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Les raisons d'un voyage
- Title
- Les raisons d'un voyage
- Type
- Article de presse
- Publisher
-
Carrefour africain
- Date
- March 11, 1972
- DescriptionAI
- Le chef d'État de Haute-Volta, le général Lamizana, a effectué une visite officielle historique en Égypte et en Libye, la première du genre. Ce voyage a renforcé les liens et permis des discussions approfondies sur la crise du Moyen-Orient, l'unité africaine et la décolonisation. La visite a abouti à des accords de coopération technique, économique et culturelle, et à l'établissement de relations diplomatiques avec la Libye, affirmant le rôle de la Haute-Volta dans la paix et la solidarité interafricaine.
- pages
- 1
- 6
- 7
- 8
- number of pages
- 4
- Subject
- Coopération
- Aboubacar Sangoulé Lamizana
-
Mouammar Kadhafi
- Kogoda Alassane Ouédraogo
- Anouar el-Sadate
- Gamal Abdel Nasser
- Diplomatie
- Conflit
- Paix
- Développement
- Colonialisme
- Économie
- Spatial Coverage
- Le Caire
- Tripoli
-
Égypte
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Libye
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Burkina Faso
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Tchad
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Israël
- Afrique du Sud
- Portugal
- Namibie
- Zimbabwe
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Royaume-Uni
- Mozambique
- Angola
- Guinée-Bissau
- Language
- Français
- Source
-
Bibliothèque du Congrès
- Contributor
-
Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0011652
- content
-
LES RAISONS D'UN VOYAGE
(De nos envoyés spéciaux au Caire et à Tripoli Kogoda Alassane Ouédraogo et Boli Ahmadou)
Le chef de l'Etat reçu à l'aéroport du Caire par M. Hussein El Chaféi, vice-président de la République.
Le chef de l'Etat à son arrivée à Tripoli est chaleureusement salué par le colonel Ghadafi.
Le chef de l'Etat vient d'effectuer une visite officielle en République Arabe d'Egypte et en République Arabe de Libye sur invitation des gouvernements de ces deux pays. C'était la première fois qu'un chef d'Etat voltaïque se rendait dans cette partie de l'Afrique.
C'était surtout la première fois que le général Lamizana entendait scander son nom en arabe. Il convient alors de souligner les marques exceptionnelles d'hospitalité, de cordialité et d'amitié manifestées par les milieux officiels, mais également par l'opinion publique et la presse des deux pays.
Certes, l'Egypte et la Haute-Volta entretiennent des relations diplomatiques et, depuis 1969, des accords commerciaux ont été signés entre les deux pays. Par contre la Libye n'entretient pour l'instant aucune relation avec la Haute-Volta, que ce soit au niveau diplomatique ou commercial. La chaleur de l'accueil réservé au chef de l'Etat et à sa suite trouve alors sa justification dans les bons rapports que Ouagadougou a toujours entretenus avec les capitales arabes.
C'est la raison pour laquelle en 1971, une délégation libyenne avait séjourné en Haute-Volta où elle avait expliqué au président Lamizana, la position de la Libye dans le conflit qui l'oppose au Tchad. A l'issue de l'entretien le chef de la délégation avait déclaré avoir trouvé compréhension auprès du président voltaïque.
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LES RAISONS D'UN VOYAGE
Les chefs des Etats libyen et voltaïque au cours de leur échange d'allocutions.
Durant sa visite, le chef de l'Etat était constamment accompagné du ministre d'Etat chargé de la Planification.
Le gouverneur d'Alexandrie M. Fouad Mohédine remettant le drapeau et la clef de la ville.
Les ministres ayant accompagné le chef de l'Etat en séance de travail au Caire.
Les ouvriers de l'usine de filature et de tissage de la région de Helwan acclamant le chef de l'Etat.
(Suite de la page 1)
De plus, le gouvernement voltaïque a voté en faveur de la résolution 242 du 22 novembre 1967 qui demande entre autres l'évacuation par Israël des territoires arabes occupés, la fin de l'état de belligérance et enfin le respect des droits légitimes du peuple palestinien.
