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Processus de réconciliation au Togo : du rôle des confessions religieuses
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- Title
- Processus de réconciliation au Togo : du rôle des confessions religieuses
- Creator
- Blandine Tagba
- Publisher
- Togo-Presse
- Date
- September 14, 2007
- Abstract
- Le contexte politique au Togo, miné par plusieurs années de crise, est tel que tout le monde s'accorde à reconnaître que la réconciliation nationale est un impératif absolu pour retrouver la paix et la cohésion sociale. Dans le souci de permettre une meilleure adhésion de tous les acteurs sociaux à ce processus, et pour optimiser les résultats, le ministère délégué à la présidence de la République, chargé de la Réconciliation et des Institutions ad hoc, a convié toutes les confessions religieuses du Togo pour réfléchir sur les voies et moyens devant leur permettre de s'impliquer efficacement dans ce processus de réconciliation en cours. C'était au cours d'un séminaire tenu les 23 et 24 août 2007 à Lomé.
- Page(s)
- I
- number of pages
- 1
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0005780
- content
-
Le contexte politique au Togo, miné par plusieurs années de crise, est tel que tout le monde s'accorde à reconnaître que la réconciliation nationale est un impératif absolu pour retrouver la paix et la cohésion sociale.
Dans le souci de permettre une meilleure adhésion de tous les acteurs sociaux à ce processus, et pour optimiser les résultats, le ministère délégué à la présidence de la République, chargé de la Réconciliation et des Institutions ad hoc, a convié toutes les confessions religieuses du Togo pour réfléchir sur les voies et moyens devant leur permettre de s'impliquer efficacement dans ce processus de réconciliation en cours. C'était au cours d'un séminaire tenu les 23 et 24 août 2007 à Lomé.
De l'avis de beaucoup de personnes, à l'instar de Mme Rita Mensah-Amendah, porte-parole du Conseil Consultatif des Femmes du Togo (CCOFT), nombre d'atrocités et de violences ont été commises au Togo et les hommes de Dieu peuvent venir à bout des rancœurs et des haines.
Pour elle, le processus de réconciliation, s'il veut être réussi, doit passer par trois phases : celui de l'aveu où les acteurs de violences et les victimes doivent exprimer leurs actes ou ce qu'ils ont subi. La phase du repentir où ils doivent reconnaître le caractère délictueux ou indigne de leurs actes. Et enfin, le pardon ou l'amnistie qui consiste à récréer des liens, même si on ne peut pas les gommer, et changer le regard sur l'autre, donc mûrir. La réparation vient, selon Mme Amendah, parachever ce processus. Elle implique, toujours selon la conférencière, un dédommagement, une réhabilitation qui peut être une action individuelle ou d'un Etat. Elle a cité le prix Nobel de la paix de l'homme de Dieu, Desmond Tutu qui disait : « en l'absence de mesure de réparation et de réhabilitation, il ne peut y avoir ni guérison, ni réconciliation sur le plan individuel que sur le plan de la communauté nationale. De plus, il est essentiel que des réparations viennent contrebalancer des effets de l'amnistie ». Mme Amendah a, à cet effet, donné l'exemple passé de l'Afrique du Sud qui a su trouver les moyens de réussir une réconciliation après les affres de l'apartheid, du racisme et des massacres qui ont miné, durant des décennies, ce pays. Mais avant tout, a insisté, Mme Amendah, les confessions religieuses y ont un rôle à jouer et doivent donner elles-mêmes l’exemple à travers leurs paroles, leurs agissement et conduite. Elles doivent prôner l’impartialité et l'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique et de l’argent, le courage de dire la vérité et le respect mutuel ou encore prôner le dialogue des religions.
