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L'imam Aboubacar Fofana : "Nous demandons au gouvernement de faire attention"
- Title
- L'imam Aboubacar Fofana : "Nous demandons au gouvernement de faire attention"
- Type
- Article de presse
- Publisher
-
Le Jour
- Date
- November 16, 1999
- DescriptionAI
- Dans une interview exclusive, l'imam Aboubacar Fofana dénonce les dérives de la politique d'ivoirité en Côte d'Ivoire, qu'il estime cibler les musulmans et les populations du nord. Il alerte sur le risque imminent d'une insurrection généralisée, causé par l'application arbitraire des lois et l'obstruction au dialogue. Le porte-parole du Cosim exhorte le gouvernement à la prudence et à privilégier la justice et le dialogue pour préserver la stabilité et l'unité nationale.
- pages
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- 4
- 6
- number of pages
- 4
- Subject
- Alassane Ouattara
- Henri Konan Bédié
- Ivoirité
- Émile Constant Bombet
- Élection présidentielle ivoirienne de 2000
-
Conseil Supérieur des Imams, des Mosquées et des Affaires islamiques
- Aboubacar Fofana
- Language
- Français
- Contributor
-
Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0011982
- content
-
INTERVIEW EXCLUSIVE
ABOUBACAR FOFANA, IMAM
"Nous demandons au gouvernement de faire attention...
...le pays est au bord d'une insurrection"
«Je suis Ivoirien, né de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens de naissance». Quand un imam, la main sur le Coran vous fait cette déclaration aux allures de confession, il n'y a plus de doute, c'est que la question identitaire en Côte d'Ivoire a atteint des proportions plus qu'alarmantes. L'imam Aboubacar Fofana (de la mosquée d'Aghien à Abidjan) puisque c'est de lui qu'il s'agit, en a gros sur le cœur et sur la conscience.
Dans l'interview exclusive qu'il nous a accordée le 6 novembre dernier, il s'élève contre les dérives de l'ivoirité qui conduisent à une chasse aux musulmans et aux populations du nord, les menaces d'implosion nationale, créées par un intégrisme politique qui obstrue toutes les voies de dialogue. Le porte-parole du Conseil supérieur des imams (Cosim) invite par conséquent les gouvernants à la prudence.
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L'imam Aboubacar fofana
«Nous demandons au gouvernement de faire attention»
«Je suis Ivoirien, né de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens de naissance»; Quand un imam, la main sur le Coran vous fait cette déclaration aux allures de confession, il n'y a plus de doute, c'est que la question identitaire en Côte d'Ivoire a atteint des proportions plus qu'alarmantes.
L'imam Aboubacar Fofana (de la mosquée d'Agien à Abidjan) puisque c'est de lui qu'il s'agit, en a gros sur le cœur et sur la conscience. Dans l'interview exclusive qu'il nous a accordée le 6 novembre dernier, il s'élève contre les dérives de l'ivoirité qui conduisent à une chasse aux musulmans et aux populations du nord, les menaces d'implosion nationale, créées par un intégrisme politique qui obstrue toutes les voies de dialogue. Le porte-parole du Conseil supérieur des imams (Cosim) invite par conséquent, les gouvernants à la prudence.
Depuis quelques mois, la vie socio-politique en Côte d'Ivoire est entrée dans une phase mouvementée. Des acteurs de la société civile et les partis politiques ont pris position dans le débat politique. Les religieux se font entendre de plus en plus. En tant qu'autorité religieuse musulmane, quel regard jetez-vous sur la situation politique actuelle ?
Nous sommes, comme les nationaux et tous les observateurs internationaux, inquiets de ce qui se passe. Nous sommes inquiets à plus d'un titre. De moins en moins les Ivoiriens se parlent. De moins en moins les Ivoiriens se font confiance et de plus en plus, ils se méfient les uns des autres. C'est le début de choses pas heureuses pour une nation. Il y a cette inquiétude. De l'autre côté, on ne sent pas jusqu'à présent une volonté de résoudre d'une manière apaisée, ce problème. Ça aussi, c'est une source d'inquiétude. Tout cela a des conséquences sur la vie socio-économique de la nation qui, de plus en plus, traverse une situation très grave. On lit dans les journaux que les caisses de l'Etat sont vides. On sait que l'école ivoirienne a des problèmes. On sait aussi que les syndicats sont mécontents. Tout cela n'augure rien de bon. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons fait notre adresse concernant la situation politique il y a quelque temps. Je pense que cela doit être compris à sa juste valeur par tous les acteurs politiques. Ce n'est qu'un premier pas.
Quelle action concrète avez-vous mené pour apporter votre contribution dans la recherche d'une solution consensuelle allant dans le sens de l'apaisement politique?