Au ministre israélien des Affaires étrangères, son homologue voltaïque, lors de son séjour à Tel-Aviv, avait répondu en substance : « Nègres et Arabes sont liés par la géographie et l'histoire ; il existe entre eux des relations privilégiées. »
« LE GRAND HOTE »
Cette position sans équivoque de notre pays vis à vis de la crise du Moyen-Orient a constitué une des raisons qui ont plaidé en faveur de l'hommage réservé au chef de l'Etat voltaïque et à sa suite. Durant tout le séjour officiel en Egypte, le chef de l'Etat et les 23 membres de sa suite ont été logés au Palais de « Koubbeh » habituellement réservé aux hôtes de marque, tandis que le titre de « Grand Hôte » attribué au général Lamizana, était entré dans le langage populaire. Pendant que le chef de l'Etat recevait de son homologue égyptien le « collier du Nil » une des plus hautes distinctions, j'allais dire la plus haute de l'Egypte, toute la suite présidentielle au complet, s'est vu décerner des décorations. Dans le discours qu'il a prononcé au cours d'un banquet au « Palais d'Abdine », le premier vice-président de la République, M. Hussein El Chafei, qui représentait le président Sadate indisposé, a exalté cinq fois l'amitié qui le lie à la personne du général Lamizana.
A Helwan, la banlieue industrielle du Caire, 9.000 ouvriers des usines de fer et de l'acier ainsi que 16.000 ouvriers des usines de filature et de tissage ont abandonné leurs machines pour longuement ovationner le président de la République tandis que de charmantes étudiantes entonnaient des chansons arabes en l'honneur du « Grand Hôte » à l'entrée de la société « Meadi » pour les productions militaires. A Alexandrie seconde ville de l'Egypte qui compte près de deux millions et demi d'habitants, très réceptive en tant que ville portuaire qui voit chaque jour défiler toutes les nationalités, plus de 150.000 personnes massées aux abords des avenues, ont accueilli le chef de l'Etat et sa suite par des « hourrah » prolongés. La presse égyptienne, notamment « le Journal », quotidien en langue française paraissant au Caire et le « Progrès » et la « Gazette » respectivement de langue française et de langue anglaise paraissant à Alexandrie, ont consacré au séjour officiel des titres en rouge et des photos à la première page de leurs éditions. La télévision libyenne quant à elle faisait une rétrospective de la visite du chef de l'Etat en France et en Egypte et consacrait des émissions spéciales sur la Haute-Volta, son histoire, sa géographie etc... et insistait sur l'importance du rôle que notre pays peut jouer en faveur de la paix et de la coopération bilatérale.
Cet hommage rendu au chef de l'Etat et à sa suite et, à travers eux, à la Haute-Volta mérite d'être souligné, surtout en ce qui concerne la RAE qui est dans un état permanent de mobilisation de ses ressources humaines et matérielles pour parer à toute éventualité.
PAR DELA LES ELANS...
Mais le chef de l'Etat ne s'est pas contenté de vivre des impressions de voyage. Quel sens alors donner à cette visite officielle par-delà les élans et les enthousiasmes qu'elle a « suscités ». S'agissait-il d'une visite fraternelle ou bien militante ou bien encore d'un geste d'amitié de deux pays dont l'un, l'Egypte, bien que encore sous-développé demeure technologiquement avancé et possède un poids politique et un capital d'influence au Proche-Orient et l'autre, la Libye, pourvue d'immenses réserves pétrolières, en faveur d'un pays moins favorisé ? Le voyage du chef de l'Etat, c'est tout cela à la fois, un voyage d'une importance à la fois humaine, politique et économique.