Les confessions religieuses, dans chaque société, constituent un canal par lequel sont inculquées les visions morales, les bonnes mœurs à leurs adeptes. Ce qui veut dire que les communautés religieuses ont le don d'éveiller les consciences, d’éclairer les hommes sur la notion de bien et de mal, de faute ou de péché. Elles expriment les idéaux d’amour, de vérité, de paix, de pardon, de justice, de tolérance, de liberté, de solidarité et d'union, bref toutes les valeurs morales sur lesquelles repose toute société. Que ce soient le christianisme, l'animisme, l'islam, le bouddhisme, l'hindouisme ou autre, toutes ces religions tendent vers un meme objectif : le respect des prescriptions de Dieu, un être unique, suprême, qui régit toute chose dans la vie, l’univers et les êtres qui y vivent. Un être suprême doué d'amour mais capable de colère, qui punit tous ceux qui sortent du droit chemin, qui pèchent comme le disent les chrétiens.
De ce point de vue, les confessions religieuses ont l’apanage de maintenir l’équilibre de la société en prévenant l’anarchie et les mauvaises actions. Elles constituent la conscience collective à travers la foi et sont des organes de médiation sociale par excellence qui ont le mérite de rassembler des hommes et des femmes de toutes catégories sociales, de toutes tendances politiques et de tous âges. Et, comme le disait le ministre de l’Administration territoriale, M. Séléagodji Ahoomey-Zunu à l'occasion de ce séminaire, « les confessions religieuses ont l'avantage, dans notre pays, d'évoluer dans une société profondément croyante, qu'elle soit d'obédience chrétienne, musulmane ou animiste ».
Par conséquent, les confessions religieuses sont bien placées pour mener à bien ou dirions-nous, pour aider le peuple togolais dans sa marche vers la réconciliation nationale.
Apolitiques, les confessions religieuses ont une capacité morale de régulation de la société
Les confessions religieuses sont devenues, depuis 1789, année de la révolution française et de l’affranchissement de l'Etat de la tutelle de l’Eglise, des instances apolitiques. Selon M. Yaovi Fabien Akakpo, Maître de conférences à l'Université de Lomé, en sortant de la tutelle de l’Eglise, la République a retiré à l'Eglise, la place privilégiée qu'elle s'est donnée, non seulement dans les affaires de culte, mais surtout dans la sphère politique.
Par conséquent, il existe une séparation entre l'espace social public, le lieu où s’expriment les passions relatives à la conquête du pouvoir, l'exercice de l’autorité publique, et les espaces sociaux privés où la foi s’affirme.
Cela veut également dire que, les confessions religieuses n’ont pas de positions ou d’ambitions partisanes à faire valoir et qu'elles ne doivent ni concurrencer ni prendre en otage les partis dans l’espace politique, a expliqué M. Akakpo Autrement dit, il n’est pas souhaité qu'un homme de Dieu, un pasteur, prêtre ou imam, au nom de son groupe religieux d'appartenance, se positionnent dans les combats politiques dans l’objectif de conquérir et de défendre le pouvoir. Parce que, a continué M. Akakpo, ces hommes de Dieu ne peuvent gouverner ou exercer le pouvoir de façon pure comme l’aurait voulu Dieu. La nature même de la politique les exclut de ce terrain.
L’orateur a continué en disant que même si les confessions religieuses n’ont pas le droit de faire de la politique à la manière des associations ou partis politiques, il n'en reste pas moins qu’elles ont un pouvoir politique considérable à faire valoir. Puisque leur pouvoir s'exerce dans la société civile, les groupes religieux ont le droit de se prononcer sur les affaires publiques. Certaines religions, par exemple, portent en elles des valeurs qui interpellent ou régulent les affaires politiques ou publiques. La doctrine chrétienne, par exemple, a la particularité d’exalter des principes généraux comme la liberté, l'égalité, le caractère sacré de la vie, la dignité de l’homme, principes nobles qui sont des repères cardinaux, fondements des pratiques et expériences démocratiques des pays occidentaux.
