Article
13 mars 2016-13 mars 2017 : il y a un an, les terroristes attaquaient Grand-Bassam
- Title
- 13 mars 2016-13 mars 2017 : il y a un an, les terroristes attaquaient Grand-Bassam
- Type
- Article de presse
- Publisher
-
Le Patriote
- Date
- March 13, 2017
- pages
- 2
- 3
- number of pages
- 2
- Subject
- Attentat de Grand-Bassam de 2016
- Alassane Ouattara
- Abidjan
- Grand-Bassam
- Al-Qaïda au Maghreb Islamique
- Terrorisme
- Radicalisation
- Djihadisme
- Language
- Français
- Contributor
-
Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0007207
- content
-
13 MARS 2016 - 13 MARS 2017
Il y a un an, les terroristes attaquaient Grand-Bassam.
C'était un dimanche. Un dimanche ensoleillé comme l'aiment les Abidjanais et les Bassamois. Un dimanche où chacun vient se ressourcer à la plage, à l'ombre des cocotiers. À l'hôtel Etoile du Sud, rien ne présageait un bain de sang. Le personnel, comme d'habitude, s'affairait pour satisfaire la clientèle. La piscine de l'hôtel grouillait de monde. La plage jouxtant la cour de l'hôtel avait été prise d'assaut depuis le matin par les clients venus pour la plupart d'Abidjan. Puis, un bruit de rafale, ensuite deux. Au départ, certains ont cru à une mauvaise blague de pétards faite par des endimanchés éméchés. Mais les cris d'horreur et de détresse des premières victimes ramènent tout le monde à la triste réalité. « Grand-Bassam est attaquée par les terroristes », apprend-on. La nouvelle fait le tour de la Côte d'Ivoire et du monde entier. « Quoi ? C'est impossible. Ce n'est pas vrai. Il n'y a pas de terroristes en Côte d'Ivoire », entend-on dans les foyers et dans les églises où se trouvaient beaucoup d'Ivoiriens au moment de l'attaque. Pourtant, les premières images de l'attaque en boucle sur les grandes chaînes internationales confirment ce que tout le monde refuse d'admettre. Les terroristes, lourdement armés, ont assailli une plage de Grand-Bassam ainsi que trois établissements hôteliers qui se trouvaient à proximité.
19 personnes ont été tuées au cours de cette attaque. Une attaque revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), laissant une Côte d'Ivoire sous le choc et impuissante face à la menace terroriste. En dépit de la surprise et de la fulgurance de l'attaque, force est de reconnaître que le bilan aurait pu être plus lourd sans la promptitude avec laquelle les autorités ivoiriennes ont réagi. Quarante-cinq minutes après le début de l'attaque, les Forces spéciales ivoiriennes interviennent et tombent nez à nez sur trois djihadistes à la plage. L'affrontement est bref, les trois assaillants sont tués ainsi que trois membres des Forces spéciales. Le mode opératoire est proche de celui des attentats de Tunisie en juin 2015. Des grenades et des munitions ont été retrouvées par les forces de l'ordre. Selon un témoin, les assaillants étaient quatre et parcouraient la plage en tirant des coups de feu. Un autre témoin a affirmé qu'un des assaillants criait « Allahu Akbar » (« Dieu est grand » en arabe).
Un enfant victime de la barbarie des terroristes a été libéré par les Forces spéciales. (Photo d'archives)
La gestion de la crise par la suite est un modèle du genre. Avec l'aide des services de renseignement d'ici et d'ailleurs, plus d'une trentaine de personnes, y compris le cerveau de l'attaque, ont pu être arrêtées. Les victimes ont été dédommagées et assistées par le Gouvernement. L'industrie hôtelière de Grand-Bassam, durement touchée par l'attaque, a reçu de la part de l'État une aide qui se chiffre à plus de 300 millions de FCFA. Car, comme partout où il est passé, le terrorisme a laissé un énorme manque à gagner pour les opérateurs économiques dans le domaine du tourisme et de l'hôtellerie. Aujourd'hui encore, les stigmates de l'attaque sont visibles. Mais Grand-Bassam a réussi en grande partie à surmonter cette tragédie. Les inconditionnels et les touristes ont repris le chemin des plages. Les complexes hôteliers commencent à retrouver le sourire. La ville s'est remise de la barbarie. Au-delà des pleurs et des discours, les Ivoiriens ont compris que, face au terrorisme, il y a une seule chose à faire : ne jamais céder à la peur et au découragement. Il faut résister. Certes, la Côte d'Ivoire est aujourd'hui inscrite sur la carte des pays ayant subi une attaque terroriste. Mais depuis l'attaque de Grand-Bassam, des mesures supplémentaires de sécurité ont été prises dans toutes les représentations administratives, dans les hôtels et dans les grandes surfaces du pays. Les enquêtes se poursuivent. L'attentat de Grand-Bassam a amené les Ivoiriens et les autorités ivoiriennes à prendre davantage conscience de la menace terroriste. Aujourd'hui, les Ivoiriens sont unanimes sur une certitude : le combat contre le terrorisme doit être mené avec détermination et sans concession. La commémoration du premier anniversaire de l'attentat de Grand-Bassam, aujourd'hui, entre dans cette logique.
