Article
Essai : l'aide arabe à l'Afrique
- Title
- Essai : l'aide arabe à l'Afrique
- Type
- Article de presse
- Creator
- Salifou Rigobert Kongo
- Publisher
-
L'Observateur
- Date
- September 5, 1979
- DescriptionAI
- Cet essai analyse l'aide arabe à l'Afrique, un sujet devenu central après la rupture des relations diplomatiques africaines avec Israël et la crise pétrolière de 1973. Il détaille les manifestations de cette aide, tant bilatérales (accords, prêts) que multilatérales (création de fonds et banques de développement). Cependant, l'auteur souligne la déception africaine quant au volume et à la nature de cette aide, jugée insuffisante et trop axée sur le profit par rapport aux immenses revenus pétroliers arabes. Le texte conclut que, malgré la nouveauté de cette coopération, une volonté politique forte est essentielle pour transformer cette aide en une véritable solidarité économique.
- pages
- 1
- 4
- 5
- 6
- 7
- number of pages
- 5
- Language
- Français
- Contributor
-
Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0007298
- content
-
ESSAI
L'AIDE ARABE À L'AFRIQUE
À l'ordre du jour depuis la rupture quasi totale des pays africains avec l'État hébreu, la coopération arabo-africaine est aujourd'hui diversement controversée. Et par ces temps où l'économie encore fragile de nombre de nations sous-développées se ressent mortellement de la facture pétrolière, on en parle parfois en des termes qui trahissent à la fois l'amertume et la déception. Dans l'essai qu'on va lire, M. Salifou Rigobert KONGO nous en parle.
Un article dont on saisit tout de suite l'opportunité quand on sait que cette coopération sera chez nous d'actualité avec le voyage prochain (jeudi probablement) du Chef de l'État en LIBYE.
S'il n'avait donc pas été écrit, il eût fallu l'inventer.
(S.P.4.)
par S.R. KONGO
ESSAI
L'AIDE ARABE À L'AFRIQUE
Écrire sur l'aide arabe à l'Afrique est à la fois un thème aisé et compliqué et cela pour deux raisons essentielles :
Un thème facile car de prime abord il relève de l'actualité, autrement dit les événements qu'on rapporte au fil des jours.
En effet, depuis l'embargo pétrolier de 1973 et la crise qui s'en est suivie, il ne se passe pas un jour sans que l'on entende parler de déplacements de Chefs d'État ou d'échanges de missions diplomatiques entre l'Afrique noire et le monde arabe. Ce caractère d'actualité, comme nous le savons, ne se livre pas facilement à l'analyse. D'où ce qui nous paraît facile au départ se révèle malaisé à appréhender par la suite.
Néanmoins, nous tenterons de cerner le problème de l'aide arabe à l'Afrique avec ce double objectif :
1. Analyse des manifestations de l'aide.
2. Appréciation de cette aide.
Notre étude s'articulera donc sur ces deux points. Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient que nous nous arrêtions sur la notion même de l'aide. Jusqu'au tournant de 1973, l'aide à l'Afrique d'une manière générale a consisté en l'apport sous diverses formes (capitaux, matériels, assistance technique, etc.) de la part des pays industrialisés en faveur des pays africains pour contribuer à leurs efforts de développement. Nous ne ferons pas cas ici de la finalité de cette aide car ce débat nous entraînerait trop loin. Retenons seulement que parmi les pays qui apportaient et apportent toujours leur assistance à l'Afrique, il y avait en Europe occidentale : la FRANCE, l'ALLEMAGNE FÉDÉRALE, la GRANDE-BRETAGNE, pour ne citer que ceux-là. En Europe de l'Est, l'URSS ; en Asie : la CHINE POPULAIRE ; en Amérique : les USA et le CANADA.
En plus de cela, l'action israélienne en Afrique non-arabe est en général très appréciée ; d'abord qu'elle est bien organisée, ensuite parce qu'ISRAËL est un trop petit État pour être suspecté d'intentions impérialistes. Enfin, l'aide israélienne était appréciée en raison du succès de son propre développement sur une nature aride et de surcroît dans des conditions internationales difficiles.
L'aide à l'Afrique s'effectuait également par le canal des organisations internationales : institutions spécialisées des Nations Unies (UNICEF, PNUD, FAO, ONUDI, etc.) ou par l'intermédiaire d'organisations économiques à vocation régionale : la Communauté Économique Européenne (CEE).
L'aide arabe à l'Afrique, du point de vue de la forme, connaîtra ce double niveau (bilatéral et multilatéral).