Ce qui révèle le double pouvoir des confessions religieuses. L'un étant leur capacité doctrinale, morale à user auprès du politique en vue de lui interdire de fouler au pied les valeurs humanisantes qu'il a l'habitude d'étouffer au nom des passions et intérêts politiques.
L'autre pouvoir politique des groupes religieux réside dans leur capacité à se mettre au-dessus de la mêlée politique et de se révéler capables de méditation sociale. Car, lorsqu'il y a une crise majeure que la loi et l'ensemble des appareils de l'Etat ont du mal à résoudre, seuls les représentants des confessions de foi réussissent le plus souvent à jouer le rôle de médiateur véritable.
C'est pourquoi, a continué M. Akakpo, les guerres tribales et autres crises politiques ont confirmé, depuis 1990, les évêques et autres dignitaires religieux, dans cette fonction de médiateur privilégié. Il s'agit donc, pour ceux-ci, afin d'être efficients dans leur rôle de médiation, de négocier leur crédibilité dans leur capacité à ne pas prendre partie.
Ainsi, l'impartialité, la neutralité sont les principes qui doivent guider les confessions religieuses dans un Etat, mais tout en jouant un rôle de gendarme dans des affaires de gestion de la cité et auprès des hommes politiques.
Comment les communautés religieuses doivent-elles s'impliquer dans le processus de réconciliation nationale Les confessions religieuses sont, par essence et par destination, des institutions qui prônent et recherchent la fraternité, l'amour, le pardon, la tolérance et la réconciliation. De ce fait, elles ne peuvent pas être maintenues à l’écart de cet effort des Togolais d'arriver à la réconciliation, car, elles sont au cœur même des sociétés.
Pour le ministre d'Etat, Edem Kodjo, « les communautés religieuses possèdent des atouts moraux et sociaux qui, s'ils sont mobilisés efficacement et déployés avec imagination, les dotent d'instruments incomparables pour agir de façon constructive en vue du bien commun ».
Autrement dit, les confessions religieuses ont l'obligation, désormais, d'aider à forger un type d'homme nouveau qui reconnaît comme frères et sœurs tous les fils et filles du Togo. Amener le Togolais à aimer, accepter, voire tolérer la présence de son prochain. Arriver à ce stade, à ce niveau de perception de l’autre comme soi-même, demande aux communautés religieuses d'être et de demeurer elles-mêmes irrésistiblement, des acteurs et des instruments de paix et de réconciliation. Elles doivent, de ce fait, continuer, comme d'habitude, à prôner la justice, la vérité, la droiture. Et comme le disait le ministre Ahoomey-Zunu, « continuer à prôner à temps et à contre-temps, toutes ces valeurs, mais avoir soin de connaître le milieu dans lequel elles les sèment ». Cela veut dire que le pasteur, le prêtre, l’imam ou autre, doit connaître son auditoire, sa culture et mieux encore, sa psychologie et adapter son langage à tous ces paramètres, de sorte qu’il pourra aisément véhiculer son message.
Ainsi, la ministre déléguée, chargée de la Réconciliation et des Institutions ad hoc. Mme Loretta Acouetey, a, à cette occasion, exhorté les prêtres, prêtresses, pasteurs, imams, à choisir, pour les prêches, des textes qui interpellent le pardon, la paix, la compréhension et la réconciliation. Elle les a enjoints d'être percutants, persuasifs et convaincants lorsqu'ils parlent du pardon, de la paix, de la compréhension et de la réconciliation, car, ces valeurs sont vectrices de la non violence et de l'acceptation de l’autre. « Ne laissez pas faire le travail des leaders d'opinions que vous êtes, par des esprits mal intentionnés qui affectionnent la distorsion et rejettent la cohésion. Bergers des troupeaux, vous devez paître vos brebis de paroles non incendiaires quel que soit votre bord politique. Car, nous ne devons pas perdre de vue que la coalition des confessions religieuses forme le parti politique le plus puissant au monde : le parti de Dieu », a-t-elle souligné.
Blandine TAGBA