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Tribune libre : révolution et croyances religieuses
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- Title
- Tribune libre : révolution et croyances religieuses
- Creator
- Claude d'Almeida
- Publisher
- Ehuzu
- Date
- January 14, 1976
- Abstract
- Karl Marx et Engels, dans l'élaboration d’une théorie globale sur l’évolution des forces productives du monde capitaliste et leurs rapports sociaux, ont eu à éclairer de façon convaincante, et irrémédiable, la nature intime et la finalité des institutions religieuses. Ces analyses faites dans le cadre d'une société capitaliste appréhendée en une période donnée de son évolution ne sont cohérentes que parce qu’elles considèrent le capitalisme comme issu d’une forme d'organisation sociale donnée. Il n’a donc pas été question pour ces auteurs de se cantonner exclusivement dans l’analyse de la société capitaliste elle-même, en tant que toute analyse d’une société tient nécessairement compte des antécédents historiques de celle-ci. C’est pourquoi leur analyse part du stade primitiviste pour aboutir au stade capitaliste - objet de leur étude -, en passant par les stades esclavagiste et féodal.
- Page(s)
- 5
- Subject
- Christianisme
- Colonialisme
- Esclavage
- Marxisme-léninisme
- Mathieu Kérékou
- Religions endogènes
- Révolution
- Radicalisation
- Rights Holder
- La Nation
- Language
- Français
- Source
- Bibliothèque du Congrès
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0004029
- content
-
Karl Marx et Engels, dans l'élaboration d’une théorie globale sur l’évolution des forces productives du monde capitaliste et leurs rapports sociaux, ont eu à éclairer de façon convaincante, et irrémédiable, la nature intime et la finalité des institutions religieuses. Ces analyses faites dans le cadre d'une société capitaliste appréhendée en une période donnée de son évolution ne sont cohérentes que parce qu’elles considèrent le capitalisme comme issu d’une forme d'organisation sociale donnée. Il n’a donc pas été question pour ces auteurs de se cantonner exclusivement dans l’analyse de la société capitaliste elle-même, en tant que toute analyse d’une société tient nécessairement compte des antécédents historiques de celle-ci. C’est pourquoi leur analyse part du stade primitiviste pour aboutir au stade capitaliste - objet de leur étude -, en passant par les stades esclavagiste et féodal.
Les caractéristiques des sociétés ainsi étudiées ont été depuis longtemps dégagées. Elles sont du reste, admises par tous aujourd’hui. Il nous est alors facile d’affirmer avec le chef de l’Etat, que la société béninoise, lors du déclenchement du processus révolutionnaire du 26 octobre 1972, était et est encore au stade de société semi-féodale.
Comment dans une société comme la nôtre, les croyances religieuses, quelles qu’elles soient, influent directement sur le comportement des populations ? Comment déterminent-elles chez elles des réactions négatives pour toute transformation révolutionnaire de leur milieu social et cela, à leur insu ? Nous affirmons que nombreuses sont les coutumes qui rendent les individus réfractaires à tout changement.
SOCIETE SEMI-FEODALE ET RAPPORTS DE CLASSES
Dans les sociétés féodales africaines en général (et particulièrement la société béninoise) existent des rois. Cette existence était, d’après les croyances les plus répandues dans les populations, la traduction matérielle de l’omniprésence de dieu et du châtiment divin. En effet, cette idée inculquée précisément par les forces religieuses aux masses populaires aux fins de les soumettre à dieu (nous verrons que c’est plutôt au roi), existe dam toutes les mythologies. Elle constitue en général, la base même de la soumission de l’homme à dieu par homme interposé. Autrement dit, le roi était l'émanation même du pouvoir de Dieu sur ses créatures. En cela, il tenait son pouvoir de dieu et était, par la même occasion, le chef suprême des fétiches et cultes. Voilà donc la fonction faite au sommet. Et si l’on sait que dans ce type de société, le mouvement se fait de haut en bas et jamais de bas en haut, on commence à comprendre que les ordres donnés par Ie sommet ne peuvent tenir compte que de l’intérêt intégral du roi et de sa lignée.
Les chefs féticheurs et les prêtres au culte n'ayant d'ordre à recevoir que du roi et ne rendant compte qu’à lui, il est clair que leur propre survie en tant que chefs de culte dépend étroitement de leur subordination totale au roi.
D’autre part, étant donné que ces chefs ne reçoivent d’ordres que du roi et non de la masse, il en résulte qu’ils forment avec la lignée au pouvoir une classe privilégiée dont les intérêts s’opposent radicalement à ceux des masses populaires.
