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Ier anniversaire de la journée nationale de pardon
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Burkina Faso
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- Title
- Ier anniversaire de la journée nationale de pardon
- Publisher
- Sidwaya
- Date
- March 30, 2002
- Abstract
- "L'illégalité est la source de l'impunité", dixit Mgr Anselme Titiama Sanon
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0000983
- content
-
"L'illégalité est la source de l'impunité", dixit Mgr Anselme Titiama Sanon
Le 30 mars 2002, le peuple burkinabè commémorera le premier anniversaire de la journée nationale de Pardon (JNP).
Initiée par les plus hautes autorités politiques du pays, la célébration de cette journée avait été officiée par Mgr Anselme Titiama Sanon, archevêque de Bobo-Dioulasso en présence de nombreuses autres autorités coutumières et religieuses ainsi que de parents des victimes de violences en politique. L'objectif étant de réconcilier les Burkinabè avec eux-mêmes.
Quel enseignement peut-on tirer de cette initiative et quel bilan peut-on dresser un an après ? Pour trouver des réponses à ces interrogations, Sidwaya s'est entretenu avec l'archevêque de Bobo-Dioulasso. Sans embages, il répond volontiers aux questions.
Sidwaya (S.) : Vous avez dirigé le 30 mars 2001, la journée nationale de Pardon. Quel bilan pouvez-vous tirer de cette journée, une année après ?
Monseigneur Anselme Titiama Sanon (A.T.S.) : Je vous remercie de m'avoir posé de haute voix une question que chacun se pose à voix basse ou même à travers des rumeurs et des prises de position qui disent qu'après un an, rien n'a été fait.
Disons que la journée nationale de Pardon est l'étape d'un processus. En effet, il faut partir surtout des années 1999 où pratiquement c'était la terreur. Ceux qui étaient censés être les auteurs de ceci ou de cela ou qui avaient le pouvoir étaient présentés comme "des tueurs du peuple". Tout le monde est victime ; et chacun pense qu'à tel ou tel moment, il a souffert de ce pays. C'est une chance que tous ceux qui ont dirigé le pays dans la magistrature suprême (au moins les quatre qui sont vivants) aient accepté être les coupables ; d'assumer les torts, les méfaits de cette nation sur les 40 ans de son existence.
Depuis près de 20 ans, les choses fonctionnaient dans ce pays sans normalité. On parle d'impunité. Moi, je pense que l'illégalité est la source de l'impunité. Et la loi est pour tout le monde quel que soit le camp où on se situe. Après les engagements, qu'est-ce qui s'est passé ?
Les comités qui ont été constitués se sont donné un peu de temps d'être d'abord dans la légalité. Une fois dans la légalité, il faut maintenant fonctionner dans la régularité.
Les victimes réelles ont été aidées avant la journée nationale de Pardon. Mais ce n'était pas dans la régularité. Mais si c'est un centime de l'argent de la nation qui sort, c'est inscrit quelque part et la partie recevante atteste. C'est ça qui est important.
Je crois qu'une démocratie ne peut pas fonctionner sur des rumeurs et des humeurs. Elle demande des analyses serrées de la part de ceux qui en sont les porteurs intellectuels et sociopolitiques. Je pense qu'on a gagné sur ce point. Quand on voit les préalables qui ont été établis en 1999 et ceux qui sont établis aujourd'hui, on voit qu'un grand chemin a été fait.
Le bilan pour moi est d'abord moral. Les grands, les acteurs de cette nation sont sortis de la peur et ils ont recommencé à se parler. La haine qui semblait être une spirale inévitable a été un peu désorientée.
Une autre confiance se dessine, et c'est ça l'avenir d'une nation. La confiance permet de désigner les choses par leur nom et de dire ce qui ne va pas. Je pense qu'aujourd'hui, tout citoyen de ce pays peut dire au gouvernement : voici ce qui ne va pas. C'est ça la vraie démocratie.
S. : Aviez-vous reçu Monseigneur, l'aval de l'Eglise catholique pour diriger cette importante cérémonie de demande de pardon ? Autrement, comment vous y êtes-vous pris ?
A.T.S. : Lorsqu'il s'est agi de célébrer cette journée nationale de Pardon, les évêques se sont retrouvés et toute analyse faite, ils étaient de sensibilités différentes. Parmi nous, certains ont été atteints profondément par tous ces événements.
