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Diffusion du film anti-islam : la liberté d'expression a-t-elle des limites ?
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- Title
- Diffusion du film anti-islam : la liberté d'expression a-t-elle des limites ?
- Creator
- Lassané Ouédraogo
- Publisher
- Le Pays
- Date
- October 18, 2012
- Abstract
- L'auteur du point de vue ci-dessous revient sur la récente diffusion du film anti-islam de Sam Bacile qui a provoqué colère et indignation à travers le monde. Il se demande si la liberté d'expression a des limites.
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0000148
- content
-
L'auteur du point de vue ci-dessous revient sur la récente diffusion du film anti-islam de Sam Bacile qui a provoqué colère et indignation à travers le monde. Il se demande si la liberté d'expression a des limites.
« L'innocence des musulmans » est ce film qui a suscité une vague de colère meurtrière dans le monde musulman ces derniers temps. Au regard de l'ampleur des réactions ayant causé des morts, la question qui me vient à l'esprit est celle de savoir si ce réalisateur américain a le droit, au nom de la liberté d'expression, de mépriser et d'indigner toute une communauté à travers un film totalement abject, infamant et insultant. Peut-on au nom de la liberté d'expression heurter la sensibilité et blasphémer ? Doit-on sacrifier sur l'autel de la liberté d'expression, le vivre ensemble des différentes communautés en société ? Doit-on au nom de la liberté d'expression se moquer du sacré et blasphémer contre le témoin central d'une religion ? La liberté d'expression doit-elle être un droit absolu et sans condition ? N'ayant pas de réponse, a priori, à ces questions, je me bornerai à commenter le contexte de la naissance de la liberté d'expression et laisser le soin à chaque lecteur de trouver sa réponse.
Un peu d'histoire
Il faut rappeler que, historiquement, les origines de la liberté d'expression sont à trouver dans la tradition laïque, républicaine et démocratique du monde occidental. En Europe, et en particulier en France, la liberté d'expression est associée à la révolution française. En effet, en 1789, le peuple français a été libéré de la tutelle de la monarchie absolue pour évoluer vers plus d'égalité dans les droits fondamentaux entre hommes et femmes. C'est dans cette logique que l'Assemblée nationale a voté la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen en 1789. Cette déclaration garantit la liberté de pensée et de croyance dans son article 11 : « Tout citoyen peut (...) parler, écrire, imprimer librement ».
Après la deuxième guerre mondiale, l'Organisation des nations unies (ONU) a pris le rôle de défenseur de la paix et de la liberté dans le monde ; elle considère que tout le monde a des droits inaliénables et égaux et que les barbaries commises par l'Homme sont la conséquence du mépris de ces droits. L'organisation qui a été fondée en 1948, a voté la même année la Déclaration universelle des droits de l'Homme, dans laquelle la liberté d'expression est assurée dans son article 19 : « Tout individu a droit a la liberté d'expression (...) sans considérations de frontières ». Nous voyons donc qu'a travers l'histoire, les droits fondamentaux, et en particulier la liberté d'expression, ont été confirmés comme des principes universels. Cependant, doit-t¬on considérer la liberté d'expression comme un droit absolu et sans limite aucune ?
Quelles limites quant à la liberté d'expression ?
La liberté d'expression est un droit fondamental, mais s'agit-il d'un droit absolu ? En fait, cette discussion remonte au débat dans l'Assemblée nationale sur la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, lors de la Révolution française de 1789. A l'époque, deux camps s'opposaient. D'un côté, celui qui voulait que la liberté d'expression soit limitée et définie par la loi, représenté par Sieyès. De l'autre, celui qui estimait que cette liberté devait être indéfinie et illimitée, représenté par Robespierre qui disait : (...) La liberté de tout dire n'a d'ennemis que ceux qui veulent se réserver la liberté de tout faire. Quand il est permis de tout dire, la vérité parle d'elle-même et son triomphe est assuré ." C'est pourtant le premier camp qui l'a emporté, celui qui voulait que la liberté d'expression soit limitée et définie par la loi. En effet, si l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen garantit la liberté de parler, d'écrire et d'imprimer librement, elle en définit aussi les limites.
"Sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi"
Il s'agit, ici, de l'idée que la liberté de chacun doit s'arrêter là où commence celle des autres. La liberté de tout dire et dans n'importe quelle situation pourrait restreindre la liberté d'autrui, en lui infligeant des dommages directs ou indirects. Ces dommages peuvent être de nature morale, ne favorisant pas le vivre ensemble en société. Ce principe a été respecté par la suite, notamment au 20e siècle et d'abord dans la Convention européenne des droits de l'Homme, qui précise que : "L'exercice de ces libertés (...) peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi(...)". Quant à l'ONU, la Déclaration universelle des droits de l'Homme n'en fait pas référence. Cependant, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 précise que : "L'exercice des libertés (...) peut (...) être soumis à certaines restrictions (...) expressément fixées par la loi ".
De l'analyse qui précède, l'idée est que la liberté d'expression est contrecarrée par certains devoirs et responsabilités par rapport aux autres. La liberté d'expression ne saurait être un droit absolu et sans condition, elle doit tenir compte de valeurs et de principes régissant la vie en société. La liberté doit élever l'Homme et non le rabaisser au rang de l'animal. En tout temps et en tout lieu, la responsabilité doit précéder la liberté. En effet, tout Homme jouissant de toutes ses facultés mentales et vivant en société, doit avoir la responsabilité de la liberté de ses actes et de ses paroles.
A vous de juger