o:id 3291 url https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/3291 o:resource_template Newspaper article o:resource_class bibo:Article dcterms:title Un binôme efficace contre l'excision au Burkina Faso dcterms:creator https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/1086 dcterms:subject https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/872 https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/7 https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/729 dcterms:publisher https://islam.zmo.de/s/westafrica/item-set/2201 dcterms:contributor https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/858 dcterms:date 2013-12-04 dcterms:identifier iwac-article-0001061 dcterms:language https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/8355 dcterms:rights In Copyright - Educational Use Permitted dcterms:abstract L'excision, à l'instar d'autres pratiques traditionnelles jugées néfastes, a la peau dure. Mais depuis 2009, au Burkina Faso, cette mutilation génitale féminine est contrée par une lutte multidimensionnelle. Le programme conjoint UNFPA-UNICEF pour l'accélération de l'abandon des Mutilations Génitales Féminines /Excision, y a remporté des victoires. dcterms:spatial https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/336 https://islam.zmo.de/s/westafrica/item/376 bibo:content L'excision, à l'instar d'autres pratiques traditionnelles jugées néfastes, a la peau dure. Mais depuis 2009, au Burkina Faso, cette mutilation génitale féminine est contrée par une lutte multidimensionnelle. Le programme conjoint UNFPA-UNICEF pour l'accélération de l'abandon des Mutilations Génitales Féminines /Excision, y a remporté des victoires. Jusqu'au début de ses sept premières années, Lamoussa Kaboré, dans son village natal à Kabouda, dans la province du Ganzourgou, à environ 130 km à l'Est de Ouagadougou, jouissait de son intégrité physique et était épanouie, comme devrait l'être toute jeune fille de son âge. Mais un jour, elle va vivre ce qu'elle-même appelle, aujourd'hui, à 17 ans, l'atrocité de sa vie. Lorsque Lamoussa Kaboré raconte son histoire en ce mois de septembre 2013, elle est encore hésitante. Sur insistance de sa belle-mère, elle lâche quelques bribes de phrases : « c'était un matin, d'autres jeunes filles et moi avons été appelées par un groupe des vieilles femmes et conduites dans une cour voisine. A tour de rôle, une partie de notre appareil génital est passée au couteau. C'était douloureux, j'ai beaucoup pleuré ». Elle n'était pas au bout de ses peines. Selon son témoignage, quatre semaines après, les exciseuses et leurs complices, ont voulu la soumettre à une deuxième excision, estimant que l'ablation du clitoris n'était pas effective. Cette fois-ci, la petite Kaboré a dû prendre ses jambes au cou, pour échapper à ses bourreaux. Plus de neuf ans après, l'adolescente Lamoussa Kaboré accouche à domicile. Il est alors fait appel à des dames d'un certain âge pour laver la nouvelle maman. Pendant l'opération de nettoyage, celles-ci constatent que la jeune mère n'est pas complètement mutilée du clitoris. Elles décident de l'exciser de nouveau. Lamoussa Kaboré est sauvée de cette nième excision par sa belle-mère qui a appelé, discrètement, une animatrice du réseau des leaders coutumiers et religieux contre l'excision (RELECORE) dans le village, Mme Hélène Bonkoungou. Celle-ci, munie des outils de sensibilisation qu'elle a acquis dans le cadre du Programme conjoint UNFPA-UNICEF dénommé "Mutilations génitales féminines/Excision : accélérer le changement", parvient à persuader les bourreaux de Lamoussa d'abandonner. Ce programme, exécuté dans 15 pays, sur la période 2008 -2013, a débuté au « Pays des Hommes intègres » en 2009. Il vise à accompagner le gouvernement, les Organisations de la Société civile (réseaux de leaders religieux et politiques, ONGs et réseaux de jeunes) dont la synergie d'action pourra contribuer à l'accélération de l'abandon des MGF/E. Deux provinces, notamment, le Ganzourgou dans la région du Plateau central et le Sanmatenga, dans le Centre-Nord, ont bénéficié de cette phase qui s'achève. Le directeur provincial de l'Action sociale et de la Solidarité nationale (DPASSN) du Ganzourgou, Raymond ZONGO est formel : « C'est une chance pour la province d'accueillir le programme conjoint. En début d'intervention, dans la région, nous étions considérés comme la province qui battait le record, environ 