Depuis 1994 nous avons essayé, au cours de toutes nos rencontres, d'expliquer ce problème aux autorités politiques, administratives, au président de la République, au Premier ministre et à tous ceux que nous avons eu l'occasion de rencontrer en privé ou en aparté. Nous leur disons ce que nous pensons. Nous continuons à mener des actions auprès du président de la République. Nous pensons également rencontrer le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur et tous les autres acteurs politiques pour donner davantage notre point de vue sur la situation actuelle. Tout cela va s'enchaîner dans les jours à venir.
Aboubacar Fofana: «La loi est faite pour perenniser l'existence du pays ou de l'organisation. Mais si elle doit mettre en cause l'existence même de l'organisation, cette loi doit être revue».
Avez-vous déjà arrêté un calendrier?
Pour le moment, certains d'entre nous sont absents. Cette démarche nécessite une certaine concertation. Les réflexions continuent. Ça ne saurait tarder.
Pendant ce temps, des leaders politiques croupissent en prison à la suite d'une manifestation. Comment réagissez-vous par rapport à ces derniers événements?
Dans un premier temps nous avons rendu visite à ces prisonniers. Nous avons prié pour eux et pour la Côte d'Ivoire afin que, tous les acteurs politiques puissent trouver la sérénité requise en pareille situation pour qu'aussi l'apaisement sollicité et recherché par tout le monde puisse intervenir plus tôt. Le pouvoir est un phénomène assez compliqué. Il ne suffit pas de l'avoir mais il faut savoir le gérer. Il ne suffit pas de le gérer, il faut bien le gérer. Quand on use tout le pouvoir on finit par ne plus l'avoir. Il faut être tolérant, il faut savoir dépasser certains problèmes. Cela doit être compris par tout le monde. On traverse une période difficile. Le pays est à la limite d'une insurrection généralisée. C'est pourquoi nous avons dit dans notre adresse qu'il ne faut pas se barricader derrière la loi, parce que la loi ne vaut que ce que vaut son coût social. Si le coût social d'une loi devient plus important que les bénéfices, en ce moment elle devient caduque. Dans tout pays, dans toute organisation, la loi est faite pour pérenniser l'existence du pays ou de l'organisation. Mais si elle doit mettre en cause l'existence même de l'organisation, cette loi doit être revue.
C'est ce que nous avons dit. Malheureusement nous n'avons pas été compris par certains. Notamment le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur (Ndlr: Emile Constant Bombet) qui a d'ailleurs trouvé matière à nous diaboliser devant les parlementaires du pays.
Une attitude que nous déplorons. Nous avons dit et nous le répétons: ce n'est pas un problème de loi sociale. La loi ne peut pas régler le problème de l'insurrection sociale. Seul le dialogue peut nous sortir de l'impasse socio-politique dans laquelle nous nous trouvons.
Nous avons donné des exemples précis: l'exemple du Liberia. Doé avait la loi avec lui. Il avait les bérets rouges et toutes sortes de gardes mais cela n'a pas empêché ce qui est arrivé. Il y avait la loi également en Sierra-Leone mais cela n'a pas empêché ce qui est arrivé dans ce pays. Pareil en Angola... Il y a la loi partout. Mais à un moment donné, il faut savoir qu'au-delà de la loi, il y a autre chose. Surtout quand la loi n'est plus consensuelle. Dans ce cas, arrêter ceux qui la contestent, c'est une manière d'agir qui met l'avenir de la Côte d'Ivoire en péril.
Malheureusement en Afrique, les mêmes scènes se répètent. On refuse le dialogue. On ne l'accepte que lorsqu'on est acculé. On ne sait pas anticiper. On ne sait pas prévenir. On se croit très fort jusqu'au jour où on découvre qu'on ne l'est plus et que tout nous échappe. C'est ce que nous voulons éviter.
Aujourd'hui, on entend des bruits à Odienné, Korhogo, Bonoua, San-Pédro etc. Mais pourquoi la loi n'empêche pas tout cela? C'est pourquoi nous disons qu'il faut dialoguer. Notre objectif n'a jamais été de dire aux Ivoiriens de ne pas respecter la loi. Tout le monde connaît sa valeur; mais à partir du moment où une partie de la population a l'impression que la loi n'est pas juste et quand cela prend certaines proportions, l'autorité en place doit faire attention. Ou tu parviens à appliquer ta loi jusqu'au bout en écrasant tous ceux qui la contestent ou tu n'y parviens pas et dans ce cas il y a problème.
Il y a le risque d'anarchie si la loi n'est pas appliquée...
Non! Une fois que la loi est consensuelle, elle s'applique toute seule. La force morale de la loi, c'est le consensus.
On est tenté de vous rétorquer: où étiez-vous et qu'avez-vous fait au moment du vote de cette loi?
