Issue
An-Nasr Vendredi #223 (Spécial 8 mars 2008 : la femme musulmane doit se démarquer)
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- Title
- An-Nasr Vendredi #223 (Spécial 8 mars 2008 : la femme musulmane doit se démarquer)
- Creator
- Asma Lamrabet
- Publisher
- An-Nasr Vendredi
- Date
- March 7, 2008
- issue
- 223
- number of pages
- 4
- Subject
- Femme en islam
- Modernité
- Association des Élèves et Étudiants Musulmans au Burkina
- Civilisation occidentale
- Obscurantisme
- Spatial Coverage
- Ouagadougou
- Rights Holder
- Association des Élèves et Étudiants Musulmans au Burkina
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-issue-0000588
- content
-
Lorsque vient le secours d'Allah ainsi que la victoire, célèbre les louanges de ton Seigneur et implore son pardon. Nombre de faits démontrent que la société occidentale a perdu les repères fondamentaux de la morale, et même de l’éthique. La liberté sexuelle et ses conséquences désastreuses sur la santé humaine, les statistiques relatives au sida et aux autres maladies vénériennes témoignent de l’effroyable ascension des maladies sexuellement transmissibles. Le nombre de divorces a atteint des taux vertigineux, le cas des États-Unis est sidérant et a pour effet de créer un nombre inquiétant d’enfants déchirés psychologiquement ; situation qui fait sans doute le lit de problèmes structuraux tels que la délinquance, la drogue et autres maux de la société d’aujourd’hui. Le sens de la famille est une valeur en déperdition, voire qui a disparu, tel que dans les pays où les personnes âgées finissent leur vie dans des asiles. « 3e âge », leurs enfants et leurs familles étant trop occupés pour les prendre en charge. Parmi les répercussions négatives de la libération de la femme dans les pays occidentaux, on relève un phénomène révélateur du laxisme en vigueur dans le domaine moral, qui est, à côté du culte de l’argent et celui du pouvoir, le culte du corps. En effet, en même temps qu’elle déployait ses efforts pour accéder à une position sociale, digne et respectueuse, la femme occidentale, réagissant de façon violente contre tous les rigorismes, a voulu se libérer de tous les jougs, y compris ceux de la morale. C’est ainsi que, volontairement ou non, elle se trouve de nos jours dans des conditions on ne peut plus dénigrantes pour sa personne ; emprisonnée dans son propre jeu, elle est de plus en plus utilisée pour son corps et ses attraits physiques, et finit par devenir victime d’une liberté dont elle n’a pas su tracer les limites. Pour ne prendre qu’un exemple, le monde de la La publicité est devenue le grand chantier de cette nouvelle exploitation féminine. La plupart des annonces publicitaires ne cessent d’utiliser le corps de la femme pour vanter les bienfaits des produits : du tube de dentifrice jusqu’à la voiture dernier modèle, on se sert du corps de la femme nue ou à moitié nue, véhiculant des images insinuantes, osées et vulgaires. Ainsi, de l’image de la femme sacrifiée et soumise durant des siècles, la femme occidentale est passée à l’image de la femme-objet vendue comme un vulgaire produit d’entretien.
Des études récentes ont montré que de façon amplifiée, l’utilisation de la femme comme objet publicitaire, avec ses attraits physiques et sexuels, est à l’origine d’un accroissement de la violence exercée à l’encontre des femmes. En effet, la femme présentée comme un objet sexuel perd aux yeux de l’autre, c’est-à-dire l'homme, la considération et la dignité qui lui reviennent, ce qui aboutit à tous les excès de conduite commis contre elle. C’est ainsi qu’à force de matraquage publicitaire et médiatisation forcenée, le culte du corps, celui de la beauté et celui des performances sexuelles sont devenus les nouvelles valeurs sacrées de la fin du XXe siècle. De nos jours, la femme se sent valorisée que si elle répond aux nouveaux diktats des apparences, de la mode et de la jeunesse éternelle. Son poids, ses rides, et sa garde-robe sont ses seuls impératifs dans sa vie : ils constituent désormais sa raison d’être.
Ce phénomène explique l’incroyable floraison de techniques, méthodes et interventions, chirurgicales ou autres, qui promettent à ces dames, comme sous l’effet d’une baguette magique, d’accéder aux critères établis par la reine Mode. La femme se soumet, malgré les souffrances, les risques et les complications secondaires, à tous les procédés imaginables pour conserver ou acquérir les normes physiques requises.
