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Mariages civils : pourquoi tant de résistance ?
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- Title
- Mariages civils : pourquoi tant de résistance ?
- Publisher
- Le Pays
- Date
- December 30, 2012
- Abstract
- Le mariage civil est la forme de mariage reconnu par la loi au Burkina. Cependant, les couples burkinabè qui sont légalement mariés ne représenteraient que 10% des couples constitués. Les mariages religieux et coutumiers, les concubinages s'attribuent les parts importantes de marché matrimonial. Des entretiens réalisés avec des personnes de différents milieux socioprofessionnels permettent de comprendre cet état de fait.
- Subject
- Code des personnes et de la famille
- Laïcité
- Ismaël Tiendrébéogo
- Association des Élèves et Étudiants Musulmans au Burkina
- Cercle d'Études, de Recherches et de Formation Islamiques
- Spatial Coverage
- Ouagadougou
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0000262
- content
-
Le mariage civil est la forme de mariage reconnu par la loi au Burkina. Cependant, les couples burkinabè qui sont légalement mariés ne représenteraient que 10% des couples constitués. Les mariages religieux et coutumiers, les concubinages s'attribuent les parts importantes de marché matrimonial. Des entretiens réalisés avec des personnes de différents milieux socioprofessionnels permettent de comprendre cet état de fait.
Le samedi 14 juillet, Mlle CS. et Monsieur D.A. se sont dit oui devant l'officier de l'état civil. Dans la salle de mariage de la mairie de Laye où ils ont scellé leur union, il y avait les deux conjoints, leurs deux témoins et un public constitué de trois personnes. En face d'eux, l'officier de l'état civil et un secrétaire. Le mariage a été célébré à la régulière. À Ouagadougou, le jeudi 5 juillet, c'est un autre couple qui s'était dit oui à la mairie de Baskuy, devant un public restreint d'amis et de parents. La « cérémonie » de mariage a duré un quart heure. A la sortie de la salle, quelqu'un a marqué son étonnement : « C'est simple comme ça non ? Si c'est comme ça, que je me marierai ». Dans les deux cas cités, les couples ont regagné leur domicile sans tambour battant. Ces exemples illustrent la simplicité protocolaire et financière du mariage dit civil. Et pourtant, dans la compréhension commune, le mariage à la mairie s'entend abondance, ripaille, voiture décorée, cortège nuptial et enfin une réception à deux, trois, quatre ou cinq étoiles. Ces conditions sociales sont des règles non écrites qui cependant pèsent de plus en plus sur la décision des futurs époux plus que les conditions édictées par le Code des Personnes et de la Famille (CPF).
Et voilà une raison pour certains qui s'estiment ne pas avoir les reins solides, de divorcer avec la loi. Certains (ils sont les plus nombreux) préfèrent s'en tenir au mariage coutumier et/ou religieux. B.O. et son épouse M.T. sont mariés depuis plus d'un an. Le mariage a été célébré un jeudi soir dans une mosquée de leur quartier Zogona en même temps que deux autres mariages. Le couple a un enfant aujourd'hui et ils « vivent heureux » selon le mari. Ce dernier n'envisage pas encore aller devant le maire car selon lui, « le mariage religieux était prioritaire ». Il fallait « se mettre en règle vis-à-vis de Dieu d'abord » et ensuite « on se conformera à l'Etat ». Mais cette régularisation tarde à venir. Pour le couple, ce n'est pas principalement un problème financier mais il s'interroge sur « l'opportunité » d'un mariage civil. Et le mari « ne voit pas d'obligation » à se marier à la mairie d'autant que le couple « n'a pas rencontré de problème lié au fait qu'il ne soit pas marié devant un officier de l'état civil ». Cette position est confortée par Ismaël Tiendrébéogo, imam de l'Association des élèves et étudiants musulmans au Burkina (AEEMB) et du Cercle d'étude, de recherche et de formation islamique (CERFI), qui affirme que « du point de vue religieux, il n'y a aucune contrainte à aller signer le mariage civil ». Il ne nie cependant pas que le mariage civil puisse avoir« certains avantages pour la femme » notamment quand celle-ci veut recourir à la Justice car dit-il, il Y a souvent des frères (musulmans) qui ne sont pas corrects. L'imam soutient que le simple fait de signer l'acte de mariage devant l'officier d'état civil ne garantit pas un foyer apaisé. Mariam Koné, membre de l'Association des Femmes Juristes pense pour sa part que la protection de la famille est plus une question de comportements et de mentalité.
