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El Hadji Aboubacar Sana, Président de la Communauté musulmane du Burkina
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Burkina Faso
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- Title
- El Hadji Aboubacar Sana, Président de la Communauté musulmane du Burkina
- Creator
- Félix Kaboré
- Publisher
- San Finna
- Date
- November 19, 2001
- Abstract
- Les fidèles musulmans du Burkina Faso ont entamé depuis le samedi 17 novembre, le mois du Ramadan. De l’aube au crépuscule, ils se soumettront 30 jours durant à diverses privations pour se rapprocher davantage d’Allah. Pour aborder les contours de ce pilier de l’islam et du contexte international marqué par des menaces de guerre sainte, nous avons rencontré El Hadji Aboubacar Sana. Sans détours, le président de la communauté musulmane du Burkina se prononce sur les attentats du 11 septembre et la guerre anti-terroriste en cours en Afghanistan. El Hadji n’est pas avare en conseils : pour prévenir le développement d’un islam extrémiste au Burkina, il invite le pouvoir à être plus regardant sur les animateurs des différents mouvements religieux.
- Subject
- 11 septembre 2001
- Aboubacar Sana
- Communauté Musulmane du Burkina Faso
- Journée Nationale de Pardon
- Réconciliation
- Terrorisme
- Radicalisation
- Extrémisme
- Language
- Français
- Contributor
- Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0003991
- content
-
Les fidèles musulmans du Burkina Faso ont entamé depuis le samedi 17 novembre, le mois du Ramadan. De l’aube au crépuscule, ils se soumettront 30 jours durant à diverses privations pour se rapprocher davantage d’Allah. Pour aborder les contours de ce pilier de l’islam et du contexte international marqué par des menaces de guerre sainte, nous avons rencontré El Hadji Aboubacar Sana. Sans détours, le président de la communauté musulmane du Burkina se prononce sur les attentats du 11 septembre et la guerre anti-terroriste en cours en Afghanistan. El Hadji n’est pas avare en conseils : pour prévenir le développement d’un islam extrémiste au Burkina, il invite le pouvoir à être plus regardant sur les animateurs des différents mouvements religieux.
San Finna : Le carême a débuté à la même date pour l’ensemble des musulmans au Burkina. Est-ce le résultat d’une action concertée ?
El Hadji Aboubacar Sana (E.H.A.S) : Avant tout propos, je tiens à remercier Dieu par la gloire de qui nous sommes encore de ce monde pour effectuer le carême.
Pour répondre à votre question, je me réjouis que la date du 17 novembre ait été retenue par tous pour entamer le carême. C’est l’aboutissement du travail de la commission de lune. Cette structure, implantée à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, est constituée de tous les regroupements à caractère islamique. Son rôle est de centraliser toute information en provenance des 45 provinces et se rapportant à l’apparition de la lune. On doit reconnaître qu’elle a bien fait son travail cette année et mon vœu est qu’il en soit ainsi à tout moment.
San Finna : Considérez-vous cette situation comme une victoire ?
E.H.A.S : Je peux dire que c’est une victoire, mais qui ne peut être accaparée par une seule personne. Cette victoire est due à la cohésion dont ont su faire preuve l’ensemble des musulmans. Et sincèrement, je souhaite qu’un tel esprit perdure et nous survive.
San Finna : Le mois de Ramadan intervient dans un contexte international marqué par la guerre en Afghanistan, que certaines personnes qualifient de guerre de religion. Est-ce que les musulmans burkinabé sont de cet avis? E.H.A.S : C’est un sujet assez délicat sur lequel il n’est pas aisé de se prononcer de manière tranchée. Je constate que les évènements qui ont conduit à cette guerre sont sans rapport avec la religion. L’islam ne veut pas de ce qui s’est passé à Washington et New York. Mais l’islam ne conseille pas non plus de brimer son prochain. On ne peut, sous prétexte de vouloir se faire justice, s’en prendre à des innocents. Nous avons pensé que les Etats Unis, la France, l’Allemagne, l’Angleterre allaient procéder avec discernement. Ils sont si puissants que nous croyons qu’ils peuvent concevoir et exécuter une stratégie pour se rendre justice sans nuire aux innocents. Je crois que l’Amérique et ses alliés sont en train de reproduire exactement ce qui s’est produit le 11 septembre. Et ça, c’est plutôt un acte de vengeance. Le monde a besoin de plus de tolérance. Autant personne ne peut se réjouir des évènements du Washington et de New York, autant on ne peut approuver la guerre en Afghanistan.
San Finna : A quoi attribuez-vous la montée des courants extrémistes dans le monde musulman ?
E.H.A.S : En Algérie, en Egypte et dans d’autres pays musulmans, il y a des extrémistes terroristes. C’est la preuve que ces gens n’épargnent personnes, même pas leur co-religionnaires. Le mieux serait donc qu’ensemble, nous réfléchissions à ce phénomène pour trouver les solutions qui permettront de l’éradiquer. Ce n’est pas en bombardant des pays comme on est en train de le faire actuellement, que le terrorisme va disparaître. Je suis tenté de dire que cette guerre va plutôt renforcer les terroristes.
San Finna : Existe-t-il des actions entreprises par les autorités musulmanes, pour prévenir le développement de mouvements extrémistes au Burkina ?
