu de son efficacité lui accorde une place de plus en plus importante dans le traitement des troubles somatiques allant de l'obésité aux cancers redoutables en passant par les troubles de dysfonctionnement mineurs, des pathologies hormonales... etc. « La faim nettoie tout le corps », (Gallien) et le « jeûne est la forme thérapeutique souvent la plus efficace et la plus radicale, mais surtout la moins chère... (Dr Christian Rambaut, Naturopathe). Pour le professeur Roy Walford, le jeûne non seulement rajeunit mais aussi favorise la longévité. Selon cet éminent spécialiste américain du rajeunissement qui jeûne lui-même 24 à 48 heures par semaine et observe une hygiène alimentaire très stricte, l'élimination des toxines qu'entraîne le jeûne maintient un équilibre suffisant entre les diverses fonctions de l'organisme. Elle accentue en outre le mieux-être physique et rend les idées plus claires.
Le jeûne est aussi « la cure des cures ». Il permet d'éliminer non seulement les impuretés du corps, mais aussi de l'esprit et de l'âme. La décision de privation volontaire pour la satisfaction de besoins fondamentaux tels que la nourriture, la boisson, le rapport, sexuel est un acte de haute portée psychologique.
Elle est la preuve d'une certaine maîtrise des pulsions instinctives qui sont sources de passions, de désirs parfois violents et souvent incontrôlables auxquels l'individu se trouve constamment exposé face aux réalités de la vie. C'est à celte hygiène mentale que convient ces paroles du prophète Mohammed : « Celui qui ne s'abstient pas d'être hypocrite dans les discours et dans l'action, Dieu n'a pas besoin qu'il s'abstienne de manger et de boire » (Hadith). Sont aussi bannis du comportement du jeûneur musulman, les discours obscènes, les violences de langage, la médisance, le faux serment, les calomnies, le mensonge, la convoitise, la concupiscence... Ce sont là des attitudes qui requièrent un sens moral élevé et une grande maîtrise de soi pour être contrôlé.
Un autre aspect qu'éclairent les recherches de l'impact du jeûne sur la santé mentale se trouve dans ce que le jeûne nous remet constamment dans le courant de la vie en équilibrant nos rythmes biologiques sur les grands courants des forces cosmiques.
Le jeûne possède en outre le pouvoir d'augmenter l'intuition, la clairvoyance, le calme mental, le don d'observation et l'introspection.
AVANTAGE DU JEUNE POUR LA SOCIETE
Ces profits individuels du jeûne ont également des incidences positives au niveau collectif. En effet, en canalisant l'agressivité humaine, en limitant les écarts de conduite, en imposant une discipline, le jeûne du Ramadan a incontestablement un impact éducatif important sur la société.
Le jeûne incite au respect mutuel, oriente positivement les ambitions et développe le sens du partage et de la compassion. « Pendant le mois de Ramadan, le mal se cache tandis que le bien passe au premier plan et toute l'atmosphère est imprègnée de piété et de pureté », écrivait un « islamologue » contemporain Abul A ' La Maududi.
Dans une société où tout le monde jeûne les statuts se confondent. On assiste à une levée des barrières entre les différentes couches socio-économiques et les différents groupes raciaux et ethniques qui développent entre eux des sentiments plus profonds d'amour et de fraternité.
C'est ainsi qu'en favorisant le rapprochement entre les hommes, en éveillant chez eux le sentiment d'appartenance à une même communauté, le jeûne musulman peut constituer un instrument politique de premier ordre. En effet, le sentiment d'appartenance à une même communauté développe une certaine solidarité entre les membres de cette communauté et par delà une motivation pour la participation à la construction d'un monde juste et fraternel.
Mais le jeûne peut être aussi facteur de mobilisation. Il prépare à l'endurance physique en prévision des périodes de grandes privations, que ce soit pendant les guerres, les grandes crises économiques ou encore la sécheresse ou autres calamités naturelles.
Le jeûne enfin développe le sens du devoir. En effet, la soumission à la volonté du Créateur par le jeûne développe chez le jeûneur une certaine conscience du devoir autrement plus forte que celle requise par les situations temporelles. C'est pourquoi, on ne peut douter de l'existence chez celui qui jeûne d'un sens du devoir face aux situations sociales ordinaires.
La rigueur et la discipline qu'impose le jeûne permet de combattre, les excès. En imposant des restrictions, en incitant à la modération, le jeûne peut être une arme contre le gaspillage sous toutes ses formes — gaspillage de ressources, gaspillage d'énergies etc... et représenter un facteur d’organisation, de progrès, de développement.
Voilà donc brièvement présenté le sens profond du jeûne. Contrairement aux idées reçues, il ne peut constituer un frein au développement.
Replacé dans son contexte originel et observé dans toute sa plénitude, le jeûne constitue une source d'équilibre permanent, un facteur d'épanouissement complet de l'individu, une force de progrès économique et social.
SALAMI Naïm-Deen
Psychologue Clinicien
(I N F R E)