66% de femmes excisées. Actuellement, nous avons constaté une régression de la pratique. En attendant une étude qui pourra situer sur le taux de la régression, nous constatons que les cas d'excision signalés ont sensiblement diminué. En 2011 par exemple nous avons enregistré 17 cas de filles excisées, en 2012, nous en avons eus 5, et en 2013, jusqu'à la mi-août, nous n'avons pas enregistré de cas ». Une approche novatrice Pour son opérationnalisation sous la houlette du Secrétariat permanent du Conseil national de lutte contre la pratique de l'excision (SP/CNLPE), le programme conjoint UNFPA-UNICEF se met en œuvre à travers cinq principaux axes. Il s'agit en premier lieu du plaidoyer pour une meilleure application de la loi et un engagement des leaders coutumiers et religieux pour l'abandon de cette pratique. Les deuxième et troisième axes portent, respectivement, sur le renforcement de capacités pour une intégration des questions des MGF/E dans les activités de santé de la reproduction et la collecte systématique d'informations et de données sur la pratique dans les localités ciblées par le programme. Le quatrième volet concerne le renforcement du partenariat avec les religieux, les leaders coutumiers et des organisations de la société civile travaillant pour l'abandon de la pratique. Le dernier point est relatif à l'organisation de campagnes médiatiques pour soutenir les actions en faveur de l'abandon des MGF/E. L'approche communautaire prônée par le programme, dans la lutte contre l'excision, est saluée par l'ensemble des acteurs. Pour le DPASSN du Sanmatenga, Lucien Yanogo, le programme conjoint UNFPA-UNICEF, en associant d'autres groupes sociaux à la lutte, a permis d'être très proche des populations. En effet, il a réussi à susciter un engagement à tous les niveaux : les responsables politiques, administratifs et judiciaires (gouverneurs, Hauts-Commissaires, maires, magistrats, policiers, gendarmes), les leaders religieux et coutumiers (musulmans, catholiques, protestants, chefs coutumiers), les associations, etc. Au plus haut sommet de l'Etat, le président du Faso, Blaise Compaoré, lui-même, lors de la Journée nationale de tolérance zéro contre la pratique de l'excision, célébrée à Kaya, en 2009, disait ceci : « j'invite les populations du Burkina Faso à opérer de véritables changements de mentalité et à se libérer des pesanteurs et des traditions avilissantes pour la femme ». Son épouse, Chantal Compaoré, en sa qualité de porte-voix de la coalition d'ONG comprenant le Comité Inter -Africain sur les pratiques traditionnelles néfastes ayant effet sur la santé des femmes et des enfants (CI-AF), No Peace Without Justice et la Palabre, pour un engagement international contre les MGF, est à l'avant-garde de la lutte au triple plans national, continental et mondial. Son leadership a permis d'aboutir, le 20 décembre 2012, à l'adoption d'une résolution de l'ONU portant « intensification de l'action mondiale visant à éliminer les mutilations génitales féminines ». Le ministre de l'Action sociale de la Solidarité nationale, Dr Alain Zoubga, dont le département assure la tutelle du SP /CNLPE, réaffirme son engagement contre les MGF/E et salue l' « important » soutien du programme au renforcement du rôle de coordination du SP/CNLPE, avec un apport en compétence et en ressources financières et matérielles. Le programme conjoint s'investit aussi à renforcer les connaissances et les capacités des agents de changement afin de rendre plus efficaces leurs efforts de sensibilisation et de mobilisation sociale pour l'abandon des MGF/E. Rasmané Balma, responsable du club des droits humains de Korsimoro (province du Sanmatenga), avoue avoir amélioré sa technique d'animation grâce au programme conjoint : « J'ai bénéficié de formation sur comment approcher des populations très ancrées dans les traditions et les religions pour leur parler de sujets aussi délicats que l'excision et la sexualité ». Le Secrétaire général du Réseau burkinabè des Organisations islamiques en Population et Développement (RBOIPD) de Korsimoro, Mahamadi Kargougou, lui aussi, a été formé. « Avec le programme conjoint, nous avons reçu des compétences qui nous ont permis de faire des prêches dans presque toutes les mosquées de la commune et des villages environnants, lors des baptêmes dans les domiciles, etc. », fait-il savoir. Il détaille que la sensibilisation est d'abord bâtie sur le Coran qui, à