o:id 75971 url https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/75971 o:resource_template Newspaper article o:resource_class bibo:Article dcterms:title Interdiction de la mendicité : une solution complexe dcterms:creator https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/45930 Clément Tapsoba dcterms:subject https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/27 Mendicité https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/45930 Clément Tapsoba https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/76039 Solidarité https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/81 Pauvreté https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/76035 Famille https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/13908 Éducation https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/76042 Conflit dcterms:publisher https://islam.zmo.de/s/westafrica/item-set/2200 Carrefour africain dcterms:contributor https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/858 Frédérick Madore dcterms:date 1987-11-20 dcterms:type https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/67396 Article de presse dcterms:identifier iwac-article-0011658 dcterms:source https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/416 Institut de Recherche pour le Développement dcterms:language https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/8355 Français dcterms:rights In Copyright - Educational Use Permitted dcterms:spatial https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/376 Ouagadougou bibo:content INTERDICTION DE LA MENDICITE Une solution complexe La bataille contre la mendicité n'est pas encore gagnée. La sera t-elle ? Plus d'un an après l'interdiction de la mendicité et neuf mois après l'application effective de la mesure, les mendiants s'accrochent toujours à la rue. Aux carrefours de la capitale, aux alentours de la grande mosquée, c'est toujours au nom d'Allah et des coutumes ancestrales que mendiants et particuliers continuent d'échanger salamalecks et aumônes de toutes natures, tandis que des nuées de garibous agressent ostensiblement le passant en jouant de leur boîte pour attirer son attention. Les mesures prises pour réduire le fléau de la mendicité ont fait surgir d'autres problèmes qui mettent au grand jour la complexité du phénomène. M.S est une jeune femme aveugle. Une trentaine d'années. Mère de deux enfants en bas âge, l'un de 3 ans et demi, l'autre de deux ans. Il y a plusieurs mois, qu'elle a été répudiée de sa famille à cause de ses convictions religieuses jugées contraires celles des autres membres de la famille. Abandonnée par son mari sous les pressions du milieu, elle survit grâce aux bonnes volontés. Elle errait. Lorsqu'en février dernier, la radio nationale a rendu publique la création des cours de solidarité et les conditions d'y intégrer, M.S n'a pas hésité à parcourir près de 300 kilomètres, tirant et portant ses deux enfants pour se rendre dans la capitale. Dès la première permanence CDR, elle se fait conduire à la cour de solidarité du secteur 15 où elle est aussitôt accueillie. "Ici, dit-elle, je me sens revivre, j'ai retrouvé une famille. Mes enfants mangent à leur faim et sont soignés". Seule particularité de M.S au milieu des autres mendiants : elle refuse toute forme d'aumone... parce que sa religion l'interdit. Histoire pathétique et cependant authentique que celle de cette jeune mère. Des cas semblables, on en rencontre dans la plupart des cours de solidarité. Comme le cas de cet autre handicapé des deux jambes des suites d'un accident de la circulation. La mendicité est une honte. Une opinion que ne partagent beaucoup de mendiants, handicapés ou non Pour cette aveugle de 35 ans, mère de deux enfants, la cour de solidarité lui aura permis de retrouver une ambiance de famille "Je me sens revivre" dira-t-elle. --- Page 2 --- tion. Il abandonne son champ et trouve refuge dans la cour de solidarité après avoir mendié de porte en porte une dizaine d'années durant. La mendicité pour lui, c'est une honte. Une honte que ne partagent pas cependant grand nombre de mendiants valides et invalides. K.Z septuagénaire, enturbanné compte parmi les vestiges du milieu de la mendicité près de la Grande mosquée. Celà fait plus de 15 ans qu'il est adossé au même caïlcédrat dont les vergetures se confondent à ses rides. Il n'a jamais abandonné cette place. Ni pour chercher un travail, ni pour se consacrer à une autre activité. Il n'a abandonné la boîte de “garibou” après l'école coranique que pour s'adosser à ce caïlcédrat. Distribuant bénédictions sur bénédictions contre aumône. La mendicité pour lui, est un travail comme un autre. Elle lui permet de nourrir sa famille. Les cours de solidarité, K.Z ne veut même pas en entendre parler. “Je ne sais même pas où elles se trouvent. Et puis qu'irai-je faire là-dedans, nous demande t-il tout en égrenant son chapelet. “Pourquoi nous enfermer ? C'est aller contre les préceptes du coran. C'est notre religion qui recommande la mendicité soutient-il. Nous rendons service aux gens dans le désarroi”. Comme pour confirmer ces dires un homme se présente, un