E.H.A.S : Notre première action dans ce sens est de prier le Tout Puissant pour qu’il nous préserve. A mon avis ce sont les autorités politiques du pays qui sont davantage interpellées par cette question. Je crois qu’avec le renforcement en cours de la lutte contre le banditisme, nous sommes sur la bonne voie. Parce que, nous nos terroristes, ce sont les voleurs et autres bandits. Au niveau de la religion, je crois que la cohésion que nous avons pu réaliser cette année, et qui est appelée à se poursuivre, permet d’éviter des dérapages. Voyez la situation en Algérie, tout est venu de dissensions entre les organisations musulmanes.
Nous essayons d’être vigilants pour rappeler à l’ordre tout mouvement dont la conduite serait de nature à créer une situation préjudiciable à la paix.
San Finna : Comment expliquez-vous alors que des mouvements religieux interdits dans d’autres pays ne le soient pas au Burkina ?
E.H.A.S : C’est aux responsables du pays d’interdire ou d’autoriser qui ils veulent. A chaque fois que nous leur faisons remarquer que telle organisation musulmane a eu des actes qui ont troublé la paix sociale dans d’autres pays, ils nous disent que le Burkina est laïc. Et pour cette raison, nul ne peut être empêché d’exercer sa foi. Pourtant, nous savons que l’astuce pour capturer un poisson est d’utiliser l’appât. Quand certains mouvements arrivent ici, ils s’empressent de construire des centres de santé ou des écoles qu’ils rétrocèdent à l’Etat. Certains de nos responsables tombent dans le piège et n’hésitent même pas à dire qu’il est plus utile de construire ces écoles et dispensaires, plutôt que des mosquées. Nous tenons à leur faire savoir que si la construction doit préparer le terreau à la destruction, il est plus sage de ne pas construire. Je crois qu’en Algérie et en Afghanistan, ces mêmes mouvements ont investi plus qu’ils ne l’ont fait au Burkina. Ce qui se passe dans ces pays aujourd’hui doit nous inciter à réfléchir.
Peut être que si les musulmans arrivaient à se constituer en une sorte de fédération, les autorités politiques tiendraient davantage compte de leurs observations.
San Finna : El Hadj, quelle doit être la conduite d’un musulman en ce mois de Ramadan ?
E.H.A.S : Il y a plusieurs choses que tout musulman doit faire en ce mois. La première consiste bien entendu, à respecter le jeune. Mais cela ne saurait suffire. Il faut faire plus d’aumône, de lecture du Coran et de prières. Il faut également éviter les médisances, les mensonges, l’escroquerie. Plus qu’à tout autre moment, nous devons éviter tout enrichissement illicite.
San Finna : La fin du mois de Ramadan est une fête que tout le monde n'a pas la possibilité de célébré. Que dit l’islam à ce sujet ?
E.H.A.S : La fin du Ramadan et la tabaski sont les deux fêtes officielles dans la religion musulmane. Après les 30 jours de jeûne, chaque fidèle se doit d’adresser une prière à Dieu pour le remercier. Quant à la fête qui accompagne cette prière elle est normale mais ne doit entraîner aucun abus. On ne doit pas s’endette ou voler pour pouvoir participer à la fête.
San Finna : Les musulmans ont été associés à la Journée nationale de pardon. Estimez-vous que les engagements pris à cette occasion ont été respectés ?
E.H.A.S : Permettre aux Burkinabé de se pardonner mutuellement, c’est à mon avis, le sens à donner à cette journée. Je ne crois pas qu’il y ait une personne sur cette terre pour refuser d’accorder ou de demander le pardon.
Prenez l’exemple de la vie d’un couple. Il faut que l’homme et la femme soient capables de se pardonner mutuellement pour que la vie soit possible. Et si malgré tout un malentendu survenait, on peut faire recours à une tierce personne pour permettre une réconciliation. C’est donc dire qu’on ne peut parler de réconciliation, de pardon qu’à la suite d’un différend. Et si vous parlez de pardon, on ne peut exclure les religieux. C’est pour cette raison que les responsables coutumiers, les chrétiens et les musulmans se sont impliqués dans cette Journée.
Aujourd’hui, je peux dire que la Journée nationale de pardon a été d’une grande utilité pour le pays. Même si tout n’est pas parfait, je crois qu’il y a une accalmie réelle. Les années antérieures, les perturbations étaient quasi quotidiennes dans des établissements d’enseignement. Il y a eu une évolution positive et nous ne pouvons qu’invoquer Dieu pour que les élèves puissent recevoir les enseignements, et aussi, pour que les dirigeants du pays soient attentifs aux sollicitations. Nous ne disons pas qu’ils peuvent satisfaire à toutes les requêtes, puisque même Dieu qui a tout et qui peut tout, ne nous accorde pas tout ce que nous lui demandons. Je crois que la meilleure attitude serait pour nous tous d’œuvrer à ce que le pays puisse retrouver la paix.
San Finna : Avez-vous été approché par le gouvernement après la tenue de la Journée nationale de pardon ?
E.H.A.S : Oui. Nous avons été conviés à une rencontre au cours de laquelle il nous a été expliqué les modalités de mise en œuvre des différents engagements. Nous avons proposé qu’il y ait un dispositif assez performant pour assurer le suivi des différentes actions. Le bilan qui en sortira nous permettra d’émettre un jugement sur la suite donnée aux engagements. Avec ce mois de Ramadan, je ne peux que souhaiter de Dieu qu’il nous donne le courage et la force de rechercher le pardon. J’implore la protection du Tout Puisant pour le Burkina et les Burkinabé pour que nous ayons une vie meilleure.
Propos recueillis par Félix Kaboré