Le stéréotype de la femme « sexy » établi par la culture actuelle comme étant l’idéal féminin unique incite les adolescentes à l’instar des adultes, à se jeter dans la ronde en se préoccupant essentiellement de leurs apparences, parfois aux dépens de leur santé (nombre de jeunes filles souffrent d’anorexie mentale). On leur inculque que l’unique façon de réussir et de triompher dans la vie est de savoir séduire, grâce à ses seules qualités physiques, son aspect extérieur, son « look ». Les qualités intrinsèques, humaines et intellectuelles passent au second plan ; comme si la femme n’avait pas besoin d’être intelligente ni savante...
Refuser la culture « prêt-à-porter ». Ce type de femme est-il un exemple à suivre pour la femme musulmane ? Il apparaît clairement que non, mais il n’est pas évident non plus de faire la part des choses quand on est englouti par la culture euro-américaine nuit et jour, quand la référence culturelle absolue n’a de cesse d’être transmise par les films, les feuilletons, les magazines, les livres qui délivrent le même message, celui du culte de la beauté et du corps véhiculés par les top modèles, les actrices et les stars de ce monde. L’effet. est encore plus perceptible chez la jeune musulmane qui, à quinze ans, n’a qu’une envie : celle d’être à l’image de la femme occidentale, laquelle, à travers les reflets médiatiques, apparaît comme détentrice de tous les trésors du monde. Comment peut-elle, à son âge, discerner le faux du vrai ? Comment peut-on l’aider à percevoir que tout cela n’est que tromperie et artifices ? Artifices de stars éphémères, qui ne représentent qu’un tas de chair, de courbes sensuelles, utilisées pour un moment, puis jetées quand elles ne sont plus rentables ? Comment peut-on convaincre la jeune fille musulmane que les femmes auxquelles elle rêve de ressembler ne sont que l’instrument d’un mythe, savamment élaboré, pour vendre des leurres et des illusions ? La femme musulmane, jeune ou adulte, doit ici faire un effort de discernement, un véritable effort intellectuel, qui seul lui permettra de se protéger des concepts dégradants, révoltants, qui font de la femme l’objet de tous les désirs mais aussi de toutes les injustices. Cet effort est urgent, même si nous sommes faibles actuellement par nos divergences, par notre sous-développement, par notre désespoir. Notre conscience de femme nous oblige à refuser l'asservissement à cette culture immorale et abusive, qui prétend faire de la femme un corps inerte, fait de courbes et de lignes, sans âme et sans cœur. Si Dieu a créé la femme ainsi, belle et attirante, cela ne doit pas être une source de faiblesse et de vices ; au contraire, ces atouts sont ses forces : sa beauté physique conjuguée à ses qualités intérieures doivent imposer considération et respect.
La femme est belle, car avant tout elle est dotée de vertus humaines qui font qu'elle est le centre vital de l’humanité. Elle est attirante par sa tendresse, son affection, son intelligence, son courage, et ses qualités de dévouement sans limites. Alors, oui, suivons l’exemple de la femme occidentale qui lutte pour ses droits, qui est au-devant de la scène politique, qui est savante, intellectuelle, médecin, chercheur. Politicienne, poète ou écrivain. Oui, elle est un exemple à suivre, urgent pour nos sociétés musulmanes, car c’est justement de ces femmes que peut venir le changement. Mais de grâce ! Refusons de suivre l’exemple de la femme occidentale inculte, complètement obsédée par son aspect intérieur, artificielle, et exhibant son corps pour séduire les foules. Refusons ce type de femme qui, au nom d’un libéralisme aveugle, s’emprisonne dans le diktat des apparences, de l’immoralité sexuelle, des performances physiques et de la consommation béate. On se doit de refuser ce modèle au nom de tous nos principes, religieux, culturels, moraux, et au nom de la dignité de l’être humain.