l'entendre, ne recommande pas l'excision, contrairement aux rumeurs véhiculées. Là où cet argument ne convainc pas, précise M. Kargougou, les conséquences néfastes de l'excision sur la santé sexuelle et reproductive de la femme sont brandies. Coutumiers et religieux dans la lutte Du côté de l'Eglise protestante, le programme conjoint UNFPA-UNICEF a par ailleurs su doper les énergies. Le pasteur Dieudonné W. Sawadogo, président des Eglises évangéliques de la région du Centre-Nord soutient que le programme leur a donné des formations, du matériel et des documents de sensibilisation. Il indique que 314 pasteurs des 314 villages de la région abritant des églises, ont reçu le message, surtout du fondement non biblique de la pratique. « Seule la circoncision est demandée dans la bible », martèle-t-il. Le pasteur Sawadogo assure que toutes les occasions de rencontre à l'Eglise, sont bonnes pour parler du caractère « barbare et criminel » des MGF /E : réunions pastorales, camps bibliques, réunions des femmes, cultes. Chez les catholiques, l'engagement pour l'accélération de l'abandon de la pratique est affiché avec la même détermination. Un catéchiste de la Paroisse de Zorgho (Ganzourgou), Boukary Johanny Ouédraogo se félicite d'être passé d'une connaissance empirique à une connaissance quasi-scientifique de l'excision, grâce à l'attelage UNFPA-UNICEF. C'est avec enthousiasme qu'il s'évertue à citer les risques sanitaires liés à la pratique, dont il est convaincu que beaucoup de gens ne savaient pas, avant la venue du programme conjoint. Les coutumiers de la zone du programme UNFPA-UNICEF, ont également changé de position. « Je suis contre l'excision à 100% », lance sans sourciller le Ouidi Naaba de Zorgho. Il poursuit que la plupart des chefs de Canton du Ganzourgou, sont engagés dans la promotion de l'abandon de la pratique. Autre localité, même niveau d'engagement des garants de la tradition. Le Watinoma Naaba, Premier ministre du Boussouma Naaba, se dit désormais bien imprégné des méfaits de l'excision : « Nous avons vu des cas de fistules obstétricales, des femmes incapables d'honorer leur mari au lit ; pendant longtemps, nous avons lié cela au mauvais sort, mais aujourd'hui, avec la sensibilisation, nous avons compris qu'il s'agit des séquelles de l'excision ». La rigueur de la loi Outre la sensibilisation, la lutte pour l'abandon des MGF au Burkina Faso intègre, depuis 17 ans déjà, une dynamique répressive, avec l'adoption de la loi N°043/96/ADP du 13 novembre 1996. Dans le Code pénal, les articles 380, 381 et 382 répriment la pratique et les peines encourues sont de 6 à 36 mois de prison (cette peine passe de 5 à 10 ans, s'il en résulte la mort) et des amendes variant entre 50 000 et 900 000 F CFA. Le programme conjoint intensifie le plaidoyer pour une meilleure application de ces dispositions. Le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance (TGI) de Kaya, Sidoine Mahamoudou Sanfo, a vu ses connaissances renforcées. Il témoigne : « Le programme UNFPA-UNICEF nous a permis de bénéficier de formations sur l'excision et de faire des sorties de sensibilisation dans les différents villages relevant de ma juridiction. Cela est très important, parce que les populations peuvent savoir que les MGF sont réprimées sans connaître tous les aspects de la répression ». Les populations sont également informées sur les mécanismes de dénonciation sous le couvert de l'anonymat. Par exemple, il révèle que la démarche de sa juridiction a suscité quatre dénonciations qui ont permis de juger autant de procédures. « Pour le premier cas, nous avons pu arrêter l'exciseuse et trois complices ; dans la deuxième affaire, une exciseuse et ses cinq complices, et le troisième dossier, l'exciseuse et sept complices. Pour le dernier cas par contre, plus récemment en 2013, l'exciseuse s'est volatilisée, mais nous avons pu arrêter cinq complices. Toutes ces personnes ont été jugées et déférées à la maison d'arrêt et de correction de Kaya ». Il précise que les peines infligées dans le cadre de ces affaires, varient de 24 mois à 6 mois fermes. Le procureur du Faso près le TGI de Kaya est de ceux-là qui sont convaincus que la rigueur de la loi est une option stratégique dans la promotion de l'abandon de la pratique de l'excision. A son avis, la population burkinabè est assez sensibilisée sur l'interdiction et les méfaits de l'excision et c'est la répression qui peut amener les