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Statut "inférieur" de la femme en islam : "Dépasser la vision moyenâgeuse", selon Penda M'Bow
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- Title
- Statut "inférieur" de la femme en islam : "Dépasser la vision moyenâgeuse", selon Penda M'Bow
- Publisher
- Sidwaya
- Date
- November 4, 1999
- Abstract
- «Femme et Islam» c'est le thème d'une conférence donnée le mardi 2 novembre 1999 au Centre culturel Georges Méliès. Organisée par l'Observatoire des conditions de vie des femmes au Burkina Faso «Observatoire qui vive», elle a été animée par Mme Penda M'Bow, professeur d'histoire à l'université Chek Anta Diop de Dakar, Sénégal. Penda M'Bow est spécialiste de l'histoire du Moyen âge et spécialiste de l'histoire de l'islam. Elle est arrivée au Burkina après un séjour à Aman où elle venait de prendre part à une conférence sur la Charia (loi islamique). Elle est aussi l'auteur de plusieurs publications.
- Spatial Coverage
- Ouagadougou
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0002823
- content
-
«Femme et Islam» c'est le thème d'une conférence donnée le mardi 2 novembre 1999 au Centre culturel Georges Méliès. Organisée par l'Observatoire des conditions de vie des femmes au Burkina Faso «Observatoire qui vive», elle a été animée par Mme Penda M'Bow, professeur d'histoire à l'université Chek Anta Diop de Dakar, Sénégal. Penda M'Bow est spécialiste de l'histoire du Moyen âge et spécialiste de l'histoire de l'islam. Elle est arrivée au Burkina après un séjour à Aman où elle venait de prendre part à une conférence sur la Charia (loi islamique). Elle est aussi l'auteur de plusieurs publications.
C'est un public clairsemé et surtout jeune qui a pris part à cette conférence, première d'une série organisée par l'Observatoire «Qui vive». A bout de patience, l'essentiel de l'auditoire avait peu à peu vidé la salle du petit Méliès. La cause, une annulation subite du vol Air Afrique par lequel la conférencière devait rejoindre Ouagadougou l'ayant empêchée d'être au rendez-vous à 18 heures 30 comme prévu.
Les plus tenaces des auditeurs ont donc usé leurs freins durant plus d'une heure d'attente. Patience plutôt récompensée, puisque l'éminente historienne atterrira tout droit au Méliès, juste à temps pour régaler l'assistance d'une intervention riche en connaissances sur la culture islamique sur l'islam en tant que religion et en tant que pratique influençant le statut de la femme. Il est important et intéressant de souligner que Mme Penda M'Bow a dû passer par plusieurs capitales de la sous-région avant d'atterrire à Ouagadougou. «Les aléas sont tels qu'on met plus de temps pour venir au Burkina du Sénégal que pour aller de Dakar à Washington en passant par Paris». «Cueillie» à l'aéroport elle a donc été conduite directement au Centre culturel français Georges Méliès pour livrer sa conférence. Sans travestir la réalité, cela n'a altéré en rien ni ses qualités d'oratrice très au fait de son sujet, ni la satisfaction des attentes de l'auditoire.
La conférencière a structuré son propos autour du statut «inférieur» de la femme (en insistant bien sur les guillemets), de l'interprétation féministe en islam et de la situation en Afrique noire.
Une vision péssimiste
Lorsqu'on évoque le statut inférieur de la femme en islam, a estimé Penda M'Bow, qui citait un auteur, cela renvoie à une vision péssimiste, soutenue par l'Occident. «Né dans un contexte de l'Arabie du 7e siècle, la vision que l'on a du statut de la femme porte les marques des structures sociales de l'époque et du lieu. Les femmes apparaissent comme des biens familiaux, instruments indispensables à la procréation -je dis bien - de fils nécessaires à la force des familles patri-lignagières. Ça on a la référence dans le Coran: sourate 4, verset n° 1 «, souligne-t-elle. Un ensemble de détails puisés çà et là par la conférencière vont ensuite camper le profil type de la femme en islam.
«Je signale, précise-t-elle en introduction, que l'islam est né dans une société patriarcale, indo-européenne où justement les rapports hommes-femmes étalent défavorables aux femmes. Et là je compare à la situation en Afrique noire à la même période et l'on verra qu'il y a une différence nette. Donc il y a une glorification de la virginité au moment du mariage. On prescrit le voile comme apanage des femmes respectables permettant de les distinguer des esclaves ou prostituées, les plaçant ainsi hors d'atteinte des paroles comme des regards masculins et étrangers. Et là je pense que c'est une vision tout à fait actuelle de la femme dans certains pays. Ce trésor imposé aux femmes s'accompagne de la recommandation aux croyantes d'une attitude de soumission aux hommes, encouragés quant à eux à l'exercice de leur virilité... Mariées ou non, les femmes sont soumises à la tutelle masculine -de leur père pour les filles, d'un mari pour les épouses - en vertue de la prééminence qui est reconnue. En justice la représentation des femmes est assurée par un homme qui est leur délégué... Les femmes sont certes admises à l'héritage mais à raison de la demi-part d'un homme. » Voilà autant d'éléments juxtaposés, qui montrent pour elle, que l'islam est vraiment défavorable à la femme, parce que l'islam relègue la femme à un statut inférieur. Bien d'autres considérations et facteurs réducteurs tirés de Hadis ou autres textes religieux ont été évoqués par l'historienne pour mieux situer une conception fort influencée par le contexte moyenâgeux qui a vu naître l'Islam.