Nous avons nos députés à l'Assemblée. Ces lois ont été votées et nous avons attiré l'attention des uns et des autres tel qu'on pouvait. Vous savez qu'il est difficile pour les religieux d'intervenir dans un débat politique. A partir du moment où une loi est votée par les parlementaires, on attend, on observe. Mais si nous constatons qu'au-delà des parlementaires, ceux-là même qui les ont mandaté ne sont plus d'accord avec la loi et qu'elle commence à créer des problèmes, le débat devient national et international, et je pense qu'il y a lieu d'y réfléchir. Aujourd'hui, toutes les radios étrangères parlent de la Côte d'Ivoire. Nous sommes dans la crise et au bord d'une déchirure sociale. Si nous ne faisons pas attention elle sera irréversible. Je le répète: la loi n'est pas seulement juridique, elle est sociologique. Le tribalisme, l'exclusion et tous ces phénomènes qui sont générés par la loi risquent de contrarier l'avenir de la Côte d'Ivoire. Il ne faut pas se voiler la face.
Vous avez lâché un grand mot: l'insurrection. Seriez-vous complice d'une situation d'insurrection?
Nous ne sommes pas des complices mais des observateurs. On a vu ce qui s'est passé au Mali ou ailleurs. Je prends le cas d'une région comme le Nord dont les populations avaient de la peine à lever la tête devant une autorité. Quand on se rend compte que les préfets aujourd'hui dans ces régions ne peuvent pas circuler comme ils l'entendent. Cela veut dire quoi? On aurait pu penser que c'est une affaire du Nord, mais aujourd'hui c'est pareil à Aboisso, Bonoua, San-Pédro... On parle d'un mort à Daloa, à Abobo. Comment est-ce que ça commence? En tant que religieux nous ne pouvons pas être des instigateurs d'une insurrection. Mais la crise a atteint un point tel que nous demandons aux gouvernants de faire attention. Je vous donne un exemple. Un Ivoirien de passage dans une rue de Treichville est arrêté par les éléments des forces de l'ordre. Ils lui demandent ses pièces. Il les présente et continue son chemin. Un second arrive au niveau des mêmes éléments qui lui demandent ses pièces. Après contrôle, les forces de l'ordre confisquent ses pièces. Cherchant à comprendre les raisons de la confiscation, un élément de la police lui répond qu'il n'est pas un vrai Ivoirien. La réaction de ce citoyen, c'était de gifler l'agent qui était en face de lui. Il a vu que la loi dont on parle est inégalement appliquée, arbitrairement appliquée. Si ces cas se multiplient dans le pays, qu'est-ce que ça donne?
Prenons le cas des bandits qui vont attaquer une banque à l'intérieur du pays. En commettant leur hold-up, ils disent: «nous sommes venus prendre notre part des 18 milliards». Cela m'emmène à un adith du Prophète qui dit à ses compagnons ceci: si les peuples qui vous ont devancé ont péri c'est parce que lorsque le noble volait, on le laissait impuni. Mais, lorsque le faible volait on lui appliquait la loi. Il a ajouté: si la fille du prophète venait à voler je lui aurais coupé la main. Dans une application sociologique, cela donne lieu à des conséquences souvent pas heureuses.
Premièrement, le jour où une population se rend compte que la loi dont on parle tant n'est pas appliquée à tout le monde et de la même manière, la conséquence immédiate est que l'autorité chargée de l'application de la loi perd la confiance de cette population.
Deuxièmement, elle perd également son caractère contraignant.
Troisièmement, l'autorité en question finit par ne plus contrôler la situation. C'est une première étape. Deuxième étape: s'il s'avère qu'il y a une partie de la population à qui l'on n'applique pas la loi, le non respect de cette loi sera généralisée parce que la population sera divisée en deux catégories: une catégorie de privilégiées, impunie quelle que soit la faute qu'elle commet et une autre catégorie punie quelle que soit la faute(...)
Quand cela arrive, l'insécurité se généralise. Les hommes ne seront plus sécurisés, ni dans leurs biens ni dans leur dignité. Il s'en suit une frustration généralisée dans laquelle on fait le lit à toute sorte de rébellion, parce qu'il n'y a plus d'autorité. C'est en cela que les autorités doivent faire attention. Qu'on n'invoque pas en toute circonstance la loi, alors que la population se rend compte qu'elle n'est pas appliquée à tout le monde. Lorsqu'un ministre de la République fait une sortie manquée telle que celle que nous avons pu constater à la télé et que le lendemain, la population a les moyens de vérifier que ce qui est dit n'est pas juste, quel sentiment proposez-vous à ces personnes là?
A quel ministre faites-vous allusion?
Je préfère m'arrêter là. Nous sommes en Côte d'ivoire. Chacun sait qui fait quoi. Il y a eu des sorties malheureuses à la télé.
Soyez un peu plus précis parce que les ministres Bombet et Kouakou Brou ont tous les deux fait des déclarations controversées.