Néanmoins, comment notre culture, notre authenticité, notre réalité conflictuelle peuvent-elles faire le poids devant cette gigantesque machine du monde qui fabrique des stars, des rêves et des bonheurs à gogo ? Comment la femme musulmane d’aujourd’hui, désemparée et perdue, peut-elle se prémunir ? Comment peut-elle nourrir une réflexion quand sa... La culture d’origine n’a rien à donner en échange ? Le message culturel qui vient d’Occident et qui envahit nos mentalités est puissant et fort. À travers les multiples et innombrables moyens de communication d’aujourd’hui, on impose l’adoration unanime des valeurs de la société néolibérale. Un téléfilm relatant les amours et désamours de jeunes adolescents californiens fait des ravages à travers le monde, défiant cultures et frontières. De Ouagadougou à Alger en passant par Casablanca, l’accueil est le même : les jeunes paumés du monde entier s’identifient le temps d’un film à cette culture industrielle, uniforme, homogène, insipide et incolore. Ils se goinfrent, le temps d’une soirée, de paysages inoxydables, où défilent corps blonds, bronzés et musclés, violence sophistiquée, argent et pouvoir, le tout sur fond de vie américaine dorée. Dans les sociétés musulmanes, nous sommes devenus les spectateurs passifs et dociles d’un mode de vie occidental, qui nous impose sa pensée, sa consommation, sa... Désinformation, son actualité, ses joies et des désespoirs. Faisant abstraction de notre propre monde, nous virons en leurre celui des autres. Nous assimilons, avec une facilité déconcertante, tout ce qui nous est importé. Notre culture est noyée dans ce vaste continent qu’est aujourd’hui la culture de masse, encore appelée world culture. Nos valeurs culturelles sont réduites au strict minimum, reléguées au domaine de l’exotique, pour épater des touristes en quête d’originalité.
Mais où allons-nous ? Comment peut-on continuer à rester indifférent et apathique devant cet état de choses ? Nos valeurs, nos principes et notre mémoire culturelle sont les otages d’une théorie utopique qui n’a rien à voir avec notre réalité. Seule une prise de conscience collective peut nous éviter de dépérir. Sauver ce qui reste de notre culture à défaut de la sauvegarder. Défendre, prémunir notre identité culturelle est la seule chance que nous avons devant ce véritable naufrage culturel qui nous menace. Il ne s’agit pas ici de tomber. Dans le propos de type identitaire que l’on qualifie, au passage, de passéiste. Un pays aussi occidental que la France a décrété il y a quelques années, « l’exception culturelle », autrement dit, une manière d’ériger un rempart socioculturel pour protéger la culture française de l’invasion nord-américaine. La France, en toute connaissance de cause, a voulu préserver la survie de sa musique, de sa production cinématographique, en fait de culture. Personne n’a taxé cet engagement de la France de repli identitaire, encore moins de discours archaïque. Pourquoi s’agirait-il d’obscurantisme et d’intention rétrograde quand il est question de promouvoir les valeurs culturelles musulmanes ?
Le chemin spirituel est long, difficile à vivre parfois, « l’incertitude et le doute peuvent devenir de redoutables compagnons ». Mais la foi ne peut s’épanouir qu’accompagnée d’un immense effort sur soi-même, cet effort, sur le chemin de Dieu, qui n’est autre que l’effort intellectuel fait pour l’amour de Dieu. Un jihâd quotidien. Rythmé par le souvenir de Dieu, toujours, partout, quels que soient le lieu, l’espace ou le temps. La foi ne se résume pas à une certaine croyance que l’on range dans un tiroir et que l’on ressort quand tout va mal. La foi, cette conviction sublime que l’on a enfouie en nous et qui, comme une plante, a besoin d’eau et de lumière, nécessite savoir, connaissance, patience et endurance pour vivre, s’élever, se ramifier et s’épanouir chaque jour un peu plus.
Puis, une fois que l’on a fait cette rencontre, une fois que l’on s’est engagé sur le chemin, persévérer est une autre paire de manches ! Se retrouver au milieu de ce grand chaos qu’est le monde actuel est un défi que l’on doit relever chaque jour, à chaque instant... C’est finalement cet enrichissement qu’il faut aspirer, celui qui nous permettra de vivre en tant que musulmanes à part entière, actives, ambitieuses, motivées par nos valeurs, au sein de la modernité qui doit aussi être la nôtre. Une modernité que nous ne devons plus subir, mais que nous devons savoir appréhender. ponctue au rythme de notre spiritualité. Cette spiritualité qui dans nos cœurs de femmes, nous permettra d’atteindre cette harmonie tant recherchée : vivre sa foi dans la modernité. Extrait de : Musulmane tout simplement de Asma Lamrabet 18