contrevenants à reculer. Abzèta Kaboré, une sexagénaire à Zorgho, fait partie des exciseuses ayant subi l'application de la loi dans toute sa rigueur. Elle qui déclare avoir hérité de la pratique de sa mère, a été dénoncée, suite à une opération à sa deuxième année d'activité. Elle tente de s'évanouir dans la nature, mais l'interpellation de son mari l'oblige à se livrer. Dame Kaboré est déférée puis jugée et condamnée à purger une peine d'une année de prison ferme à la Maison d'arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Au bout de 6 mois, elle est libérée pour s'occuper de son mari malade, mais devait se présenter à la MACO tous les 24 jours. Le 18 septembre 2013, c'est une ex-exciseuse, visiblement repentie et marquée par la psychose des geôles que nous avons rencontrée dans le domicile conjugal. Elle soutient recevoir quelques « demandes d'excision » qu'elle s'empresse de décliner. « Je ne veux plus de problème », répète-t-elle sans cesse pendant l'entretien. Un service de réparation répandu Le programme conjoint UNFPA-UNICEF met l'accent sur l'accélération de l'abandon de la pratique de l'excision, par la sensibilisation et la répression, mais n'occulte pas celles qui ont déjà subi les MGF. Le volet réparation des séquelles enregistre aussi des avancées notables. « Nous avons bénéficié de la formation avec le Pr Michel Akotionga qui nous a montré des techniques de réparation. Le programme conjoint nous a aussi appuyé avec du matériel médico-technique ainsi que des kits pour la prise en charge des patientes », relève Dr Honoré Tinguéri, gynécologue obstétricien, chef de service de gynéco-obstétrique au Centre hospitalier régional de Kaya, à une centaine de kilomètres de la capitale. Il dit rencontrer surtout des séquelles qui empêchent les femmes d'avoir une activité sexuelle complète. Grâce au programme, entre 2012 et le 19 septembre 2013, jour de notre passage, Dr Tinguéri affirme avoir réparé 63 cas de complications et de séquelles de l'excision dont 16 cas pour l'année écoulée et 47 pour l'année en cours. Il confirme une adhésion grandissante à la réparation des complications et séquelles de l'excision, grâce au travail d'information et de sensibilisation des acteurs de terrain. Koumbo Djamila Ouédraogo, 19 ans, vit aujourd'hui avec la joie de la maternité dans son foyer, grâce aux merveilles de la réparation des complications et séquelles de l'excision. Son enfant d'un mois quatre jours en main, c'est difficilement qu'elle parle de ses péripéties sexuelles. Son mari, Sambo Harouna Ouédraogo, 45 ans, dont elle est la troisième épouse, lui, est plus bavard. Il relate avoir marié Djamila en 2012 et ne pouvait pas consommer le mariage, l'orifice vaginal de sa dulcinée étant rétréci. Sambo, en époux patient, choisit d'aller chez un infirmier à Zamsé. C'est ainsi qu'il lui est révélé qu'il s'agit des séquelles de l'excision. Sur recommandation de l'agent de santé, il s'est rendu avec sa femme au CMA de Zorgho pour la réparation. « Actuellement, tout va bien au lit », affirme Sambo Harouna Ouédraogo, tout sourire. La preuve est la naissance de l'enfant de Djamila. Des exemples du genre sont légion. En effet, le programme conjoint UNFPA-UNICEF a aidé à former de nombreux spécialistes de santé à la réparation. Le Pr Michel Akotionga soutient que, depuis 2009, la formation des agents de santé est telle que, dans tous les Centres médicaux avec antenne chirurgicale (CMA) et Centres hospitaliers régionaux, il y a au moins un agent à même de réparer les séquelles de l'excision. Pour le « monsieur réparation des séquelles de l'excision » au Burkina Faso, c'est un grand acquis du programme conjoint, dans la mesure où, autrefois, toutes les malades convergeaient vers la clinique Suka à Ouagadougou. Cela, note-t-il, engageait des frais supplémentaires de transport, de logement, alourdissant le coût total de l'opération pour les malades. Vers une génération sans excision A tous les volets du programme, des acquis non négligeables ont été engrangés (voir encadré 1). Mais cela ne signifie guère que l'excision est vaincue. Tous les acteurs sont conscients que la pratique continue de façon souterraine. C'est dire qu'il reste des gens à convaincre. Dans les deux provinces qui abritent le programme conjoint UNFPA-UNICEF, les activités se sont limitées à la moitié des villages : 200 villages touchés sur un total de 408 villages dans le Sanmatenga, 140 villages