Le mariage traditionnel protégeait la famille
Dans la société traditionnelle, le mariage engageait deux familles de sorte que les personnes qui sont intervenues pour le mariage constituaient « les garde fous », une sorte de loi qui protège la femme et la famille. Avec l'évolution de la société, la juriste Mariam Koné pense que les mariages sont devenus plus individuels d'où l'importance d'un code des personnes et de la famille. L'imam Ismaël Tiendrébéogo, auteur d'un livre de 320 pages intitulé « La sexualité du couple : conseils pratiques pour une vie conjugale plus épanouie », est persuadé que le mariage religieux, notamment musulman protège au moins tout autant la femme que le CPF. Il argue que « dans le mariage civil, c'est la crainte de la loi qui garantit la sécurité de la femme alors que dans le mariage religieux, c'est la crainte de Dieu qui en est le garant ». Et pourtant, le Directeur de la promotion et de la protection de la famille, Emile Zabsonré, est catégorique, « le mariage c'est celui qui est célébré devant un officier de l'Etat civil ». Au terme du CPF adopté en 1990, les unions célébrées à l'église, au temple, à la moquée ou dans un cadre traditionnel ne sont pas reconnus par l'Etat burkinabè. Elles sont appelées « des unions libres » selon le Directeur. Pour ce dernier, sa direction fait la promotion du mariage civil et celui-ci présente des avantages pour les époux dans un cadre légal. Dans sa carrière, il affirme avoir rencontré plusieurs cas de conflit de foyer mais à chaque fois, la première question qu'il fallait poser, c'est de savoir si le couple est marié légalement ou pas. Dans l'affirmatif, « c'est plus facile parce que la loi prévoit un règlement ». Par contre, si le couple n'est pas marié, « tout ce qu'on peut faire, c'est de tenter la conciliation, de négocier » car poursuit-il, le CPF dispose que « les concubins ne se doivent rien ».
Peut-on concilier le mariage civil et les autres formes de mariage ?
L'idée d'une reconnaissance des mariages religieux et même coutumiers par la loi fait son chemin. L'imam Ismaël Tiendrébéogo pose des réserves sur cette reconnaissance. Selon lui, les conditions que pose la religion ne sont pas toujours celles que prévoit le CPF. Il estime que si le mariage musulman devrait être reconnu par la loi, il pourrait avoir des conditions que le législateur poserait et qui ne seraient pas conformes à la religion. Il cite par exemple la participation aux charges de la famille qui, selon le CPF, est dévolue aux deux conjoints alors que selon le mariage musulman, les charges de la famille sont aux dépens de l'homme et une éventuelle participation de la femme est considérée comme une aumône. Il y a également des différences en ce qui concerne le partage de l'héritage. Selon le Directeur de la promotion et de la protection de la famille, il y a eu des plaidoyers qui ont abouti à des délivrances d'actes de mariage dans les mosquées et aussi à la publication des bans dans certains cas. Ce sont des avancées, note-t-iI, mais il pense qu'il y a des obstacles à la reconnaissance légale des mariages religieux et coutumiers eu égard au caractère laïc de l'Etat, à la diversité des croyances et des coutumes. Malgré la loi, les adeptes des mariages religieux ou coutumiers sont les plus nombreux. Plusieurs raisons justifient la réticence au mariage civil. Pour les uns, c'est une question de moyens financiers. Mais le directeur de la Promotion et de la protection de la famille pense que l'argument financier ne peut pas prospérer. Il dit avoir été témoin plusieurs fois de mariages de personnes nanties qui ont préféré se retirer dans une commune rurale proche de Ouagadougou pour célébrer leur union en toute modestie tandis que certaines personnes moins nanties prennent des prêts pour se marier.
D'autres raisons liées au choix dans le couple peuvent mettre en péril le mariage. Selon un témoignage, un mariage a été ajourné parce que les deux conjoints ont divergé à la dernière minute sur le choix de communauté ou de séparation des biens. Selon le conjoint, il s'était rendu dans une commune rurale avec sa future épouse pour prendre des renseignements sur le mariage. La conjointe était au préalable d'accord pour la séparation des biens et elle l'a réaffirmé devant l'agent municipal, une femme qui les a reçus. Mais pendant leur entretien avec l'agent municipal, la conjointe s'est rebiffée pour réclamer la communauté de biens. Le mari qui ne s'y attendait pas a opposé un refus et ils ont dû regagner leur domicile avec cette grosse divergence et le mariage remis à une date inconnue. L'époux se rendra plus tard compte que c'est l'agent municipal qui, profitant de son absence parce qu'il était sorti répondre à un coup de fil, a dit à sa conjointe de ne pas signer séparation de biens. Par ailleurs, le CPF n'est pas exempt de reproches. Le plus grand reproche qui est fait au CPF vient des hommes. Ceux-ci soutiennent que le code est trop féministe et « enlève à l'homme sa liberté » tout en octroyant « plus de droits à la femme ». C'est une lecture masculine du CPF, ripostent certains. Pour Mariam Koné, membre l'Association des femmes juristes, « le Code des Personnes et de la famille rétablit l'équité et la justice entre les deux sexes. Il n'est ni en faveur de la femme ni en faveur de l'homme mais il protège la famille ».