Prenons le cas du certificat de nationalité de Alassane Ouattara. Le trouble a été semé dans l'esprit de tout le monde dans ce pays pendant cinq ans. Ceux qui l'ont dit pendant
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ces cinq années n'ont jamais pu apporter la preuve palpable et juridique qu'il n'est pas Ivoirien. Nous-mêmes les religieux nous avons été appelés pour entendre le ministre dire: «On lui demande seulement un simple papier». Mais lorsque le papier est sorti et que le juge qui a signé a reconnu l'avoir fait en bonne et due forme en respectant la loi, toutes les données changent. La population prend position. Plus grave, lorsqu'on dit que ce certificat est faux, qu'on brandit un autre devant l'opinion et qu'après tout cela les journaux démontrent que c'est l'autorité qui a usé du faux, entre nous, qui respecte la loi et qui ne la respecte pas? Et puis, le ministre en question, c'est le Garde des Sceaux, ministre de la Justice que nous sommes obligés de respecter. Si le délit se situe à ce niveau, ce sont toutes les institutions républicaines qui sont écornées. Je dis qu'il faut faire attention à ce genre de chose. La confiance ne s'achète pas. Elle se mérite. C'est en ce moment que j'ai dit que le débat était faussé à la base et qu'il peut avoir des conséquences fâcheuses.
Il y a aussi une question essentielle qui touche aussi bien la communauté musulmane que l'ensemble des Ivoiriens. C'est la question de la population étrangère en Côte d'Ivoire. Certains font souvent des confusions volontaires entre musulmans et étrangers, entre populations du nord et étrangers. Partagez-vous cet avis?
Je pense que le traitement du problème des étrangers peut être une bombe à retardement pour ce pays. On a déclaré la République mais on a passé le temps à installer de petits royaumes partout. On a souvent l'impression que la Côte d'Ivoire est une fédération de royaumes. On finit par constater qu'à cinq kilomètres de son village, on n'est plus citoyen mais on est allogène. On parle d'autochtones, de nationaux, d'étrangers. Un ressortissant du Nord qui est installé à San-Pédro est considéré dans le langage vulgaire comme un étranger. Un Odiennéka qui est né à Duékoué, qui y a grandi, lorsqu'il veut se présenter à la députation, on lui dit d'aller chez lui. Duékoué n'est pas chez lui. Un homme qui est né à Korhogo, s'il se trouve à San-Pédro et lorsqu'il veut se présenter à des élections, on lui rétorque: «Va chez toi». On ne sait plus où est la République dans ces conditions. Le problème étranger est une notion floue. On ne sait pas où il commence; et où il s'arrête. On ne sait pas non plus si être étranger est un caractère éternel quelle que soit la durée de sa présence sur le sol ivoirien. En fait, la terre ivoirienne est une terre généreuse. Elle a reçu tout le monde. Les uns après les autres. On est souvent étonné que ceux qui sont arrivés les derniers, selon l'histoire, sont les premiers à traiter tout le monde d'étranger. La Côte d'Ivoire est-elle prête à assumer sa propre histoire? Ceux qu'on traite aujourd'hui d'étrangers, ce sont eux qui sont venus faire de la Côte d'Ivoire un pays viable et vivable. Il faut que nous soyons honnêtes avec nous-mêmes. Prenons nos frères du Burkina Faso, du Mali par exemple. Comment les chemins de fer de Côte d'Ivoire allaient voir le jour si ceux-là n'étaient pas là. La politique coloniale française alors a fait un travail de dépeuplement de ces pays en faveur de la Côte d'Ivoire, pour qu'elle soit un pays viable. L'un des objets du syndicat agricole, c'était de faire venir ces gens en Côte d'Ivoire pour que nos plantations puissent voir le jour. La Côte d'Ivoire serait-elle le plus grand producteur de café-cacao si ceux-là n'étaient pas venus? Qu'on ne parle pas des étrangers comme une tolérance. Ça été un besoin pour la Côte d'Ivoire de se voir peupler; un besoin de se développer, d'asseoir sa stabilité dont tout le monde est fier. Où étaient les Ivoiriens de «l'ivoirité»? Pourquoi ce ne sont pas eux qui vont habiter Bouaké pour qu'elle soit une ville? Pourquoi ce ne sont pas eux qui peuplent Daloa et Man? Pourquoi le premier chef d'Etat major ivoirien était un Sanou? Pourquoi le premier maire de Daloa était un Sidibé? Pourquoi le délégué-maire de Koumassi était un Ouédraogo? pourquoi le premier maire d'Adjamé était un Diawara? ... Il faut que les gens connaissent leur histoire et qu'ils l'assument. Il y a eu des gens qui se sont battus pour ce pays, qui ont donné leur vie pour ce pays: lors de la construction des ponts Houphouët Boigny et De Gaulle, qui est tombé dans l'eau? Il s'agit tout simplement d'être humain, reconnaissant et juste.
Les hommes au pouvoir disent que c'est une option qu'ils n'assument pas aujourd'hui. Génération de la rupture, ils refusent d'assumer tous les engagements d'Houphouët vis-à-vis de ses frères ouest-africains.
Ce genre de discours officiel est périlleux. Prenons le cas du Zaïre aujourd'hui. N'est-ce pas le même problème qui se pose?