Mais, môme si les textes défavorables aux femmes foisonnent, Penda M'Bow proclame, «j'estime qu'entre le 7e siècle et aujourd'hui les esprits ont beaucoup évolué. Il y a eu beaucoup de réflexions qui ont ôté menées, les femmes elles-mêmes s'impliquent». C'est là qu'intervient l'interprétation féministe.
L'interprétation féministe
«Il faut partir, pour l'interprétation féministe en islam du Coran lui-même qui a sa propre histoire reflétant les conditions de son émergence. Il y a aussi l'exégès, il y a les récits sur les prophètes qu'on utilisait comme des modèles normatifs, et il y a l'interprétation moderne», explique-t-elle.
Un détail à ne pas négliger quand on s'engage dans une entreprise aussi délicate, prévient Penda M'Bow, «la première forme dans l'interprétation féministe relève de la connaissance de l'élaboration du droit musulman et la deuxième forme c'est la connaissance historique».
«Dans le Coran, analyse Penda M'Bow, ce qui est intéressant dans l'interprétation féministe c'est qu'il y a deux types de Versets. Il y a les versets qui fondent les croyances profondes dans l'islam et les verserts sur les questions de société», explique la conférencière.
Et de citer les premiers versets selon lesquels Dieu, s'adressant aux hommes dit: «O vous les croyants, vous les croyantes, vous les musulmans, vous les musulmanes». «Ça veut dire, interprète-t-elle, que pour tout ce qui concerne les croyances profondes il n' y a pas d'opposition ni de divergence entre l'homme et la femme. La femme doit croire au même titre que l'homme, la femme doit respecter les mêmes prescriptions au même titre que l'homme. Si la femme dévie elle sera sanctionnée au même titre que l'homme et c'est ça qui constitue le fondement de l'islam. De ce point de vue on ne peut pas dire qu'il y a divergence entre les hommes et les femmes, même au sein du Coran». Où donc se situe le problème?
Penda M'Bow répond: il faut interpréter les questions de société en fonction des réalités et de révolution des sociétés. «Quand on dit que les hommes ont la prééminence sur les femmes, c'est vrai cela est dit dans le Coran, mais ce qui est important aussi, et qu'on met en sourdine c'est la suite de la phrase: prééminence sur la femme quand ils subviennent en totalité à tous les besoins de la femme». A partir du moment où il y a évolution dans ce principe, suggère Penda M'Bow, l'islam ouvre la perspective à la possibilité de réinterpréter et de comprendre autrement cette sourate.
Pour elle, l'islam a conscience de révolution des sociétés. Fondée sur la logique d'interprétation du Coran, la conférencière pense que l'islam est une religion fondammentalement monogame dans la mesure où l'on dit: vous pouvez prendre jusqu'à quatre femmes à condition de pouvoir les traiter de façon juste, égale et équitable. Confronté à la difficulté de se conformer à ce précepte, selon l'historienne, nos populations auraient tendance à biaiser la question.
Au bout d'un long et complexe raisonnement la conférencière recommande ce qu'elle a appelé le plus fondamental pour nous aujourd'hui, le raisonnement analogique et l'effort d'interprétation -le plus important - «qui doit nécessairement s'armer d'un esprit critique et ça, l'islam le permet et cela a toujours été utilisé en islam». La conférencière a proposé ainsi des pistes pour alléger le fardeau de la femme.
Nous ne pouvons pas nous étendre davantage sur les détails aussi riches que variés donnés par le professeur Penda M'Bow, sur les enseignements historiques, religieux et philosophiques contenus dans son propos. Mais estimons qu'elle a fait bonne impression sur l'assistance composée en partie d'étudiants aussi bien renseignés sur ces questions. C'est dire combien les interventions post-conférence étaient semblables à des joutes oratoires inutilement arrogants d'un côté et hautement pondérés et maîtrisés de la part de l'animatrice de l'exposé.
Les débats, il fallait s'y attendre sans doute, se sont cristallisés sur l'exigence d'une spécificité islamique revendiquée par les intervenants et sur des conceptions conservatrices des pratiques religieuses, alors que l'argumentation contenue dans l'exposé prônait un statut plus juste, plus humain pour la femme en islam, dans un contexte socio-économique en plein mutation. Ceci marquait sans conteste l'intérêt du débat ouvert, avec toutes les contradictions et les polémiques qu'il soulève ici et là.
C'est dire également l'importance de cette série de conférences publiques lancées par l'Observatoire «Qui vive» qui a saisi l'occasion pour inviter le public à toutes celles qui vont suivre et surtout à celle qui interviendra le mois prochain.
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