Article
Lettre ouverte au président de la République : de la laïcité de l'État
- Title
- Lettre ouverte au président de la République : de la laïcité de l'État
- Type
- Article de presse
- Publisher
-
Le Jour
- Date
- December 29, 2001
- DescriptionAI
- Le Collectif des Organisations de jeunesse musulmane de Côte d'Ivoire adresse une lettre ouverte au président, dénonçant la violation de la laïcité de l'État et la discrimination envers l'islam. Le collectif accuse le régime d'ingérence dans les affaires musulmanes, citant la création d'un conseil d'imams pour déstabiliser la communauté et rappelant des violences passées. Il exhorte le président à cesser d'être l'ennemi de l'islam et des musulmans.
- number of pages
- 1
- Subject
- Réconciliation
- Al Coran
- Coordination des Organisations de Jeunesse Musulmane en Côte d'Ivoire
- Amicale des Anciens de l'AEEMCI
- Henri Konan Bédié
- Harrissou Fofana
- Diaby Moustapha
-
Association des Élèves et Étudiants Musulmans de Côte d'Ivoire
-
Association des Jeunes Musulmans de Côte d'Ivoire
- Language
- Français
- Contributor
-
Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0012024
- content
-
Lettre ouverte au président de la République
De la laïcité de l'Etat
Monsieur,
Les lampions du forum pour la réconciliation nationale viennent de s'éteindre. même si les grands contentieux qui minent le pays depuis la transition militaire n'ont pas connu de solutions réelles, une lueur d'espoir a tout de même jailli des résolutions du Directoire de ce forum. Espoir que le processus entamé allait imprégner chacun des acteurs de la vie nationale, dans la nécessité de consolider l'unité nationale.
D'ailleurs, à la clôture des assises du dit forum vous avez demandé à l'ambassadeur Seydou Diarra d'entamer des discussions avec les différentes confessions religieuses dans le but, nous a-t-il semblé, de trouver un consensus sur l'épineux problème de la laïcité de l'Etat et de sa politique dans notre pays. Il était possible de percevoir dans cette démarche, la volonté de tourner la page des incompréhensions et d'impulser une nouvelle approche dans les relations entre l'Etat et les religions. Relations marquées jusque là par des pratiques discriminatoires et des frustrations, particulièrement au détriment de l'islam en Côte d'Ivoire. Ce ne fut qu'un rêve. Hélas !
En effet, Monsieur le président, avec votre régime l'histoire se répète. Les traitements inégalitaires des différentes religions riment avec immixtions flagrantes et grossières dans le fonctionnement de la communauté musulmane. Le dernier exemple en date, est la création le lundi 22 décembre 2001, à la mairie de Yopougon du conseil national des imams et muezzins de Côte d'Ivoire. Ce dit conseil est lui même l'œuvre d'une association dénommée Al Coran portée sur les fonts baptismaux, vous ne l'ignorez certainement pas, par votre très proche collaborateur le ministre Moïse Lida Kouassi avec les conseils avisés d'honorables chefs de l'église catholique de Côte d'Ivoire. Pour le rendez-vous du 22 décembre, ce sont les autorités de l'Etat au niveau central comme local qui ont servi à convier les imams et muezzins à la cérémonie. Les propos de la marionnette de service à cette occasion, un certain Harrissou Fofana, axés sur les termes de l'exclusion, la délation et l'incrimination des imams de Côte d'Ivoire ont fini par nous situer sur la mission assignée à Al Coran : déstabiliser de l'intérieur la communauté musulmane qui a entrepris de sérieux efforts pour son organisation et son unité. Une telle entreprise de la part d'un gouvernement de la République est de nature à compromettre gravement la laïcité tant exprimée et par voix de conséquence, la paix sociale. Ce que nous réprouvons très profondément, c'est cette volonté affichée de votre pouvoir à s'ériger en croisés contre l'islam. les mémoires sont encore lourdes des souvenirs de décembre 2000, où par centaine les fidèles, en plein mois de Ramadan ont été enlevés par les forces de sécurité dans les mosquées, torturés et détenus dans des conditions inhumaines à l'école de police ; nos édifices religieux ont été saccagés et des exemplaires de notre Livre saint, le Coran, ont été brûlés par les mêmes forces avec la complicité de civils se réclamant de votre bord politique. Pour ces injustices subies, la communauté musulmane attend, Monsieur le président jusqu'à ce jour, en vain votre compassion.
Voulez-vous monsieur le président construire le bonheur d'une partie des Ivoiriens dans le malheur d'une autre ? Voulez-vous Monsieur le président réaliser le rayonnement d'une religion sur la persécution et la déstabilisation de l'autre ?
Sincère séminariste, chrétien engagé, vous savez le prix que les fidèles attachen à leur foi. Ayant choisi l'islam qui est notre religion à qui nous aussi accordons une extrême importance. Cette foi-là, nous sommes déterminés à la sauvegarder. Même au prix le plus fort.
Certes, le contexte international marqué par la lutte contre le terrorisme peut sembler une opportunité à certaines forces obscures pour régler le compte à l'islam, religion de paix. Mais Monsieur le président, l'islam en Côte d'Ivoire a une réalité historique et sociologique qui est au-delà de ces tumultes momentanés de notre époque.
Au demeurant, notre démarche n'est en aucune façon l'expression d'une hostilité à la liberté d'association. Loin de là. Nous savons par ailleurs, Monsieur le président que les chevaux de Troie, introduits dans la communauté musulmane n'ont fait que raffermir les liens en notre sein. Les actions comme celles que votre régime lance avec Al Coran, faut-il le rappeler à l'éminent historien que vous êtes, sont vouées au même destin : l'échec. Ce fut le cas du temps de Henri Konan Bédié avec Diaby Moustapha dit "Kowéit", malgré les milliards dépensés et le renfort médiatique mobilisé. Nous avons cette conviction et elle se nourrit du verset coranique dans lequel Allah dit : "Ils stratégient, Dieu stratégie. Dieu est le meilleur des stratèges".
Il serait bon de rappeler en outre que si l'objet de ces entreprises funestes était de neutraliser nos valeureux imams dans leur mission d'éveilleurs de conscience face aux périls qui menacent la nation, il faudrait alors noter son échec. Forts du soutien sans faille des fidèles, au premier rang desquels, ces hommes de Dieu sauront toujours et en tout défendre la vérité et la justice.
Pour terminer, nous voudrions vous demander Monsieur le président, à défaut d'être le président de tous les Ivoiriens, croyances et ethnies confondues d'éviter d'être l'ennemi de l'islam et des musulmans.
En vous souhaitant bonne réception de la présente, nous vous prions de bien vouloir croire, Monsieur le président, à l'expression de notre haute considération.
Collectif des Organisations de jeunesse musulmane de Côte d'Ivoire
AEEMCI-AMCI-3A