Nous ne disons pas qu'il faut laisser la Côte d'Ivoire aux étrangers. Mais faisons attention. Vous avez aujourd'hui des enfants nés en Côte d'Ivoire de parents, eux-mêmes nés en Côte d'Ivoire. Allons-nous déclarer qu'ils ne sont pas Ivoiriens? Pendant ce temps, tous ceux qui parlent de l'ivoirité sont en majorité nés de parents étrangers, notamment Ghanéens.
Quand on affirme qu'on n'assume pas ce que Houphouët a fait, il se pose le problème de la continuité de l'Etat. Si on pouvait abroger tous les engagements de Houphouët concernant ce pays, certaines personnes qui dirigent aujourd'hui la Côte d'Ivoire ne seraient pas à la tête de ce pays. C'est par respect pour Houphouët qu'elles sont là. Les populations ont respecté ce qu'il a dit. On ne peut pas nous opposer cela. La Côte d'Ivoire c'est tout un processus historique. Nulle part on a dit qu'il faut laisser la Côte d'Ivoire aux étrangers. Mais, on peut aller plus loin dans cette logique. Les étrangers, ce sont les banques, les compagnies d'assurance, la privatisation de l'aéroport; ce sont tous les investisseurs qui viennent. Alors, que fait-on de tout cela? Avec la mondialisation, avec la création de la Bourse régionale qui veut
Aboubacar Fofana: «Si on pouvait abroger tous les engagements de Houphouët concernant ce pays, certaines personnes qui dirigent aujourd'hui la Côte d'Ivoire ne seraient pas à la tête de ce pays».
précisément dire qu'un Malien, un Sénégalais, un Togolais, etc. peut aujourd'hui acheter n'importe quelle société côtée en Côte d'Ivoire. Tout comme les Américains détiennent une grande part des actions des banques en France. Il faut que nous soyons conséquents avec nous-mêmes. Ce que nous disons c'est pour la paix, la stabilité, l'union, la survie même de la Côte d'Ivoire. Je suis Aboubacar Fofana, de père et de mère ivoiriens de naissance. Je viens d'Odienné, précisément de Tiécorodougou. Je suis un religieux qui défend la vérité et la justice. Voici une anecdote que quelqu'un m'a rapportée entre le président Houphouët et un de ces Ivoiriens de l'ivoirité. Ce dernier est allé voir Houphouët qui était à table et il lui a demandé de chasser les étrangers. Houphouët n'a pas répondu. Il a insisté. A la troisième fois, le président lui a répondu: «Je sais que tu es le plus bête, c'est pourquoi on t'envoie me le dire. Si tu veux que je renvoie les étrangers, alors, je vais commencer par ceux qui sont dans la propre plantation». C'est à cet instant que l'envoyé s'est rendu compte qu'il disait des bêtises. L'histoire de la Côte d'Ivoire est différente de celle des autres pays. La Côte d'Ivoire est un pays de peuplement. Si on demande de chasser l'étranger, les populations de San-Pédro par exemple vont chasser les leurs. A savoir les ressortissants de Séguéla, Boundiali, Tengrela; Odienné, Touba et même ceux du Centre: les baoulés. Voilà où se situe le danger. Chacun a son étranger. On ne peut pas construire tout le débat politique d'une nation comme la Côte d'Ivoire autour des problèmes de nationalité comme l'extrême droite dans certains pays. Rien que les Burkinabé, on nous dit qu'ils sont trois millions. Dans ces conditions, nous disons que ce genre de problème doit faire l'objet d'un débat national parce que rien ne pourra se faire de manière isolée. Et puis, nous avons des rapports avec nos voisins. Il ne faudrait pas qu'on soutienne qu'on a toléré 30% d'étrangers chez nous. A l'époque, un syndicat a été créé pour rechercher des mains d'œuvres étrangères. Ces populations ne sont pas venues d'elles-mêmes. Cela dit, en Côte d'Ivoire, les étrangers ne votent pas. C'est un acquis. Les étrangers sont les étrangers, les Ivoiriens sont les Ivoiriens. Il ne faut pas enlever à un Ivoirien sa nationalité sous prétexte qu'il est étranger. Il faut éviter de confondre l'origine et la nationalité. Autrement, Houphouët nous a dit qu'il est originaire du Ghana.
Lorsque M. Fologo, à la suite d'autres dignitaires proclame sans cesse que plus de 30% des habitants du pays sont de nationalités étrangères, il oublie que bon nombre de ces «étrangers» sont en réalité des nationaux ivoiriens à qui l'on refuse leur statut de nationaux. Par ailleurs, il oublie que certains de ces étrangers pourraient se faire aisément intégrer si l'on ne s'évertuait pas à perpétuer une situation qui semble arranger le pouvoir: à travers ces étrangers, on s'offre à bon compte une réputation de grande tolérance, vis-à-vis de l'extérieur, tout en maniant à l'intérieur la politique du bouc émissaire dès que des difficultés apparaissent sur le plan social.