concernés sur un total de 253 villages dans le Ganzourgou. Or, explique le DPASSN du Sanmatenga, Lucien Yanogo, même si les médias permettent de toucher un plus grand nombre, les actions de sensibilisation de proximité sont plus efficaces pour convaincre les populations d'abandonner une pratique aussi enfouie que l'excision. Son collègue du Ganzourgou, pour sa part, propose de trouver des moyens de veiller sur chaque petite fille qui naît dans une localité, à travers un suivi régulier pour vérifier l'intégralité du clitoris. Le caractère transfrontalier du phénomène, c'est-à-dire, le fait que des familles vont exciser leurs enfants dans des pays voisins où la pratique n'est pas encore interdite, est aussi un défi qui se pose à la lutte nationale. La Représentante adjointe de l'UNICEF au Burkina Faso, Sylvana Nzirorera, attire l'attention sur ce défi : « Les efforts au Burkina Faso pourraient être plus bénéfiques si les pays frontaliers faisaient les mêmes efforts vis-à-vis de ce phénomène ». Au plan de l'application de la loi anti-MGF, des insuffisances subsistent. La plupart du temps, les exciseuses sont du troisième âge. Leur condamnation ferme pour un long séjour en prison, fragilise, dans bien de cas, leur santé, contraignant la justice à les libérer au conditionnel. Ce qui est parfois perçu, à l'image de la condamnation avec sursis, comme un quitus à l'excision. En outre, d'aucuns estiment que la base de la complicité, telle que prévue dans l'article 65 du Code pénal burkinabè, doit être élargie. La prise en charge des complications des séquelles des MGF également mérite d'être poursuivie, à entendre Dr Honoré Tinguéri. « Le programme tire à sa fin, mais il ne faut pas s'arrêter en si bon chemin, sinon ce sera au détriment des agents de santé, mais surtout de la population », plaide-t-il. L'un des enjeux futurs dans l'accélération de l'abandon de l'excision est l'équation de la collecte des données statistiques. Il s'agit d'améliorer la collecte, l'analyse et la diffusion de données sur une pratique clandestine. Autant de défis pendant que le programme conjoint UNFPA-UNICEF touche à sa fin. D'où ce cri de cœur du Commandant de brigade adjoint de la brigade territoriale de Zorgho, Ousmane Zoanga : « J'ai peur que si le programme s'arrête, les gens ne reprennent ». Le DPASSN du Sanmatenga, Lucien Yanogo, éprouve les mêmes appréhensions : « si nous arrêtons les activités actuellement, certains pourront penser que la lutte est finie et reprendre du service ». Des inquiétudes que les deux partenaires du programme finissant jugent « légitimes », eux qui, parallèlement à l'enveloppe commune, ont misé, chacun, plus de 500 millions de F CFA en faveur de l'abandon des MGF/E. Mme Sylvana Nzirorera de l'UNICEF se veut rassurante : « Le programme tire à sa fin mais ceci ne change pas le mandat de l'UNICEF à l'égard de la protection des droits de la fille et de la femme ». Même son de cloche à l'UNFPA ; pour son Représentant au « Pays des hommes intègres » Dr Mamadou Kanté, il ne faudrait pas que le programme s'arrête. Il invite, de ce fait, le gouvernement à poursuivre ses investissements, et les partenaires à mobiliser des ressources complémentaires, pour que le programme puisse continuer. « A ce rythme, on peut espérer que dans une dizaine d'années, l'excision sera réduite à presque zéro », déclare Dr Kanté. Koumia Alassane KARAMA karamalass@yahoo.fr « On n'excisera pas ma petite sœur » est une approche novatrice initiée par le conseil régional de lutte contre la pratique de l'excision dans le Centre Nord, dans le cadre du programme conjoint UNFPA-UNICEF. Il s'agit, selon la présidente dudit conseil, la gouverneure de la région, Mariam Diallo/Zoromé, d'un Système d'alerte et de surveillance des petites filles et l'implication de leurs frères dans la promotion de l'abandon de la pratique. En effet, les conséquences des MGF sont enseignées à l'école pour mieux sensibiliser les élèves. Et ceux-ci à leur tour, s'engagent à dénoncer tout projet/ cas d'excision dans leur famille, entourage. Selon la gouverneur, l'approche qui est à une phase expérimentale, a déjà porté des fruits, avec un cas de dénonciation par un jeune garçon. K.A.K Tradipraticien et « animateur » du programme conjoint Pogozougou Marcel Zabré est un tradipraticien reconnu dans le village de Damanè, à environ 7km de Kaya, dans le Sanmatenga. Dans l'exercice de sa profession, il déclare recevoir