En effet, ne fournissant aucun effort productif concret, ni même abstrait, les membres de cette classe privilégiée en sont réduits à vivre du produit qu’ils dégagent du travail des paysans et artisans. Seulement, leur condition est de loin meilleure à celle des paysans et artisans qui croupissent dans une misère alarmante. Cela est aisé à observer aujourd'hui. Comment en arrive-t-on à cette situation paradosale ? Par quel renversement dialectique les paysans et artisans, producteurs des biens de consommation, en sont-ils privés au profit quasi-exclusif de la classe féodale ?
CROYANCES RELIGIEUSES ET COUTUMES
Le rôle des croyances religieuses et coutumes est primordial dans l'explication de ce renversement. Nous avions dit que le pouvoir royal était d’ascendance divine. Le roi était ainsi la cristallisation permanente de dieu à qui tous les cultes sont rendus même si souvent ils le sont par l'intermédiaire d’autres divinités (le GOU, HEBIOSSO, etc). En tant que tel, il convient — et c’est ce qui est répandu par les prêtres du culte —, de rendre au roi plus particulièrement les cultes, les offrandes.
De ce fait, dieu, par son mandaté sur terre, exhauce les prières faites par ses fidèles. Par ailleurs, la terre appartient à dieu et par délégation de pouvoir, au roi. Qu’on se souvienne par exemple de l’appellation folklorique mari combien significative des rais d'Adjaché ; Aïnon. Ce qui en fait veut dire à peu près le « propriétaire de la terre ». La terre appartenant au roi, il est donc logique que la quasi-totalité des récoltes lui revienne. Les paysans n’en garderaient que le strict minimum indispensable à leur suvie. Mais qu’un pauvre paysan soit assez intelligent et téméraire pour s’opposer à ces pratiques et aussitôt, à système de répression se met en branle pour frapper impitoyablement l’insolent. On le verra donc du jour au lendemain varioleux, lépreux ou agonisant selon ce que les féticheurs en auront décidé par leurs pratiques obscures de sorcellerie. Il sera, parallèlement à ce châtiment, orchestré une campagne d’intoxication des masses. On alléguera à qui veut entendre que le mécréant a enfreint un tabou ou a foulé aux pieds un lieu sacré. Du coup, d'éventuels opposants sont éliminés, cassés avant même qu’ils aient pu passer à l'offensive On gagnait alors l'approbation et le respect de la société en se conformant aux traditions, de même qu’aujourd’hui, on se fait considérer en achetant le dernier modèle d’un article Nom pourrions citer des tas d’exemples mais le processus étant le même, nous nous contenterons d’en rester là. Et d’en conclure que l’exploitation des paysans et artisans se fera de lors de plus licite Parce qu’on lui a inculqué depuis sa tendre enfance que le « tabou est tabou » que le « sacré est sacré », le pauvre paysan s’en fera un leitmotiv aveuglément.
Ainsi pris dans un cercle infernal, il n’en pourra sortir que par une action énergique et violente contre les forces séculaires qui le maintiennent dans cet état d’exploité qui « n’a pas pouvoir sur son propre destin » (Aimé Césaire). De ce fait, le moindre affaiblissement du pouvoir féodal doit être mis à profit pour l'acculer. Mais en Afrique et particulièrement au Bénin, cet affaiblissement n’a pas profité aux masses populaires car sa cause constituait en elle-même une force rétrograde d’exploitation de l’homme par l’homme. Cette exploitation est par ailleurs la plus inhumaine que l’on ait jamais observée dans l’histoire de l'évolution des sociétés. Il s'agit, vous l'avez deviné, de la colonisation avec son antécédent, l'ESCLAVAGE.
Avant la colonisation, est préparant celle-ci, nous assistons à l'introduction en Afrique d’une nouvelle religion, le CHRISTIANISME. Nous allons voir comment cette nouvelle religion — peu différente sur le fond de celles pré-existantes —, a joué un rôle crucial dans le processus de colonisation et comment le pouvoir colonial puis néo-colonial s’en est servi adroitement pour torpiller toute tentative de révolte.
NATURE ET ROLE DES MISSIONS EVANGELIQUES DANS LE PROCESSUS DE COLONISATION
Dans la nouvelle religion, l’accent est principalement mis sur le caractère transitoire de la vie terrestre étant entendu que seule l’existence extra-terrestre revêt une quelconque importance. Le scénario qui s’était déroulé au Moyen-Age en Europe avec l’Eglise fut dérechef transposé en Afrique — l'Eglise reprit donc ses fulminations contre le gain et l’usure.