Le pouvoir sait, il devrait en tout cas savoir que tous les accords internationaux sur la liberté de circulation des personnes prévoient des clauses de sauvegarde. Il est tout à fait loisible à la Côte d'Ivoire de solliciter pour un délai convenu, l'instauration de la formalité du visa, même pour les ressortissants de la Cedeao, afin de stabiliser la population étrangère pour mieux intégrer ceux qui peuvent l'être.
Ne craignez-vous pas que vos prises de position vous enlèvent au religieux que vous êtes, le droit de jouer un rôle de médiateur dans le débat politique actuel?
C'est un faux problème. Je parle en tant que citoyen faisant partie de la société civile. Je suis Imam mais je suis aussi cadre. Aucune loi de la République ne m'interdit de prendre partie au débat politique. Mais en tant que religieux je défends ce qui est vrai, ce qui est juste. Je ne suis pas le seul. Tous les religieux de ce pays peuvent prendre part à ce débat. On a vu le Pasteur Léka. Je le félicite. C'est un homme courageux. Nous avons vu les Evêques se réunir à Korhogo pour parler de politique. Ils ont même produit un livre. Nous avons des cassettes des sermons, des prêches, des homélies dans les différents lieux de culte. Nous les écoutons. Le problème, c'est que lorsqu'un musulman parle on dit qu'il fait de la politique. Nous nous sommes imposés nous-mêmes une discipline. Nous nous sommes dits que nous ne ferons pas de politique politicienne: c'est-à-dire la politique pour conquérir ou exercer le pouvoir. Mais, nous nous préserverons le droit d'influencer celle des politiciens. Aujourd'hui l'existence de la Côte d'Ivoire est menacée. Je ne demanderai pas que tout le monde d'être conscient de cela. Mais moi j'en suis conscient et à partir de ce moment, je demande de faire attention. Nous avons dit dans notre adresse, qu'il y a deux voies possibles: la voie du dialogue ou la fuite en avant qui aboutit inévitablement à l'affrontement.
Parlons du débat politique. Quand des politiciens soutiennent aujourd'hui qu'Alassane est étranger, ils doivent se poser des questions. On ne peut pas en Afrique et surtout en Côte d'Ivoire présenter quelqu'un à toute la nation et lorsque certains intérêts sont mis en cause, on dit qu'il n'est plus Ivoirien. C'est trop facile. On ne peut pas demander à quelqu'un de présenter son certificat de nationalité et quand il le fait on nous dit, sans argument convaincant, que ce certificat n'est pas valable. Et pourtant quand il était Premier ministre tout le monde a vu ses pièces. Personne n'a trouvé à redire. Il faut cesser de faire de la nationalité un moyen de chantage politique, une qualité subordonnée à l'appartenance politique. Chaque citoyen est obligé de prendre part au débat politique. Nous sommes arrivés à un point où les Français, les Américains, les hommes de la sous-région ont réagi. Nous voulons que les hommes politiques s'asseyent pour discuter. Que personne ne soit exclu. C'est le peuple qui peut exclure. La meilleure manière de le faire, c'est de ne pas voter celui qui n'est pas Ivoirien. Si on m'écoute tant mieux.
Sur les conditions d'éligibilité, il est clair qu'aucune argutie juridique ne saurait masquer la manœuvre d'exclusion orientée. C'est le sens de l'adresse du président du Cosim qui ne peut éternellement se réfugier derrière la loi; boutade que le ministre de l'Intérieur feint de ne pas comprendre et qu'il présente comme une incitation à la rébellion contre la loi.
Dans ce débat sur la nationalité d'Alassane Ouattara, une polémique a opposé les dignitaires musulmans au ministre de l'Intérieur. M. Bombet vous a reproché d'avoir boycotté son invitation. Qu'en est-il réellement?
Cette question nous permet de poser un certain nombre de problèmes. Il ne faut pas regarder l'autre avec mépris. Bombet sait que nous ne sommes pas des habitués des couloirs du ministère de l'Intérieur. Il sait qu'il n'y a jamais eu de contact direct entre lui et moi. Pour ne parler que de moi. Il sait aussi que les Imams sont des personnes qui ne fréquentent pas régulièrement les ministères. Il a convoqué des structures aussi bien chrétiennes que musulmanes. Chacune des structures s'est fait représenter par des personnes qu'elles croient valables et compétentes. Il n'a pas fait de remarque aux chrétiens, mais il en fait aux musulmans. Nos frères catholiques ont édité un livre que nous saluons. Chaque Imam cherche à le lire. Nous avons rédigé un bout de papier.
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demander seulement aux antagonistes de s'asseoir pour discuter. Le ministre se saisit de ce document pour aller nous diaboliser devant le parlement. Ça veut dire qu'il y a une vision sélective des problèmes en Côte d'Ivoire. C'est cela le fond du débat. Il faut que cela cesse. Nous avons envoyé des représentants à une réunion convoquée par le ministre. Ce sont des personnes valables, des Imams connus : le vice-président du CNI et Djiguiba Cissé, mon adjoint. Il est l'Imam du Plateau. A cet titre, il nous représente à toutes les réunions tant à l'intérieur du pays qu'à l'extérieur. Comment peut-il affirmer qu'on a boycotté sa réunion ? C'est toujours le regard méprisant qu'il a vis à vis de nous qui continue. C'est comme à la création du CNI. Toutes les religions pouvaient s'organiser. Le jour où nous avons voulu asseoir notre structure, on a eu droit aux bérets rouges. C'est ça le fond du problème. La vision sélective et l'appréciation sélective, les deux poids deux mesures en Côte d'Ivoire.