poulet blanc à la main, une poignée de colas rouges et une bande de coton. Il chuchotte à l'oreille de K.Z tout en lui tendant ses dons. Ensemble ils se passent les deux paumes ouvertes sur le visage et psalmodient des prières. Le vœu de cet homme sera-t-il exhaussé ainsi que l'exprime son visage rayonnant ? Chez nous la conviction est forte quel que soit le milieu social dont l'individu est issu, que tout mal est lié soit à un mauvais sort jeté par un ennemi, soit à un interdit que l'on a transgressé. Les mendiants, et particulièrement les marabous jouent ici un rôle d'intermédiaire pour conjurer le mauvais sort ou pour réaliser un vœu quelconque. La mendicité prend ici une dimension socio-religieuse. En réaction contre la mesure interdisant la mendicité sur toute l'étendue du territoire beaucoup de mendiants qui pensent comme K.Z ou parce qu'ils n'ont pas compris le sens donné aux cours de solidarité ont préféré faire la sourde oreille lorsque les assistantes sociales de la Direction de la réinsertion sociale les ont invité à rejoindre les quatre cours de solidarité à compter du 16 mars. Sur les quelque 400 mendiants recensés dans la ville de Ouagadougou, seulement une centaine a accepté dès les premiers jours faire le pas vers les cours de solidarité. A ce jour aucune des quatre cours de solidarité n'a réussi à atteindre sa capacité réelle d'accueil, estimée entre 60 et 80 mendiants. Une vingtaine et pas plus se retrouve chaque jour sous le hangar construit pour les accueillir durant la journée. Le soir ils sont tenus de rentrer chez eux... quand ils en ont. Mis à part quelques permanents qui ont fini par faire de la cours leur seconde demeure, beaucoup effectuent des séjours irréguliers entrecoupés par des errances en ville comme ils le faisaient jadis. D'autres ont simplement désertés les cours pour retourner dans la rue. Pour eux, la raison est fort simple : la cours n'est pas l'eldorado qu'ils croyaient trouver. C'est sans détours que certains d'entre eux, interrogés répondent.“Nous n'y gagnons pas assez comme lorsque nous étions dehors”. O.T, 53 ans, est formel sur ce point. Aveugle dès son jeune âge, cela fait 25 ans qu'il mendie, son violon à crin de cheval sous l'aiselle. Grâce à cette activité, dit-il, il a pu se construire une maison de trois pièces à Tampuy et nourrir une femme et un enfant. Avec la création des cours de solidarité son itinéraire qui consistait à quit- A ce jour, aucune des quatre cours de solidarité créées à Ouagadougou n'a atteint sa capacité d'accueil --- Page 3 --- ter son domicile pour les différents cabarets, se réduit désormais de la maison à la cour de de solidarité du secteur 3. A l'entendre, O.T est désabusé. “Je n'arrive plus à subvenir aux besoins de ma famille. Les gens ne viennent pas nous apporter le secours voulu et les responsables de la cour ne peuvent pas nous aider plus”. Du reste, O.T fait partie de ceux qui posent plus de revendications aux assistantes sociales détachées pour la gestion des cours. En plus du repas qui leur est servi quotidiennement, des soins médicaux qui leur sont prodigués à eux et aux membres de leur famille, voire la scolarité gratuite pour ceux dont les enfants en ont l'âge, les mendiants se sont mis à réclamer le payement de leur loyer et de l'aide financière. Faute de quoi... Chantage ! Non ; revendication légitime aux yeux des mendiants. Du côté de la Direction de la réinsertion sociale, on ne l'entend pas de cette oreille. S'engager dans une telle voie pourrait porter préjudice à l'objectif visé par les cours de solidarité qui est de permettre aux mendiants de gagner dignement leur vie en apprenant un métier. De fait, avec l'ouverture des cours, les mendiants ont été organisés pour apprendre le tressage des cordes, des lits-picot, la confection des sandalettes, de paniers, des protège-arbres... sous l'encadrement d'autres handicapés initiés du centre de Nongtaba. Les bénéfices tirés de la vente des produits leur sont remis ; ce qui leur procure des revenus substantiels pouvant s'élever parfois à 80 000 F CFA. En outre, ceux qui n'ont pas la capacité de mener une activité s'occupent de la gestion des fontaines, des latrines et lavoirs publics installés dans la cour à l'intention des populations environnantes. Dans certaines cours, les mendiants ont souhaité entretenir des clapiers ou des basses-cours. Ce qui comporte le double avantage d'améliorer la ration alimentaire des mendiants et de leur procurer quelques subsides. Les cours de solidarité ne ferment pas également leurs portes à ceux qui désirent faire des aumônes. Bien que rares, les dons parviennent quand même de la part des particuliers, de certains organismes non gouvernementaux et de la communauté musulmane entièrement partie prenante de la mesure d'interdiction de la mendicité. De l'avis d'une assistante sociale, “les aumônes sont rares parce que l'Africain est habitué à les faire discrètement et beaucoup sont par conséquent réticents à franchir nos portes”. Les aumônes faites aux mendiants de la cour ont cependant engendré des conflits empoisonnant ainsi le climat de la cour. Les divergences de la communauté