« L’avarice, au même titre que la luxure, était un péché mortel » ; dans le même temps, elle vulgarisa le paradoxe selon lequel il fallait tendre l’autre joue lorsque l'une est giflée. On inculqua aux masses populaires la nécessité bienheureuse de « rendre le bien pour le mal ». Faute de quoi, l’on a péché ! Ce fatalisme, ajouté aux tabous et sacrés du Béninois ont pu le baillonner durant longtemps. Il se traduit dans la vie politique par un désintéressement et une aversion des masses au politique. Cet état de chose, on s'en rend aisément compte, a retardé la prise de conscience des masses qui, ce faisant, jouaient exactement le jeu des colonialistes et, plus tard, des néo-colonialistes.
Oppressées, exploitées et bafouées, les masses populaires n'ont d’autre recours que de se tourner toutes confiantes vers la religion qui leur promet monts et merveilles. Le caractère mystérieux des prières faites en une langue bizarre, leur harmonie toute étudiée ont raison de leurs âmes tourmentées par l'exploitation dont elles sont victimes. La résignation s'ensuit, renforcée par l’espoir intime d’une participation certaine à un monde meilleur mais 3 fois hypothétique car immatériel. L’égrenage paisible des litanies mystificatrices devient dès lors un havre de paix et d'extase psychique. C’est ce que Karl Marx, dans la « critique de la philosophie hegelienne du droit » déclarait sans ambages en affirmant que « la religion est le soupir de la créature accablée, le cœur d’un homme sans cœur comme elle est l’esprit des temps privés d’esprit. Elle est l’opium du peuple ».
Ainsi, la religion apparaît comme un phénomène purement social traduisant les rapports de classes dans une société donnée, appréhendée en une étape bien déterminée de son évolution. En tant que telle, elle définit du coup les rapports de production dans la société. En effet, « les enseignements caractéristiques de l’église considéraient la société comme un groupe de classes, chacun avec une fonction différente, chacun partageant une commune fin. Au faite de cette structure, il y a l'Eglise ». C'est un capitaliste qui parle. Mais, on le sait, lea finalités des différentes classes n’étaient en rien communes ; elles étaient diamétralement opposées.
On le voit, tes sociétés pré-capitalistes et capitalistes dans leur logique interne ont pour alliés conscients ou inconscients les religions, quelles qu'elles soient. Nous avions, dans le Dicours-Programme, reconnu implicitement la nécessité d’une idéologie basée sur la justice sociale et cohérente - A GOHO le 30 novembre 1974, le chef de l’Etat, le camarade Mathieu Kérékou a défini explicitement cette idéologie qui, en l’occurrence, est le Marxisme-Léninis- me. Le Marxisme apparaît dans son ensemble comme une dialectique du développement et de l’épanouissement des sociétés humaines. Qu'en est-il donc du Marxisme-Léninisme et des regions ? Quels rapports existe-t-il entre cette idéologie et les religions que nous avons chez nous ?
LE MARXISME-LENINISME FACE AUX RELIGIONS
Il convient tout d’abord de préciser que la doctrine marxiste forme un tout cohérent qui ne saurait souffrir d'interprétations partielles. Donc, en nous servant pour notre propos de la philosophie marxiste pour dégager les positions des marxistes et des croyants, nous ne faisons que dans la perspective globale de la doctrine.
On assiste avec FEUERBACH à la radicalisation du matérialisme dr HEGEL qui flirtait ouvertement avec l’existence de Dieu FEUERBACH soutient en effet que « Dieu est le produit de notre cerveau » et que « l’homme s’aliène en Dieu ». Dans une perspective fuerbachienne, Karl Marx et ENGELS diront que « l’homme qui, dans la réalité fantastique du ciel, où il cherchait un surhomme, n'a trouvé que le reflet de soi-même ne sera plus tenté de retrouver que l’apparence de soi-même, le non-homme là où il cherche et doit trouver sa vraie vérité. » Il faut entendre par ce jargon philosophique que Dieu n’existe pas, qu’il est plutôt le reflet fantastique de l’homme. Cette façon de concevoir le problème épistémologique de l’existence de Dieu, appliquée à l’histoire aboutit on le saisit à présent, à la célèbre sentence « la religion est l'opium du peuple. » De sorte que les enseignements de l'église et des autres entités religieuses ne sont qu'un massif monument d’hypocrisie, un voile idéologique masquant l’accumulation des richesses par les classes privilégiées.
Au total, « la suppression de la religion comme bonheur illusoire du peuple, est une exigence de son bonheur réel » (Karl Marx). De ce fait, tout doit être mis en œuvre pour changer les mentalités et briser l’emprise des forces religieuses sur les populations, les extirper totalement de leur retranchement. C’est là une condition sine qua non de la victoire du prolétariat béninois sur les forces rétrogrades de domination. En cela,
Gloire immortelle à la République Populaire du Bénin et à son Parti !
Le Peuple Béninois mobilisé et organisé au sein du Parti de la Révolution Populaire du Bénin vaincra !
La Révolution triomphera ! Prêt pour la Révolution ! La Lutte continue.