Avant 1973, l'aide arabe à l'Afrique, surtout dans sa partie sub-saharienne, était presque insignifiante, les pays africains entretenant surtout des relations plus suivies dans cette partie du monde avec l'État hébreu dont l'aide était fortement appréciée : "ISRAËL, bien que bénéficiant de l'aide étrangère (assistance des USA en particulier et du monde occidental en général), participait aussi à l'aide internationale d'abord pour une raison politique : s'assurer des amis derrière le monde arabe, ensuite pour raison économique : trouver un marché pour son industrie ; disposant de techniciens de toutes capacités, son aide était efficace et orientée vers l'Afrique noire".
C'est ainsi qu'avant 1973, il a conclu des accords d'assistance avec 20 États d'Afrique noire, 2 États d'Asie (Philippines, Thaïlande) et 11 États d'Amérique latine. Mais les deux faits qui allaient modifier de manière significative la place d'ISRAËL en Afrique noire sont, d'une part, les séquelles de la "Guerre de Six Jours" de 1967. En effet, cette guerre s'était soldée par le succès fulgurant de l'État hébreu sur ses adversaires arabes. ISRAËL victorieux occupe d'immenses superficies de territoires syriens et égyptiens essentiellement. D'autre part, le ressaisissement des Arabes en 1973 lors de la guerre du "Youm Kippour" a permis à ceux-ci de remporter un succès relatif sur ISRAËL sans pour autant résoudre les causes profondes de la guerre, à savoir qu'ISRAËL continuait d'occuper les territoires acquis depuis 1967. Voilà les deux événements majeurs qui vont influencer les rapports entre les États africains et l'État d'ISRAËL. Voyons à présent leurs développements.
Comme nous l'avons déjà signalé plus haut, une partie du territoire égyptien est fortement annexée par ISRAËL, or l'ÉGYPTE est un État africain membre de l'OUA. Cette organisation, conformément à l'article 2, paragraphe "C" de sa charte, dispose que l'un des objectifs de l'organisation est justement de "défendre la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance des États membres". Il convenait donc que les autres États membres de l'OUA viennent en aide à un des leurs qui voit ainsi son territoire occupé par un État étranger, en l'occurrence ISRAËL.
Après les multiples résolutions de l'OUA invitant ISRAËL à se retirer des territoires occupés, cela en conformité avec la résolution 242 du Conseil de sécurité du 22 novembre 1967, aux résolutions 2799 (XXVI) de 1971 et 2949 (XXVII) de 1972 du même Conseil de sécurité, les États africains, devant l'obstination de l'État hébreu, finiront par, par mesure de représailles, rompre leurs relations diplomatiques avec ce dernier, surtout à partir du Sommet des Non-Alignés qui s'était tenu à ALGER en septembre 1973. Presque au même moment, les États arabes utilisaient l'arme du pétrole. En effet, le 17 octobre 1973, les pays membres de l'OPAEP (Organisation des Pays Arabes Exportateurs de Pétrole) annoncent une diminution mensuelle de 5 % de leur production de pétrole jusqu'au retrait d'ISRAËL des pays arabes. Ainsi s'annonçait une crise qui devait avoir une portée insoupçonnée dans les relations politico-économiques du monde.
La solidarité diplomatique qu'ont manifestée les pays africains vis-à-vis des Arabes allait être à l'origine d'une solidarité économique.
Disons que ces derniers temps, le problème du Moyen-Orient a connu une certaine évolution. En effet, une des conséquences des négociations de CAMP DAVID (USA-ÉGYPTE-ISRAËL) a été la signature du Traité de paix égypto-israélien. Au terme de ce traité, l'État hébreu est en train de céder à l'ÉGYPTE une partie des territoires égyptiens jusque-là occupés par lui. Par exemple : évacuation de 6000 km² dans le Sinaï le 25 juillet dernier. Cette stratégie, qualifiée de "Paix séparée" par la majorité des États arabes, suscite des réactions pour le moins hostiles, mais là n'est pas notre propos.
I) LES MANIFESTATIONS ET LES NIVEAUX DE L'AIDE ARABE
En 1972, la LIBYE signait un accord avec le MALI pour la commercialisation de la viande. L'année suivante (1973), un hôtel égyptien est ouvert à BAMAKO, mais surtout la LIBYE et le MALI ont signé le 23 novembre 1973 trois importants accords prévoyant la création d'une banque mixte lybio-malienne pour le commerce et le développement, d'une société d'exploitation de la viande, d'un centre culturel et d'une école arabe.