musulmane Un mendiant qui reçoit un mouton par exemple refuse que le produit de la vente de l'animal soit partagé avec ses compagnons. Toute aumône à leur avis est toujours dirigée soit vers un aveugle ou une femme pour atteindre le but recherché. Partagée elle perdrait de sa valeur. La solidarité entre mendiants souhaitée dans de telles conditions par les assistantes sociales n'est pas en tout cas comprise. Au-delà de ces Pour beaucoup d'entre eux, la mendicité est un travail comme un autre 1007 --- Page 4 --- considérations ethno religieuses se cachent apparemment un égoïsme. En tout cas de telles situations créent parfois des étincelles dans les cours de solidarité. Désertions, revendications, raretés des aumônes etc.. ont fini par convaincre mendiants permanents et responsables de la réinsertion sociale que tous les maux proviennent des nombreux mendiants qui refusent d'intégrer les cours. A la politique du bâton pour faire appliquer la mesure, l'on avait préféré celle de la sensibilisation pour convaincre les réticents. Le résultat n'est guère probant. "Si tous les ministères s'étaient sentis concernés par la mesure, notamment le ministère de l'Administration territoriale, on n'en serait pas là aujourd'hui", estiment la plupart des assistantes interrogées. En somme un minimum de coercision pour appuyer la mesure ! Ce qui aurait fait mauvaise presse. La réticence de certains mendiants à rejoindre les cours de solidarité n'est pas cependant étrangère aux divergences qui minent la communauté musulmane. Certains mendiants rencontrés près de la mosquée voient dans la création des cours de solidarité une manoeuvre "satanique" de la part d'un autre groupe de sympathisants pour leur créer des histoires. En fait de groupes, les accusés ici sont les membres de l'assemblée générale de la communauté musulmane tenue à Bobo en début d'année pour se prononcer en faveur de la mesure d'interdiction de la mendicité. Alors les cours de solidarité, neuf mois après l'application de la mesure se présentent-elles comme un échec ou comme un démi échec ? Il est peut être trop tôt pour tirer une telle conclusion. A la Direction de la réinsertion sociale, l'optimisme est de rigueur. On ne désespère pas de rassembler encore plus de mendiants qui finiront par se convaincre des avantages d'être inscrits dans les cours de solidarité. Avec le lancement des cartes d'invalidité qui vise à réunir les frais de scolarité, de transport en commun, et des frais médicaux etc... En excluant les mendiants valides des cours de solidarité de même que les "garibous" pour seulement retenir les handicapés, on pourrait sûrement le risque dès le départ d'écarter les premiers des possibilités de bénéficier comme à l'accoutumée des aumônes, sources de revenus. Un mendiant rencontré à un coin de rue vaut autant qu'un autre dans une cour de solidarité. La réalisation des cours de solidarité n'a pas toujours été judicieuse. Les hangars créés pour abriter les mendiants restent exposés aux imtempéries ; ce qui pose des problèmes aux mendiants qui sont obligés de résider dans les cours faute de logement. S'ajoute à ces problèmes, le manque de moyens ou de personnel d'encadrement pour suivre l'état de santé des mendiants. Faut-il alors fermer les cours de solidarité ? Une telle éventualité, on s'en doute, créera d'autres problèmes à ceux qui s'identifient aisément aux cours. Pour ceux-ci, et beaucoup le croient, les cours de solidarité leur ont fait naître un sentiment de solidarité jusque-là méconnu. Mieux, les activités qu'ils mènent leur redonnent confiance et ils se sentent mieux intégrés dans la société. Leur situation ne saurait cependant occulter la situation d'ensemble de tous les cas sociaux que diverses circonstances ont créée un peu partout. Tel le cas de cette jeune fille orpheline dont le papa dagagé s'en est allé, la laissant la seule, sans logement, ni possibilité de poursuivre à 14 ans ses cours. Elle est allée grossir le nombre des prostituées occasionnelles qui sillonnent la ville. Il reste donc évident que la solution au problème de la mendicité doit prendre en compte tous les facteurs socio-religieux et les problèmes sociaux liés à la politique de la mendicité dans nos villes. Ce qui laisse supposer la résolution même des contradictions sociales qui minent une société arriérée comme la nôtre. Et là c'est une lutte de longue haleine. Ils sont nombreux les jeunes garçons qui repugnent à faire ces travaux. Ils préfèrent prendre la boîte de "garibou" Clément TAPSOBA bibo:numPages 4 bibo:shortDescription L'interdiction de la mendicité à Ouagadougou et la création de "cours de solidarité" pour la réinsertion des mendiants rencontrent des défis majeurs. Malgré les services offerts (hébergement, soins, formation professionnelle), de nombreux mendiants refusent d'intégrer ces centres, percevant la mendicité comme un travail ou un acte socio-religieux, et jugeant les revenus de la rue supérieurs. Le faible taux d'intégration et les divergences au sein de la communauté musulmane soulignent la complexité du phénomène, nécessitant une approche globale des problèmes sociaux sous-jacents. --