On ne comprendrait pas que s'agissant de pardon, des évêques de l'Eglise catholique opposent un non. Les conditionalités du pardon, les échéances relèvent souvent du jeu politique et social. Et nous les évêques, nous ne sommes pas équipés pour cela. Les évêques ont eu à choisir leurs représentants à la journée nationale de Pardon composés d'un représentant de la province ecclésiastique de Bobo-Dioulasso en la personne de Mgr Anselme Titiama Sanon ; du vicaire général de Kaya, représentant la province ecclésiastique de Ouagadougou et du vicaire général de Koupéla pour la province ecclésiastique de Koupéla.
Quand l'église te délègue pour une mission, tu as un mandat et tu agis selon ta conscience quitte à rendre compte après. On est toujours plénipotentiaire quand on a un mandat à l'Eglise. Dans le groupe, on a pensé que la connaissance des dossiers des différentes situations permettait de me demander de diriger le travail de l'équipe. J'ai été mandaté par les évêques.
Je n'ai pas pris sur moi la décision d'aller à la journée nationale de Pardon. Depuis la fin de mon adolescence en 1955-1956, j'ai rompu avec une velléité de pouvoir politique. Sinon je ne serais pas devenu prêtre.
S. : Aurions-nous tort Monseigneur d'affirmer comme une certaine tendance aime à le dire "que la justice précède le pardon et la réconciliation ?"
A.T.S. : Dans l'ordre des idées, on peut faire la vérité, établir la justice et ensuite pardonner. Ça, c'est la logique des idées. Les acteurs en vie sociale, politique, morale et les responsables des coutumes et dans les religions savent que ce n'est pas comme cela concrètement. Ce qui est intellectuellement vrai comme pour des anges est tout l'inverse quand vous avez affaire à des humains. Dans notre message à la nation, nous avons parlé de vérité et pardon. Dans les recommandations, nous avons parlé de vérité, justice et réconciliation. Pendant que nous étions au Collège des sages, on a essayé de passer en revue tout ce qui pouvait être fait dans ce domaine.
L'homme dans son état actuel, ne peut pas pardonner. Ou bien il baisse l'échine par peur du pire ; ou bien il attend comme un faucon pour se venger à son tour.
Mais dire que c'est fini ; l'homme laissé à lui seul, ne peut pas le faire. Le pardon est divin.
Dans les situations de crise ou de conflits, il y a trois possibilités : la première est de rester dans l'attitude de la vengeance ce qui veut dire que vous ajoutez de la vengeance, à la vengeance. La deuxième possibilité qui paraît plus humaine est d'approcher le tribunal et de demander le jugement.
La troisième possibilité est l'aboutissement des deux premières est qu'on finira par s'asseoir pour se parler. La journée nationale de Pardon a été une chance que ce peuple a eue en voyant ses responsables parler ; ce qui fait notre honte.
Les acteurs politiques de leur côté sont d'accord pour qu'on puisse arriver à nettoyer la plaie d'où le début du processus de pardon.
S. : Si cette journée était à célébrer de nouveau, l'auriez-vous encore dirigée ?
A.T.S. : Oui et non. Non parce qu'après expérience, j'ai vu qu'il y avait un temps d'ambiguïté qui ne relève pas de la logique qui est la mienne au point de vue de la conduite des choses mais qui se comprend du point de vue des astuces et des stratégies politiques. A des grands moments comme cela, la peur en politique, en vie sociale n'a pas le droit d'agir sous couvert. Je le dis à la fois pour ma communauté, mais aussi du côté de tous les acteurs en politique que je respecte leurs options. Si on agit sans le respect de la vérité, c'est la mascarade. Je le dis dans la mesure où quand nous nous sommes trouvés au présidium, nous avons posé cela comme préalable.
C'est un risque que l'on prenait pour une cause qui en valait la peine. Souvent, ce dont nous souffrons ici, c'est de la vérité. Dès que je sens que la vérité n'est pas là, je ne me sens pas à l'aise et je sais que si on ne respecte pas la vérité, il y aura toujours le mépris de l'homme quelque part. C'est pour cela que je dis que si c'est dans ces conditions, je ne recommencerais pas.
D'un autre côté, je dis oui parce que ce n'est pas quelque chose pour laquelle on se propose. Sans se proposer ni désirer le faire, tout citoyen peut être sollicité pour contribuer à la vie de la nation.