Article
Un musulman entre le vodoun et les affaires
- Title
- Un musulman entre le vodoun et les affaires
- Creator
- Armand Hountondji
- Publisher
- La Nation
- Date
- September 16, 2002
- Abstract
- On lui reproche de se servir du vodoun pour s’enrichir. Mais Mohamed Dossou se considère en mission. Son objectif : révéler au grand monde ce qu’on lui cache à tort.
- Spatial Coverage
- Cotonou
- Rights Holder
- La Nation
- Language
- Français
- Source
- La Nation
- Identifier
- iwac-article-0003637
- content
-
On lui reproche de se servir du vodoun pour s’enrichir. Mais Mohamed Dossou se considère en mission. Son objectif : révéler au grand monde ce qu’on lui cache à tort.
MOHAMED DOSSOU vit à Cotonou où il est plus connu sous le nom de «Sagittaire», son signe zodiacal. L'homme, qui affirme se retrouver d'emblée à travers ce signe, n’affiche aucune gêne lorsqu'on l’aborde sur ses activités touchant à la religion. Grand de taille. Mohamed arbore au cours de l’entretien un de ces longs boubous qu'il affectionne. La couleur sombre du tissu met en évidence son teint clair. Calme et décontracté, il explique : « c'est parce qu’on n'a pas suffisamment valorisé nos vodouns que le Blanc a eu le dessus sur nous, en nous imposant la Bible ». Le ton est péremptoire. Loin de lui toute intention de vendre ce qui est sacré. Et si l’on devait en arriver là, ce n’est pas lui, fils d’un chef vodoun qui le ferait. Né d’une mère nigérienne musulmane qui vil avec lui présentement et d’un père maître spirituel du vodoun Sakpata hêbioso, Mohamed est, dès son jeune âge, fortement marqué par la religion. Quand il voit le jour en 1955, ce sont des sœurs religieuses qui l’accueil lent. Il sort de la maternité avec le nom de Théophile. Par respect pour la religion de sa mère, il devient Mohamed, fréquente l’école coranique puis, entre au couvent. Parcours illogique ? L’homme y voit plutôt un mystère divin. Mohamed est convaincu qu’il n’a pas un destin banal. En réalité, raconte-t-il, « j'ai vu le jour dans la forêt, sous un Iroko. C'est quand il s'est agi de m’inscrire dans le registre de naissance que ma mère est retournée chez les sœurs qui s’occupaient de son suivi médical ». Au couvent de Sakpata Hêbioso, Mohamed entre en contact avec le vodoun Lissa, un vodoun rare dont le symbole est le caméléon.
Des différentes étapes du parcours qu’il retrace, le musulman, adepte du vodoun, voit un point convergent : Dieu. « Le symbole de l'Iroko signifie que je suis avec les esprits ; Mohamed dans la tradition musulmane signifie messager de Dieu; Théophile, l’ami de Dieu ». Pour lui, Dieu est partout. Il est le ciel, la terre, le vent...autant de choses que vénéraient nos ancêtres. Il poursuit : « Nous devons avoir du respect pour ce que nos aïeux ont adoré ». Pourtant, Mohamed est à l’origine d’un événement qui suscite polémique quant au respect du vodoun et, plus généralement, des religions traditionnelles : le Marché béninois des arts et spectacles (Mabas) dont le point d’attraction est le vodoun Zangbéto. Ces spectacles au cours desquels les Zangbéto, maîtres de la nuit depuis les temps ancestraux, sortent en plein jour, donnent lieu à des démonstrations de forces surnaturelles. Le grand public, les touristes et autres curieux en raffolent.
Assis, légèrement voûté, Mohamed accompagne ses explications de gestes de mains. « Il y a deux sortes de Zangbéto, le Bliguédé qui sort la nuit et le Zangbéto de spectacle. El puis, c'est quand il y a des clameurs autour de lui que le Zangbéto se met en exergue » explique-t-il.
Le promoteur du Zangbéto reconnaît cependant qu’il y a quelques dérives qui s’observent dans les initiatives qui sont prises de nos jours pour sortir quelque peu le Zangbéto du couvent. Les spectacles sont organisés dans le désordre. Pour lui, cela se justifie par la misère. Secrétaire à l’organisation de la communauté nationale du culte vodoun, il souhaite une réglementation plus stricte dans le domaine, Citant son propre exemple, il rappelle : « Il y a deux ans, les chefs suprêmes du vodoun se sont opposé à la tenue de la cérémonie dite Tokplokplo qui interdit la sortie des Zangbéto. J’ai sursis au spectacle programmé pour la période malgré les fonds que j’avais déjà investis. Il faut respecter les interdits, Aujourd’hui, ceux qui font les compétitions de Zangbéto ne visent pas sa promotion : ils le font parce qu’ils ont faim ». L’organisateur du Mabas se dit déçut; mais ne raccroche pas pour autant. « Si je dois encore faire un spectacle Zangbéto ce ne sera qu'un festival international pour donner à la chose l'envergure qu'elle mérite ».
Sur ce que lui génère ses spectacles, il reste évasif, se contentant d’énumérer ses autres activités qui, dit-il, lui procurent l’essentiel de son revenu. Il est directeur général adjoint de Adéola et fils, une société de vente de véhicules d'occasion, et s'adonne aussi à d'autres activités dont la géomancie. « Je suis initié au Fa... ». Cela marche-t-il ? « Je suis assez sollicité... ». Les mains sur la table, tirant du doigt des traits imaginaires, il affirme : «Je n'exige rien au départ La consultation ne coûte que... 100 francs. Le reste est laissé à la discrétion du client ».
Armand Hountondji