Issue
An-Nasr Vendredi #354 (Ramadan : l'école de la vie)
- Hierarchies
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- Title
- An-Nasr Vendredi #354 (Ramadan : l'école de la vie)
- Publisher
- An-Nasr Vendredi
- Date
- August 13, 2010
- issue
- 354
- number of pages
- 4
- Subject
- Tariq Ramadan
- Association des Élèves et Étudiants Musulmans au Burkina
- Pauvreté
- Civilisation occidentale
- Rights Holder
- Association des Élèves et Étudiants Musulmans au Burkina
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-issue-0000482
- content
-
Lorsque vient le secours d'Allah ainsi que la victoire, célèbre les louanges de ton Seigneur et implore son pardon. Tu te souviens encore, à n’en point douter, de cette façon que tes parents avaient d’accueillir le mois du Ramadan. C’était un peu à l’image de tout ce qui concernait la religion d’ailleurs... tout était mêlé, les habitudes, la culture de Ramadan était un moment particulier, quelque chose changeait, on se privait de manger et de boire, pour Dieu sans l’ombre d’un doute, mais c’était surtout un moment formidable pour la famille. Tout n’était pas clair mais quelque chose de profond t’a été donné. Au-delà là-bas, les traditions des anciens et de la famille.
En Ramadan : L’école de la vie de tout, le mois de Ramadan est un mois que tu sentais, et tu vivais et tu recevais tout, naturellement, sans grand discernement : tu sentais la présence de Dieu, tu y croyais, tu pratiquais parfois, sans trop savoir. Exactement le sens de tout cela, le fondement des principes, le pourquoi ou le comment. Tes parents ont transmis sans grands discours, sans trop d’explications ni théories. Le que tu ressens encore. Aujourd’hui, autour de toi, quelque chose a changé. Hier, tu sentais pourtant, sans explication, qu’une dimension intime accompagnait le jeûne. Dans la simplicité, on essayait de changer, de reformer son comportement, d’être plus généreux, de se rapprocher de Dieu. Malgré les traditions ajoutées, malgré parfois les trop nombreux festins, malgré les excès, la foi se manifestait avec quelque intensité. Tes parents savaient te faire sentir la présence de Dieu. Voilà que l’on cherche désormais à faire de ce mois un simple moment de convivialité, où l’on festoie, mange du couscous la nuit, avec cette petite « touche » d'atmosphère exotique et orientale qui fait son originalité. Le Ramadan devrait devenir l'expression positive et enjouée de la présence des orientaux en Europe. Ainsi, ces derniers ajouteraient un divertissement à tous les autres divertissements connus sous nos latitudes... Le pouvoir colonisateur de la culture dominante aurait cette force d’intégrer le mois de jeûne et ses nuits non au creuset de l’effort spirituel de la privation (qui ne serait plus qu’un prétexte) mais plutôt dans la liberté offerte à ces nuits de veilles... Durant Ramadan, on se retrouve en famille et entre amis pour se laisser aller... vivre la nuit, sortir, discuter, autour des cafés, organiser des soirées embuées. Et tant mieux si les « non-musulmans » participent à la fête : le sommet de l’intégration, c’est aussi cette contribution d’orientalisés les Européens, même si, à la vérité, on a quelque peu européanisé « quelque chose » qui nous vient d’Orient. Un mois de Ramadan très « culturel »... une preuve, s’il en est, que la culture dominante ne fait pas de quartier. Tu peux sourire, mais il ne faut pas te tromper. Derrière ces manifestations amicales et « bon enfant », il reste l’idée que la contribution de ta présence. est surtout positive dans la fête... tu es accepté si tu sais m’amuser. La société de consommation propose une intégration « new look », une « intégration par le divertissement » : tu vaux par ta capacité à te distraire, à t’oublier... à faire oublier. Est-ce donc cela ? À l’heure où tu te prives de manger et de boire, à l’heure où ta quête est intérieure, à l’heure où tu te souviens de Dieu, du sens de ta vie, de la réalité de toutes les misères et de toutes les pauvretés... à cette heure donc, tu n’aurais rien d’autre à donner, à partager, que l’oubli de soi.