**Les cadres musulmans semblent eux-mêmes prêter le flanc. Il y a quelques semaines un regroupement à l'Hôtel Ivoire a dégénéré en bagarre. Il s'agissait de réagir après la déclaration de Alassane Ouattara à Paris. On ne vous a pas entendu sur ce sujet.**
Il faut dire que chaque cause à ses bénéficiaires, ses martyres, ses traîtres. On n'y peut rien. Ces cadres musulmans, on les connaît. Depuis qu'ils sont ici ils n'ont jamais pris position lorsqu'il s'agit d'un problème concernant la communauté musulmane. Pour nous, leur présence dans les structures administratives et politiques ne représente rien. Mais nous ne voulons plus d'encadreurs politiques, d'agents politiques mais des leaders politiques, des acteurs politiques. Nous avons besoin de responsables et non des envoyés qui ne peuvent pas répercuter ce que nous pensons vers l'autorité. Chacun est libre. L'histoire jugera les uns et les autres. Une fois encore je félicite la communauté et les cadres catholiques. Au grand jamais ils n'auront des comportements malveillants vis-à-vis de leurs responsables religieux. Heureusement, ce ne sont pas tous les cadres musulmans qui se sont illustrés.
**A l'époque d'Houphouet-Boigny, l'antagonisme entre les hommes politiques et les religieux n'était pas si prononcé. On peut dire que les musulmans étaient en phase avec lui. Avec Bédié, c'est tout à fait le contraire. Vous refusez de faire des prières pour lui alors qu'il vous envoie à la Mecque, vous donne du sucre etc. Qu'est-ce qui se passe ?**
Nous n'avons jamais refusé de faire des prières pour Bédié. Nous allons chaque année à la Mecque pour prier pour le pays. Si nous le faisons pour le pays cela veut dire qu'on a prié pour tous les enfants sans exclusive. On ne peut pas être dans un avion qui dégringole et prier pour soi en omettant d'en faire autant pour tous les passagers.
**Si le pilote se rend compte que vous ne priez pas suffisamment pour lui?**
Si on ne priait pas beaucoup, la Côte d'Ivoire ne serait pas ce qu'elle est. En 1995, on a prié. A chaque moment on prie. Il y a prière et prière. Avec Houphouet c'était au moment du parti unique. Même avec le multipartisme, il n'a cessé de manifester sa sympathie envers les musulmans. Il avait un pacte avec la communauté musulmane.
**Lequel ?**
La communauté musulmane a adhéré au RDA parce qu'elle était la plus grande victime de la colonisation. Quand on leur a dit que c'est Houphouet qui a aboli les travaux forcés, les musulmans ont adhéré entièrement à son programme de libération. La communauté s'est engagée à ses côtés. A cette époque, les cartes du RDA se vendaient dans nos mosquées. Nous avons tout donné à Houphouet, spirituellement, financièrement, physiquement parce que c'était pour nous une manière de nous sauver. Houphouet a su gérer la communauté musulmane. A la création du CNI, il nous a reçus à son palais. Il nous a dit ceci : «C'est vous qui m'avez soutenu depuis 1946 et vous continuez de le faire. Je sais qu'il y a eu beaucoup de choses. Mais je vous demande d'être tolérants». Nous l'avons compris parce qu'il avait le langage pour calmer la communauté musulmane.
**Mais depuis que Bédié a accédé au pouvoir, la communauté musulmane ne lui a jamais désobéi. On est tout le temps allé vers lui.**
**Et pourtant il y a problème ?**
Il y a problème. Ce problème vient de la politique nouvelle et du discours nouveau. Malheureusement, depuis l'avènement du nouveau système, la communauté musulmane ne s'est jamais sentie rassurée dans son existence. Elle se sent visée par toutes les lois votées. Les discours des hommes politiques ne sont pas non plus rassurants. Lorsqu'un secrétaire général d'un parti au pouvoir dit devant le monde entier que l'intégrisme doit s'arrêter aux confins du Sahel à quoi faut-il penser? Les applications, les tracasseries dont la communauté musulmane fait l'objet, les descentes policières dans les mosquées et les provocations manifestes... sont autant de choses qui font que chaque fois qu'on fait un pas en avant avec Bédié, certains de ses collaborateurs nous poussent à faire deux pas en arrière. Personne n'est contre lui. Mais la politique menée inquiète cette communauté au point qu'elle ne sait plus à quel saint se vouer. Il faut que les uns et les autres s'interrogent : «Pourquoi avec Houphouet ça a marché ?» Quand Houphouet a approché la communauté musulmane, personne n'a cherché à savoir qui était son père, sa mère, sa religion. On l'a accepté en tant que frère et on l'a soutenu jusqu'à sa mort. Cela est dû à son comportement et à son discours. Nous sommes désolés qu'aujourd'hui on ramène le problème de la communauté musulmane à un problème de sucre et de billets d'avion. Cela veut dire qu'on fait une mauvaise lecture du panorama socio-politique. La communauté musulmane n'a pas été la plus malheureuse du pays. Elle a financé Houphouet avec son argent. La plupart des secrétaires généraux du RDA de Séguela à Bassam venaient de cette communauté.