Après avoir manifesté leur solidarité avec les pays arabes en rompant en cascade leurs relations diplomatiques avec ISRAËL depuis le début de la guerre d'octobre (1973), les pays d'Afrique noire espèrent obtenir des compensations des États arabes. Ils attendent une aide massive et globale qui non seulement compenserait la hausse du prix du pétrole, mais leur permettrait de poursuivre leur développement au moment où ils craignent une diminution de l'aide des pays industrialisés. Cependant, bien avant cette date, les relations économiques entre l'Afrique noire et le monde arabe, si elles n'étaient pas importantes, n'étaient cependant pas pour autant absentes. Il suffit pour cela de se rappeler que de tous les temps, l'Afrique noire, à travers son histoire, a toujours eu des relations plus ou moins suivies avec le monde arabe. Dans l'Afrique souveraine, on peut citer à titre d'exemple les déplacements de souverains noirs, dont le plus mémorable a été celui de Mansa Moussa ou KANKAN MOUSSA (1312-1332) qui s'est rendu à la MECQUE en 1324 ; pour des motifs religieux certes, mais aussi pour des raisons économiques et pourquoi pas politiques. L'Afrique donc, au sud du Sahara et jusqu'au ZANZIBAR, entretenait depuis fort longtemps des relations de diverses natures avec le monde arabe.
Le grand initiateur de cette coopération bilatérale est le Colonel KHADAFI de LIBYE. Après son offensive diplomatique de 1972 qui a abouti à détacher d'ISRAËL, l'OUGANDA, le CONGO, le MALI, le NIGER, le TCHAD, une nouvelle ère de coopération voyait ainsi le jour ; à présent quelques exemples :
Pour la période qui nous intéresse, disons qu'il existait des relations de coopération financière, économique et technique entre États africains et États producteurs de pétrole du PROCHE-ORIENT sur une base bilatérale.
A) L'AIDE BILATÉRALE ARABE
Les promoteurs de cette coopération ont été d'un côté la MAURITANIE et de l'autre le KOWEIT, qui, le premier, a créé un fonds pour le développement économique arabe dont le total des prêts s'élevait à la fin des années 1972 à 350.000.000 de dollars (1 dollar US = 215 F CFA).
Parmi les pays qui ont déjà profité de ce fonds, on peut citer : l'ALGERIE pour le pipeline d'HAOUD EL HAMZA à ARZEW, le MAROC pour des projets agricoles, le SOUDAN pour le complexe agricole de GEZIRA et la TUNISIE pour la mise en valeur de la vallée de MEJERDA.
Elle accordait des subventions pour 1,1 milliard de F CFA au NIGER et à la HAUTE-VOLTA pour 150 millions.
Elle créait une banque commune en OUGANDA où des techniciens lybiens remplacèrent ceux d'ISRAËL et consentait un prêt de 23 milliards au TCHAD. Une banque tehado-lybienne est créée à N'DJAMENA.
12 millions de dollars ont été accordés par l'IRAK pour le financement des projets concernant la mise en valeur de la vallée de BHAR (SOUDAN).
La LIBYE a en outre signé des accords de coopération avec le TOGO, le RWANDA, la GAMBIE, MADAGASCAR. Au SÉNÉGAL : création d'une banque sénégalo-koweïtienne (50 % KOWEIT), l'État sénégalais (25 %), les hommes d'affaires sénégalais (25 %).
Ces exemples de coopérations bilatérales illustrent, si besoin était, le souci des Africains et des Arabes de promouvoir leurs échanges. Mais ils ne suffisent pas pour compenser le manque à gagner causé par la flambée des prix du pétrole et en même temps laisser assez de capitaux pour poursuivre les efforts d'investissement des pays africains. La situation s'est avérée grave, surtout pour les États qui ne disposent pas de ressources pétrolières ni d'exportations concurrentielles sur le marché international. La nécessité de s'organiser pour éviter aux économies des divers pays de sombrer sera à la base de l'effort multilatéral. La question est assez capitale pour mériter l'attention de l'OUA.
B) L'AIDE MULTILATÉRALE
Selon une classification de Julian ELLISON publiée dans Black Economic Research Center en février 1974, les États africains peuvent être regroupés en 4 classes distinctes sur la base de leur accès ou de leur détention de ressources pétrolières.
a) Les États nord-africains producteurs de pétrole constituent le premier groupe.
b) Deuxième groupe : États producteurs de pétrole sur le Golfe de GUINÉE.
c) Troisième groupe d'États, ceux possédant des raffineries de pétrole.
d) Le dernier groupe compte 17 États importateurs de pétrole et ne possédant pas de raffineries, à savoir : le Botswana, le Burundi, le Cameroun, le Tchad, le Bénin, la Gambie, le Malawi, le Mali, la Mauritanie, l'île Maurice, le Niger, le Lesotho, la Somalie, le Swaziland, l'Ouganda, la Haute-Volta et le Togo.