Le terrorisme, une réalité
Côte d'Ivoire, Mali, Burkina Faso, Nigéria... Presque aucun pays de la sous-région ouest-africaine n'a été épargné. La France, la Belgique, l'Allemagne, les États-Unis d'Amérique, la Somalie, le Niger, la Russie, la Turquie, l'Irak, etc. personne n'est à l'abri du phénomène. De 2010 à 2017, le terrorisme, puisqu'il s'agit de ce monstre, a fait parler de lui. Il a endeuillé des centaines de milliers de familles avec son lot de blessés, de dégâts matériels, mais surtout de traumatismes.
Qu'on soit victime directe ou indirecte, chacun a vécu sa part d'attaque terroriste. Le terrorisme est devenu aujourd'hui une problématique sécuritaire mondiale. Il est clair comme de l'eau de roche que le terrorisme est une réalité implacable sous nos tropiques. Pour y faire face, plusieurs sommets et rencontres de haut niveau se tiennent. Le 6 septembre 2016 en Slovaquie, il y a eu le sommet européen de Bratislava. La lutte contre le terrorisme et la défense de l'Union européenne étaient au cœur des débats. Le 16e sommet de la Francophonie, tenu en novembre 2016 à Madagascar à Antananarivo, s'est centré sur la lutte contre le terrorisme. En février 2017, s'est tenu un sommet extraordinaire sur la sécurité au Sahel à Bamako. Ce sommet a réuni les chefs d'État des pays membres du G5 : Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad et Mauritanie ; et avait pour thème : « La situation sécuritaire au Mali et son impact dans le Sahel ». Pour ne citer que ceux-là. Plusieurs organisations, dont la coalition internationale, regroupant une soixantaine de pays alliés autour de la France et des États-Unis d'Amérique, se sont données pour mission de mener une lutte sans merci contre les organisations terroristes. Face à la barbarie de ces hommes sans foi ni loi, il faut des réponses plurielles, conjuguées et harmonisées. Parce que le terrorisme frappe à toutes les portes. Il n'a ni préférence ethnique, politique, sociale ou religieuse. Par contre, il a un dénominateur commun : la terreur, la violence et la panique. Développer des systèmes de renseignement commun, de contrôle aussi bien à l'intérieur qu'aux frontières, et de sécurité conjointe paraît être l'option privilégiée pour faire barrage à ce monstre qui tue froidement.
13 MARS 2016 - 13 MARS 2017
Promptitude au niveau de l'intervention
Dimanche 13 mars 2016, la Côte d'Ivoire est secouée par une attaque terroriste à Grand-Bassam. Dès la survenue de l'événement, la République est montée au créneau. D'Assinie où il s'était retiré, Alassane Ouattara, président de la République, a pris en main le dossier. Il s'est rendu, dans les minutes qui ont suivi, au ministère de l'Intérieur où était logé le centre des opérations. Sur place à Grand-Bassam, la réaction des forces de l'ordre ne s'est pas non plus fait attendre. Les forces de sécurité ont réagi avec célérité pour mettre les terroristes hors d'état de nuire.
TROIS QUESTIONS À... EMILE EBROTTIE (PORTE-PAROLE DES VICTIMES) :
« Les autorités ivoiriennes ont bien géré la crise »
Pour la commémoration de l'an 1 de l'attentat de Grand-Bassam, nous avons rencontré le porte-parole des victimes, Emile Ebrottié. Dans cet entretien, il revient sur l'attaque qui a coûté la vie à son neveu.
Le Patriote : La Côte d'Ivoire commémore aujourd'hui l'an 1 de l'attentat de Grand-Bassam. En tant que porte-parole des victimes, que vous rappelle cette attaque ?
Emile Ebrottié : Avant de répondre à votre question, j'aimerais d'abord remercier les autorités de ce pays, avec à leur tête le chef de l'État, le président Alassane Ouattara, qui ont beaucoup apporté aux victimes et à leurs parents. Tout le long de cette tragédie, nous n'avons jamais été abandonnés. Le président de la République et son Gouvernement nous ont toujours apporté leur soutien. Ils nous ont toujours tenus au courant de l'évolution des enquêtes. Ils ont assisté les familles des victimes. Ils ont aidé les opérateurs économiques, les propriétaires des hôtels qui ont beaucoup perdu à l'issue de cet attentat. Pour répondre à votre question, il faut dire que la commémoration de l'attaque de Grand-Bassam me ramène au lâche assassinat de mon neveu, Ehui. Un jeune homme plein de vie, brillant, qui avait tout l'avenir devant lui. Malheureusement, il a croisé ce dimanche noir le chemin de tueurs sans foi ni loi qui, pourtant, se réclament de Dieu. Aujourd'hui encore, je reste peiné par cette mort qui est une grosse perte pour la famille. À l'occasion de l'an 1 de l'attaque, je m'associe à toutes les familles qui ont perdu un être cher lors de cet attentat pour demander au Tout-Puissant de se souvenir de nos chers regrettés dans son paradis.