des cas de séquelles de l'excision qu'il s'empresse de référer au Centre hospitalier régional (CHR) de Kaya, via les services de l'Action sociale. A la question de savoir pourquoi un détenteur de savoirs traditionnels de soins a recours à la médecine moderne pour ses patientes, M. Zabré est sans équivoque : « nous voulons que nos populations soient en bonne santé ». Le tradipraticien de Damanè s'investit également dans la promotion de l'abandon des MGF, après avoir reçu une formation sur leurs conséquences, grâce au programme conjoint UNFPA-UNICEF. « Nous sensibilisons les populations sur les méfaits de l'excision », explique-t-il. C'est en cela qu'il salue l'œuvre du programme conjoint qui, affirme-t-il, a permis de réduire « considérablement » le phénomène. Avant de promettre que l'excision va disparaître « très bientôt ». K.A.K Résultats chiffrés du programme conjoint - De la connaissance de la loi réprimant les MGF par les communautés et son application * 241 animateurs relais des réseaux et 900 membres de noyaux relais ont été outillés pour une meilleure connaissance des textes de loi (N° 043/96/ADP du 13- 11- 96) contre la pratique des MGF/E et en termes d'application de cette loi, le programme conjoint a contribué à l'enregistrement de 117 dénonciations de cas d'excision et à la condamnation de 192 personnes dont 38 exciseuses et 154 complices de 2009 à 2013. * 235 acteurs de la chaine pénale ( Magistrats, policiers, Gendarmes), ont été dotés de connaissances sur des thèmes relatifs aux MGF/E. De l'engagement des communautés * 305 communautés villageoises se sont engagées à abandonner la pratique de l'excision en faisant des déclarations publiques. * 1 101 dirigeants et parties prenantes communautaires (leaders associatifs, coutumiers, religieux et politiques) se sont engagés officiellement à dire non à l'excision ; * Le Réseau burkinabè des Organisations islamiques en Population et Développement (RBOIPD) qui compte 12 associations islamiques a produit et diffusé un guide de sensibilisation en arabe sur l'islam et l'excision. De la campagne médiatique * 10 radios communautaires travaillant en réseau sont renforcées et participent à la mise en œuvre du programme - De la réparation des séquelles de l'excision * 40 agents de structures de santé des régions du Plateau Central et du Centre Nord ont bénéficié de formations sur les techniques de réparation des séquelles de l'excision ; * 227 filles/femmes ont bénéficié de la réparation des séquelles de l'excision. Source : SP/CNLPE Non excisée, et fière de l'être Du haut de ses 40 ans, Viviane Diallo/ Karfo, n'a pas été excisée, et c'est toute fière qu'elle le dit à qui veut l'entendre. Aujourd'hui encore, elle dit « alléluia » d'avoir échappé à ce qu'elle appelle une « bêtise humaine ». En remontant les souvenirs de sa tendre enfance, Mme Diallo se rappelle de la souffrance atroce, voire la mort, vécue par certaines de ses camarades du fait de l'excision. « A l'époque, la sorcellerie a été pointée du doigt ». Naturellement, aujourd'hui, dame Diallo milite farouchement pour l'abandon des MGF. Et cette mère de 3 enfants a commencé le plaidoyer dans sa famille. « Quand j'ai emmené mes deux premiers enfants, toutes des filles, au village, ma belle-mère a voulu les exciser, je me suis opposée ». A son tour donc, elle a défendu ses enfants contre l'excision. Les convictions de Mme Diallo contre l'excision ont été renforcées lorsqu'elle a été formée dans le cadre du programme conjoint UNFPA-UNICEF pour l'accélération de l'abandon de la pratique. « Ma première fois de voir la boîte à image sur les séquelles de l'excision, j'ai été choquée », se souvient-elle. Mme Viviane Diallo/ Karfo est catégorique dans son argumentaire : « L'excision n'arrange en rien la femme, au contraire, elle lui crée des complications au niveau du foyer, des accouchements, etc. ». Actuellement animatrice de l'Eglise des Assemblées de Dieu de Zorgho, dans le cadre dudit programme, elle affirme sillonner des temples, des espaces publics, pour sensibiliser des femmes, des filles mais aussi des hommes sur les conséquences funestes de l'excision. Elle dit que parfois, ses interlocuteurs cherchent à savoir si elle-même n'a pas été excisée. « C'est avec le même enthousiasme que je leur réponds que non », confie-t-elle, avant d'ajouter : « Aux femmes particulièrement, je demande de se battre pour leurs filles, comme je l'ai fait moi-même ». --