Parmi ces États, 8 n'ont pas accès à la mer. Il est évalué que, bien que leur consommation de pétrole s'élève seulement à quelques 10 millions de tonnes par an, la montée du pétrole leur a coûté en 1974 180 millions de dollars en plus sur leurs importations.
Il apparaît clairement que ces différents pays n'auront pas la même attitude face à la crise, ce qui a motivé la création au sein de l'OUA d'un Comité du pétrole. De même qu'au sein de la Ligue arabe, de l'OPEP et de l'OPAEP, d'organismes similaires afin d'arriver à concilier les intérêts divergents.
Le Comité du Pétrole de l'OUA a été mis sur pied lors d'une session extraordinaire du Conseil des ministres tenue à ADDIS-ABEBA en novembre 1973. On lui assigna les tâches suivantes :
1) Mesurer l'impact du boycottage arabe sur les économies des pays membres de l'OUA.
2) Chercher les voies d'approvisionnement de ces pays.
3) Examiner les moyens par lesquels les pays arabes pourraient venir en aide aux pays membres pour compenser les pertes dues à la crise du pétrole.
Le Comité était composé du Mali, de la Tanzanie, du Ghana, du Zaire, du Cameroun, du Botswana et du Soudan. C'est pour répondre à ces différents points que lors de la réunion d'ALGER du 19 au 21 novembre 1973, une série de mesures furent prises :
a) Création d'un Fonds arabe de contribution à des projets africains de développement.
b) Le secrétaire général de la Ligue arabe a annoncé qu'une BANQUE ARABE de Développement Industriel et Agricole sera constituée au capital de 125 millions de dollars.
c) Le FONDS ARABE d'Aide technique aux pays africains, créé à ALGER en novembre 1973 d'un montant de 15 millions de dollars, a vu son capital porté à 25 millions de dollars.
d) Un FONDS SPÉCIAL PÉTROLIER DE 200 millions de dollars (US) est également créé.
Cependant, force est de constater que ces différents palliatifs n'enthousiasment pas outre mesure les Africains qui voudraient voir l'aide substantiellement relevée eu égard aux sommes colossales amassées par les Arabes. En effet, on estime que les revenus excédentaires que les Arabes ont tirés de leurs exportations de pétrole atteignaient quelques 50 milliards de dollars environ en 1974, et selon le président de l'Union des Banques Arabes et Français (UBAF), ces recettes pourraient être globalement estimées à 600 milliards de dollars en 1985.
Mais en tenant compte du fait qu'une partie de ces revenus, environ le tiers, devra sans doute être réinvestie dans le développement économique avant l'épuisement de leurs ressources, les capitaux nets qui devront être placés à l'extérieur pourraient être évalués à 400 milliards de dollars.
C'est ce qui a poussé Louis Pascal NEGRE (ex-Ministre Malien des Finances) à faire l'observation suivante dans un article intitulé "Dimension de la Coopération arabo-africaine" dans le numéro 740 du 14 mars 1975 de l'hebdomadaire JEUNE AFRIQUE :
"Le montant des divers concours financiers en prêts directs et dons, à l'exception du FONDS SPÉCIAL, destinés à diminuer les effets de la hausse du prix du pétrole en faveur des pays africains non-arabes, est estimé à la fin de 1974 à une centaine de millions de dollars." Et Louis NEGRE de poursuivre : "C'est un montant sans doute modeste compte tenu des immenses capitaux dont disposent les États pétroliers du MOYEN-ORIENT."
II) L'APPRÉCIATION DE L'AIDE
Pour apprécier l'aide arabe, il nous aurait fallu des statistiques assez complètes pour mieux avoir des éléments de comparaison. Mais d'une façon générale, l'aide arabe reste largement encore du domaine des projets, elle ne suscite pas un enthousiasme particulier du côté des Africains. C'est ainsi par exemple que les critiques suivantes ont été adressées à la Banque Arabe de Développement Économique :
En dépit de cela, la critique faite à l'aide arabe tient à la fois à son volume qu'aux institutions, aux mécanismes qui sont chargés de la traduire dans les faits. Le mécontentement se retrouve tant au niveau de l'observateur moyen que des responsables politiques.