— La fraternité : l'Egypte et la Libye sont avant tout des pays africains, de surcroit tous membres de l'OUA, des membres d'un ensemble politique. Cet ensemble politique dont le premier vice-président de la RAE a souligné l'importance en tant qu'instrument de paix. Dans le discours qu'il a prononcé au banquet, il a fait remarquer que cette visite constitue « l'expression fidèle et sincère de l'esprit de solidarité africaine dont nous avons fondé les bases dans la charte de notre organisation et qui constitue véritablement un point lumineux de l'histoire de notre continent et sur la voie de la lutte de ses peuples ». A cela, il faut ajouter que si le passé les a séparés, Egyptiens, Libyens et Voltaïques ont un destin collectif. De toutes les manières, aucun pays ne peut vivre sur des bases strictement et égoïstement nationales. Tout pays replié sur lui-même ou réduit à ses dimensions ne saurait avoir qu'une indépendance illusoire.
Visite militante : Parce que l'avenir de la paix au Moyen-Orient dépend en grande partie de l'Egypte et de la Libye, membres de la Fédération des Républiques Arabes, toute initiative en faveur ou contre la paix ne peut être prise sans les consulter. En effet, la Fédération des Républiques Arabes, c'est un ensemble de 40 millions d'habitants, c'est à dire plus de la moitié de la population du monde arabe (exception faite du Maghreb) et plus de 65 % du produit intérieur de l'ensemble cité. La Fédération des Républiques Arabes, c'est aussi 400 millions de tonnes de pétrole représentant plus de la moitié de la consommation européenne. Il est certain que tous ces facteurs constituent un atout économique et même une arme à la disposition de cet ensemble qui, dans l'éventualité d'une non-ouverture du canal de Suez permettrait aux membres de la Fédération, dans toute négociation aussi politique qu'économique, de parler au nom de 400 millions de tonnes de pétrole. Les grandes puissances consommatrices de pétrole en sont d'ailleurs conscientes et l'ont appris à leurs dépens. En effet, à la veille de la guerre de six jours, de nombreux « spécialistes » criaient à qui voulaient les entendre que les Arabes « pouvaient boire leur pétrole ». Il a fallu la crise 1971 pour qu'ils aient recours à une déchirante révision de leurs positions, car leurs pays restent tributaires du pétrole arabe.
Indépendamment des réalités globales, il faut considérer le rôle que peut jouer chaque pays dans le conflit du Moyen-Orient. Comparativement à la Libye, l'Egypte manque de ressources naturelles. Par contre, le volume de sa population et sa position géographique comme avant poste avancé du front israélo-arabe lui donnent un certain poids dans le conflit du Moyen-Orient. C'est ainsi que, après la défaite des armées arabes, le monde arabe s'est tourné vers l'Egypte. Quant à la Libye, elle dispose de disponibilités financières que lui confèrent ses 160 millions de tonnes de pétrole par an et qui lui permettent de voler au secours des fragiles économies de guerre des autres pays de la région. L'existence de la Fédération des Républiques Arabes peut être interprétée comme un effort réalisé par l'Egypte et la Libye pour replâtrer les fissures de cette région balkanisée qu'est le Proche Orient. De plus, la présence de l'Egypte et de la Libye au sein de cet ensemble donne une coloration africaine au conflit.
La Haute Volta qui a toujours prêché l'instauration de la paix à quelqu'endroit que ce soit, ne pouvait ignorer les pays qui détiennent les clefs de cette paix. En rendant visite à l'Egypte et à la Libye, la Haute-Volta accomplit ainsi une mission de paix dont la justification se trouve dans l'attrait qu'exercent ces pays et dans de nombreux liens qui l'unissent à la Haute-Volta, la similitude des problèmes inhérents à tout pays sous-développé et l'espérance commune dans l'avenir. Cela le chef de l'Etat n'a pas manqué de le mentionner dans le discours qu'il a prononcé au banquet qui lui a été offert au Caire.