EE : Je crois que l'État et le Gouvernement ont fait ce qu'il y avait à faire pour les victimes et les familles des victimes. Il s'agit pour nous de nous souvenir de nos morts mais surtout des valeurs qui ont été les leurs et qui les ont certainement conduits au sacrifice suprême dans l'exécution de leur mission. Faire un don à des institutions comme l'hôpital et la pouponnière en prélude à cette cérémonie d'hommages devrait nous ramener à notre serment qui est celui de protéger la vie et la quiétude de nos concitoyens en toutes circonstances, a expliqué Doumbia. À la question de savoir aujourd'hui quelle est la côte de popularité des Forces spéciales qui ont surpris plus d'un avec la récente revendication salariale, leur commandant a, tout en reconnaissant que cela a été difficilement accepté par les populations et par les plus hautes autorités du pays, tenu à souligner que la confiance demeure toujours. Mieux, ils feront tout pour gagner à nouveau l'estime de tous, sans exception. Car ils sont capables de reconquérir cette confiance placée en eux, au cas où les Forces spéciales l'auraient perdu.
Comment les Forces spéciales vont commémorer l'attentat ?
Les hommes du commandant Lassina Doumbia mèneront plusieurs actions ce lundi. D'Adiaké, un détachement des Forces spéciales a mis le cap sur la ville balnéaire pour neutraliser les djihadistes, limitant ainsi le massacre qui se préparait. Et cela, en moins de deux heures. Là où dans d'autres pays de la sous-région, comme le Mali et le Burkina Faso où le même drame a été vécu, il a fallu un ou deux jours avant que les ennemis de la vie ne soient neutralisés. Une réaction prompte qui a rassuré toute la communauté internationale. Dès lors, l'on pouvait assister à un élan de solidarité. Dans la soirée de l'événement, le président de la République s'est rendu en personne sur le terrain pour réconforter les populations, les victimes et leurs parents ainsi que les opérateurs. Le mercredi qui a suivi, un conseil des ministres a été délocalisé à Grand-Bassam. À l'occasion, le chef de l'État a annoncé une aide de 300 millions de FCFA à tous les opérateurs économiques de la ville. L'action gouvernementale a été accompagnée par un élan national de solidarité vis-à-vis des populations de Grand-Bassam. En effet, les jours qui ont suivi l'attentat terroriste, plusieurs milliers d'Ivoiriens, des anonymes, mais aussi des célébrités politiques, sportives, culturelles ont effectué le déplacement sur place pour déposer une gerbe de fleurs. Passée la frayeur des premiers jours, les Ivoiriens et les amis de la Côte d'Ivoire ont repris le chemin des plages de l'ancienne capitale ivoirienne. Chaque week-end, le nombre de personnes qui fréquentent la cité balnéaire s'accroît. Aujourd'hui, un an après, tout se passe comme si la ville n'avait pas été secouée ce dimanche 13 mars 2016.
TL : Je tiens à souligner que dans la gestion de cette crise, le président de la République et son Gouvernement ont été à la hauteur.
Forces spéciales. Ce schéma était prévu par l'état-major général des armées (Emga) avant ces mouvements d'humeur. Les Forces spéciales ne sont pas faites pour les stationnements prolongés. Elles agissent, stabilisent les zones, aident à l'installation des unités conventionnelles, se retirent pour poursuivre leur entraînement et garder leur position initiale en vue de tout autre déploiement ou intervention, a-t-il commenté.
LP : Pour la commémoration de l'an 1 de l'attentat, que voudriez-vous dire aux victimes et aux Ivoiriens ?
EE : Je veux leur dire tout simplement de ne jamais baisser les bras, encore moins céder à la peur. Car, justement, le but du terrorisme, c'est de nous amener à avoir peur et à nous retourner contre nous-mêmes. Il faut mener la bataille anti-terrorisme avec détermination et faire en sorte que la tragédie que nous avons vécue, il y a un an, ne se reproduise plus dans notre pays. J'aimerais, pour terminer, saluer nos forces de l'ordre, notamment les Forces spéciales dont trois éléments se sont sacrifiés dans cette attaque pour sauver des vies. Je tiens à les remercier pour avoir empêché que le bilan s'alourdisse davantage.
Recueillis par JCC