Le mois du Ramadan est une école de la vie où tu apprends exactement le contraire : ici, tu retrouves le sens de l’effort, renoues avec le questionnement des profondeurs de la conscience, tu es, enfin, au-delà de ce que tu as et tu cherches à illuminer ton cœur, près de Dieu, au service de l’humanité. Quelle responsabilité est la tienne ! Si tu savais ! Au cœur de cet Occident, tu es un témoin et un rappel. Pendant le mois du Ramadan, pendant la... Fête et tout au long de l’année, tu portes une lumière. Quand, autour de toi, tant et tant d’êtres cherchent à oublier pour supporter la vie, se noient dans le bruit, les lumières et la nuit, quand être se confond avec consommer, quand le mal-être se cache derrière l’agitation, quand la pauvreté s’est banalisée avec son lot « normal » de sacrifiés... alors ta présence doit exprimer le sens, la spiritualité, la solidarité. Offrir le silence, vivre la prière et la méditation, chercher la paix illuminée de la nuit et, profondément, la transparence du jour. Aux jours des servitudes, devenir le témoin de l’effort, ami de la vraie liberté.
Le mois de Ramadan est la quête d’un mois, à vivre toute l’année. Sur la route, tu rencontreras sûrement une femme ou un homme désireux de comprendre et de te questionner : heureux, si tu sais lui montrer que tu es son miroir, rappel de la foi, ami de la dignité.
La paix du cœur. Quel être humain pourrait, au cœur de son intimité, ne pas connaître la violence : parfois... L’agressivité, parfois la haine, parfois l’excitation d’un instinct destructeur, parfois la colère. La maîtrise de soi, la sérénité, le respect de l’autre, la douceur ne sont pas naturels, mais s’acquièrent au prix d’un effort personnel permanent. Tel est le lot des hommes : ils abordent les rivages de leur humanité par un long travail sur soi, pensé et mesuré. Chacun le sait, chaque cœur le sent. Toutes les littératures sont pleines, depuis l’aube des temps, de la traduction de cette tension qui tantôt s’apaise, tantôt s’agite, tantôt déchire l’intimité des hommes.
De la Bhagavad Gîta à la Torah et aux Évangiles, de Dostoïevski à Baudelaire, à l’horizon humain reste le même. Le Coran confirme la plus quotidienne des expériences : « Par l’âme et ce qui l’a équilibrée et lui a inspiré son libertinage ou sa piété. Sera certes heureux celui qui la purifie, il est certainement perdu celui qui la corrompt. » Les deux voies sont explicites et... s’appréhendent de façon à la fois plus vive et plus morale avec le souvenir de la vie de l’au-delà. La vie est cette épreuve de l’équilibre pour les hommes capables du meilleur comme du pire. La force spirituelle est signifiée par le choix du bien, de la bonne action pour soi et pour autrui : « C’est Lui (Dieu) qui a créé la mort et la vie pour vous éprouver et connaître celui d’entre vous qui agit le mieux. » Reformer l’espace de son intériorité, apaiser son cœur au chevet de la reconnaissance du Créateur et dans la densité d’une action humaine et généreuse, aimer dans la transparence et vivre dans la lumière, tel est le sens de la spiritualité islamique. Elle rejoint l’horizon de toutes les spiritualités qui exigent de l’homme de se doter d’une force d’être plutôt que de subir l’acharnement despotique d’une vie réduite aux seuls instincts. Cette tension vers la maîtrise de soi se traduit en arabe par le mot jihad. Dieu a voulu la tension et fait de sa gestion l’une des conditions d’accès à la foi. à l’humanité. Le prophète (saw) demanda un jour : « Qui est donc le plus fort parmi vous ? » Les compagnons répondirent : « Celui qui terrasse son ennemi. » Et le prophète (saw) de répondre : « Non ; le plus fort est celui qui maîtrise sa colère. » Tariq Ramadan in Entre l'Homme et son Cœur.
Toute l’équipe de An-nasr vous souhaite un bon Ramadan. Lisez et faites lire An-nasr vendredi. Email : annsrv@yahoo.fr