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Percée du phénomène de la mendicité à Cotonou
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- Title
- Percée du phénomène de la mendicité à Cotonou
- Creator
- Célestin Mara
- Publisher
- Ehuzu
- Date
- October 7, 1986
- Abstract
- La persistance des inégalités sociales, l’invalidité, la désintégration familiale et la misère révèlent aujourd'hui à Cotonou comme dans nombre de capitales africaines, un des phénomènes les plus curieux de l'humanité : la mendicité. Voici un tableau sommaire de la manifestation du fléau dans notre capitale économique.
- Page(s)
- 3
- Subject
- Action sociale
- Catholiques
- Gilbert Dagnon
- Mathieu Marcel Christian
- Mendicité et talibés
- Pauvreté
- Rights Holder
- La Nation
- Language
- Français
- Source
- Bibliothèque du Congrès
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0003181
- content
-
La persistance des inégalités sociales, l’invalidité, la désintégration familiale et la misère révèlent aujourd'hui à Cotonou comme dans nombre de capitales africaines, un des phénomènes les plus curieux de l'humanité : la mendicité.
Voici un tableau sommaire de la manifestation du fléau dans notre capitale économique.
« Faites-moi l'aumône au nom d’Allah ».
La personne qui prononçait ces mots à l’endroit des passants est une femme d’une trentaine d’années, d’origine sahélienne, au visage creusé par l’indigence, simplement vêtue de haillons ; elle est mère de deux jumeaux.
« Aumône au nom d’Allah », ces mots sont le refrain de plusieurs centaines de personnes, une mosaïque d’hommes, de vieilles femmes et d’enfants. Certains sont aveugles, d'autres estropiés ou paralytiques. Ceux-là inspirent pitié et générosité. Mais il y a aussi ceux qui sont plus en forme que vous et moi et qui ont choisi pour métier, la mendicité.
Vendredi, Jour sacré pour la communauté musulmane, jour de méditation et de recueillement, c'est aussi le jour de l’aumône.
Devant la grande mosquée de Jonquet, les mendiants, surtout les invalides, viennent s’installer et attendre la fin de la prière pour cueillir leur moisson, rassemblés comme les cousins du même lignage, le visage piteux. Un monde pauvre, austère qui ne rêve ni de maisons, ni de têtes de bétail, encore moins de terrain à bâtir, mais simplement d’une pièce d’argent ou d’une poignée de riz. Ils sont souvent plus d'une soixantaine, qui attendent là, passifs, le regard inquiet, sollicitant une âme généreuse pouvant s’apitoyer sur le malheur des autres.
Ailleurs, aux alentours des feux tricolores de la sécurité routière et, devant les grands magasins du marché Ganhi c’est tout un autre phénomène : des femmes et des enfants bien portants vous assaillent littéralement : tiraillement d'une fillette ici, supplication d’une femme là. Il vous faut parfois la force d'Hercule pour vous en sortir.
Les plus rusés de cette catégorie de mendiants n’hésitent pas à user d’astuce. Un gamin ou une fillette de 7 à 9 ans vous accostent, font semblant d’essuyer vos chaussures et tendent ensuite la main. Leur cible, les hommes et les femmes bien habillés.
Après de dures journées de marche pour cueillir une moisson d’autant plus rare que la crise et la baisse du pouvoir d’achat sévissent, le mendiant n’a point d'abri. La nuit n’est souvent pas l’après-apocalypse.
Plus de 100 mendiants croupissent les nuits à Zongo. Les intempéries n’ont pu les déplacer.
L’espace est ici aménagé avec des carions qui servent de lits, la toile cirée faisant fonction de couverture. Une tente donne à l’emplacement l’allure d’un camp de réfugiés.
L’odeur nauséabonde sert de panneau d’indication.
Le premier que vous trouvez esquisse un regard à la fois interrogateur et quémandeur. Rendez lui plutôt une pièce d’argent qu’un sourire.
DES CAUSES MULTIPLES
M. Mathieu Marcel Christian est un curé belge ; il a vécu 35 ans au Bénin.
Le Révérend qualifie ce fléau de « mal social » et de « plaie des villes ».
Aux yeux du curé la mendicité résulte non seulement de l’invalidité, mais également de la désintégration familiale ; Il faut y ajouter les hostilités tribales, les divorces précoces suivis de l'éclatement de la famine, la disparition brutale des parents.
Mais ces facteurs n'expliquent pas à eux seuls l’afflux des mendiants dans la ville de Cotonou. L’immigration est une des causes essentielles. Parmi les mendiants rencontrés, seulement 1 sur quatre est de Cotonou : C’est généralement une femme, mère de jumeaux, ou un gosse invalide possédant parfois un tricycle. Les autres sont des invalides immigrés (aveugles, paralytiques etc). Un paralytique parlant anglais a dit qu’il est venu de Kaduna, à la faveur de quelques gentils conducteurs de véhicules taxi.
Cependant il existe des immigrés valides, la plupart chassés par la sécheresse.
Certaines des causes sociales sont donc imputables à des facteurs naturels.
De nombreux mendiants viennent du Sahel, Zone frappée on le sait depuis dix ans par la sécheresse. Cette région ne peut produire suffisamment pour nourrir une population qui a doublé en 25 ans. La sécheresse mais aussi la progression spectaculaire du désert.
Avec plus de 300.000 habitants, un climat accueillant il est vrai, Cotonou est devenue la soupape de sûreté des villes et villages démunis du Bénin et d’ailleurs.
Heureusement, il existe déjà quelques structures de secours.
Il y a d’abord les structures religieuses. Selon le vicaire de la Paroisse St Michel, les 9 paroisses de Cotonou organisent des collectes collectives de 10.000 francs CFA par paroisse et par mois pour venir en aide à certains démunis et handicapés physiques.
Elles organisent périodiquement des quêtes à l'intention des mendiants.
Il y a au niveau des paroisses, des distributions individuelles d'argent et parfois de vivres aux malheureux.
A l’initiative du Révérend Gilbert Dagnon, Curé de la paroisse Notre Dame, une coopérative de plus d’une vingtaine de handicapés physiques a vu le jour à Cotonou.
Elle permet aux handicapés de réaliser de petits travaux à caractère artistique, dont les fruits leur reviennent.
Au niveau étatique par exemple, il y a depuis quelques années à Cotonou le centre de promotion sociale des aveugles et amblyopes (CPSAA) sis dans le District Urbain de Cotonou-II à Sègbèya. Toutes ces structures pour ne citer qu’elles seules, permettent non seulement de réduire le nombre de ceux qui auraient pu être des mendiants, mais elles ouvrent aussi la porte à l’intégration sociale de ceux-ci. Reste le cas préoccupant des mendiants valides.
Notre capitale économique peut-elle prétendre offrir le visage d’une ville moderne si sont tendues à longueur de journée des mains de mendicité ?