Le problème de la communauté musulmane aujourd'hui, c'est une question de sécurité existentielle. Nous sentons venir une nouvelle vision. Quand on arrache à des Ivoiriens leur carte d'identité et qu'on la déchire, qu'est-ce-que cela veut dire ?
**Quelles sont les actions que vous menez pour palier ce genre de comportement ?**
Nous avons toujours cherché à résoudre ces problèmes de manière pacifique. Nous avons tout le temps discuté avec les autorités, fait des déclarations dans des journaux. Mais on a l'impression que les choses vont de mal en pis. Nous ne disons pas que Bédié n' a rien fait. Il nous a aidé à construire la mosquée du Plateau, mais le problème qui est posé est d'un autre genre. Les mosquées, il y en a partout, chaque année les gens vont à la Mecque. Ce qu'il faut savoir, c'est que la construction de la mosquée du Plateau n'est que rétablissement d'une justice. Pour l'histoire, la première mosquée d'Abidjan était située à la place actuelle du monument aux morts au Plateau et l'emplacement du stade H. Boigny était un espace habité en majorité par des musulmans.
**Sur le problème des cartes d'identité arrachées, qu'est-ce que le pouvoir vous a répondu ?**
Nous avons posé le problème. On nous a répondu que certaines cartes d'identité étaient fausses. Mais nous connaissons bien nos populations. Nous avons donné l'exemple du fils de l'Imam de Mankono dont on a confisqué la carte. On trouve que sa figure est trop noire et qu'il doit être un Sénégalais. Quel sentiment voulez-vous que cet Imam garde après un tel coup ?
L'Imam de Kolia né de père et de mère ivoiriens a passé toute une journée de vendredi dans la fourgonnette des policiers. Et pourtant, il a sa carte d'identité. On fait des descentes dans des concessions et on arrache des pièces à des citoyens. Tout simplement parce qu'ils se nomment Diaby... C'est aberrant.
**Face à tant de facteurs d'implosion sociale, que faites-vous ? Envisagez-vous une concertation interconfessionnelle avec les dignitaires des autres religions, notamment catholiques, protestants et autres ?**
Nous avons un programme de contact dans ce genre. Nous sommes en train de réfléchir. Ce sera très prochainement mis en place. Pour les problèmes de défense de Droits de l'homme, je me propose personnellement de mettre une structure en place pour défendre les «sans défense» parce qu'il y a trop d'abus.
**Il y a la Lidho déjà pour ce genre de dossiers...**
On fera avec la Lidho ce qui est possible. Mais il faut trouver des moyens pour défendre les citoyens qui sont victimes de ces choses.
Le débat de la communauté musulmane est un débat de sécurité existentielle. Cela n'a rien à voir avec un débat politique simple.
Si on arrive à annuler le certificat de nationalité de Alassane Ouattara envers et contre l'avis du juge, et pour nous autres? Voilà comment le commun des mortels réfléchit. Cela veut dire que demain on peut prendre n'importe quel titre foncier pourvu que tu aies un nom d'une certaine consonance. On n'est plus sécurisé, on n'est plus rassuré (...)
Ce n'est pas nous qui avons demandé forcément qu'ADO soit président. On nous l'a présenté comme un Ivoirien compétent. Il a pu avoir des sympathisants dans le pays. Aussi bien parmi les musulmans que les non musulmans, parmi les nationaux que les gens de l'extérieur. Pendant qu'il était au pouvoir personne n'a dit qu'il n'était pas Ivoirien.
Son grand-frère de même père que nous connaissons dans ce pays a tout le temps été à l'Assemblée, aujourd'hui deputé-maire de Kong. On ne peut pas comprendre. Ce qui nous gène encore, c'est quand un ancien ministre de la justice, un conseiller du président, de surcroît déclare que même si l'ancien Premier ministre ivoirien produisait un certificat de nationalité toutes les semaines, il restera toujours un non Ivoirien. On est de plein pied dans l'arbitraire. Alors comment voulez-vous que moi un religieux je puisse cautionner cela. Tout religieux doit défendre la Justice. Moïse est venu pour défendre la justice... Le débat doit être reconsidéré sur ce point précis.
INTERVIEW RÉALISÉE PAR
ABDOULAYE SANGARÉ
COLLABORATION: J.R KOUAMÉ