"La Banque Arabe pour le Développement Économique de l'Afrique ne constitue pas une solution aux problèmes économiques de l'Afrique noire, parce qu'elle est une banque commerciale et non une institution de crédit sans intérêt. Ses objectifs sont plutôt tournés vers le profit que vers l'aide. La véritable aide devrait consister à drainer les fonds arabes actuellement investis dans les pays occidentaux pour financer des projets à caractère économique en Afrique."
Rappelons que le capital de la Banque a été porté en novembre 1973 à 500 millions de dollars.
De son côté, le président BONGO du GABON s'exprimait ainsi dans le MONDE du 8 juillet 1974 :
Le 8 novembre 1974, le Président SIAD BARRE de SOMALIE, alors Président en exercice de l'OUA, constatait avec amertume que toutes les négociations visant une assistance financière arabe à la SOMALIE n'ont encore abouti à aucune réalisation effective.
Dans une interview publiée par le quotidien libanais "AL ANWAR", il se plaint qu'au lieu d'investir dans les entreprises somaliennes, les Arabes préfèrent déposer leur argent dans les banques du "diable", hostiles aux Arabes. En dépit des taux d'intérêts élevés que nous leur avons proposés, les pays arabes nous ont chaque fois orientés vers le "FONDS ARABE POUR LE DÉVELOPPEMENT" ou "FONDS ISLAMIQUE", organismes qui ne semblent disposés qu'à nous promettre d'étudier notre "demande", souligne le chef de l'État somalien. Il poursuit : "La SOMALIE bénéficie certes d'une assistance de l'ARABIE SAOUDITE, du KOWEIT et de la SYRIE, mais elle est minime."
"Le bilan de nos rapports avec les pays arabes est négatif, sauf avec l'ALGERIE ; avec ALGER, la coopération se développe de façon satisfaisante. J'ai effectué une visite officielle en ALGERIE. J'ai pu apprécier sur place le travail accompli."
Les Africains ont escompté gros dans leur soutien à la cause arabe. La crise mondiale pèse bien sûr sur nos économies, mais ceux qui en pâtiront le plus sont les pays africains et les pays sous-développés en général. Ces affirmations, si elles ne sont pas totalement erronées, ne sont pas de nature à amener les Africains au bord du désespoir.
Si l'on ajoute à ces inquiétudes justifiées certains propos de la presse occidentale, nous finissons ainsi de nous faire une idée de cette aide. En gros, la presse occidentale dit à peu près ceci :
Le soutien des Africains à la cause arabe procède de leur besoin de participer aux règlements des affaires du monde. Les réajustements des prix des matières qui se sont opérés depuis 1973 (ex. : les phosphates) montrent que le pétrole n'a été que le détonateur qui engagera un long processus de changement dans les relations économiques mondiales. À savoir notamment que les pays sous-développés exigeront de plus en plus des prix justes et rémunérateurs pour les matières premières dont ils sont les principaux détenteurs.
CONCLUSION
Pour notre part, nous pensons que le phénomène de l'aide arabe est encore trop récent pour être taxé d'efficace ou d'inefficace. Les pays africains attendent beaucoup des États arabes certes, mais comme le remarque Louis Pascal NEGRE, "ils ne pousseront pas la naïveté au point de croire qu'ils pourraient puiser dans ce trésor fabuleux comme dans une nouvelle caverne d'Ali Baba".
Ils savent aussi qu'ils ne peuvent compter sur les seuls pays arabes dont les ressources financières sont sans doute considérables mais qui ont également à surmonter comme eux les obstacles du sous-développement. D'autre part, il faut se dire que la résolution des problèmes de financement que pose le développement économique des pays africains ne se fera pas sous l'effet d'une quelconque baguette magique, bien qu'il soit juste qu'ils espèrent voir une partie des capitaux arabes prendre le chemin de l'Afrique.
Au moment où souffle ce vent de changement qui tend à remettre en cause les relations économiques internationales traditionnelles, les Arabes et les Africains peuvent être les initiateurs d'un nouveau type de coopération qui soit moins entaché d'impérialisme dans la mesure d'échanges internationaux. Il faudrait à cette aide arabo-africaine une volonté politique nettement exprimée, capable de lui fournir plus de vitalité. Si cette étape était franchie, si de part et d'autre on se débarrassait de certains clichés préjudiciables à nos rapports, on pourrait espérer voir se traduire dans les faits une réelle solidarité économique entre l'Afrique et le monde arabe.
Ouagadougou, le 31 août 1979
Salifou Rigobert KONGO