« Nous sommes heureux de nous trouver aujourd'hui dans ce pays prestigieux par l'histoire, par l'impact de sa religion, par le renom de ses savants, de ses poètes et de ses universités. Toutes ces valeurs traduisent, à n'en pas douter, le génie d'un peuple, celui du grand peuple égyptien. Si au cours de leurs histoires déjà longues, devait poursuivre le chef de l'Etat, si différentes l'une de l'autre, l'Egypte et la Haute-Volta ont été séparées par de multiples facteurs, nous savons aujourd'hui que tout concourt à nous rapprocher et à nous conduire à une meilleure connaissance réciproque, car, pour l'essentiel, nos problèmes, nos difficultés de même que nos aspirations et nos espoirs sont les mêmes. Leur dimension différente n'est pas essentielle dans la mesure où leur essence et leur fondement sont identiques et dans la mesure également où la conjugaison de nos forces et de nos bonnes volontés autorisent à entrevoir des solutions valables.
Indépendamment de notre appartenance à un même continent, de nombreux points communs rapprochent la RAE et la République de Haute-Volta ». Et le président de la République d'énumérer ces points.
Démographie galopante de 80 à 90 % rurale.
— appartenance des deux pays au tiers monde et situation de pays en voie de développement dont les traits essentiels sont : insuffisances et insatisfaction dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la formation professionnelle.
Le chef de l'Etat a enfin souligné que le fait que l'Egypte soit plus en avance dans ces différents domaines constituait une raison pour que notre pays s'en inspire.
UN SEUL CONTINENT, UNE MEME LUTTE
Un des traits essentiels de l'invitation faite au général Lamizana a été justifié par le désir des autorités du Caire et de Tripoli de sensibiliser la Haute-Volta à la question palestinienne et au problème posé par l'occupation des territoires égyptiens après la guerre de six jours. Au Caire comme à Tripoli, la présence du chef de l'Etat a été l'occasion de replacer la question des territoires arabes occupés dans ses limites africaines et de considérer la lutte du peuple égyptien comme une lutte globale de l'Afrique contre le colonialisme.
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LES RAISONS D'UN VOYAGE
En Libye, le chef de l'Etat salue ici les chefs des missions diplomatiques.
Dans les usines Meadi pour les productions militaires, de jeunes étudiantes acclament le chef de l'Etat.
« Je ferai du désert un paradis » avait dit le président Nasser ; ce qui semblait n'être qu'un slogan est devenu une réalité. Ici, dans une ferme-pilote.
Les ouvriers des usines du fer et de l'acier ovationnent le chef de l'Etat.
L'Université de Libye qui comptera 10.000 étudiants. Le chef de l'Etat l'a visitée et dans l'avenir, dans le cadre des échanges culturels, la Haute-Volta enverra probablement des étudiants.
Mécanisée, arrosée par les eaux du Nil à l'Ouest de la RAE on récolte 825 kilogrammes de blé et 760 kilogrammes de maïs par hectare.
L'Egypte en état de mobilisation. Ici, dans le musée de l'Egypte on remarque des sacs de sable pour parer à toute éventualité.
(Suite de la page 6)
Définissant le président Lamizana comme « leader africain, combattant et libre » le Premier vice-président de la République Arabe d'Egypte a fait remarquer que « notre lutte est longue et pénible, car les puissances coloniales qui nous affrontent essaient avec insistance d'affaiblir nos pays, de les épuiser et de gaspiller leurs énergies. Ces puissances déploient tous leurs efforts dans le renforcement de leur politique d'expansion, les opérations de séparatisme et de sabotage et pour perpétuer le racisme à travers le continent. Ces puissances ont recours à tous les moyens, y compris la force armée pour renverser les régimes qui résistent à la domination et à l'exploitation. L'Egypte s'est toujours tenue aux côtés des pays qui luttent pour vaincre toute forme d'agression. Elle agit ainsi car elle croit fermement qu'une agression menée contre un pays, est une agression contre l'ensemble du continent... L'Egypte a placé la lutte du peuple palestinien dans le même contexte que celui des mouvements africains, car la liberté est indissociable, la paix et la justice sont inséparables et la lutte menée par l'Egypte contre l'occupation israélienne au nord fait partie de la bataille menée par l'Afrique au sud. »
Quant au colonel Ghadafi, il a souligné que la visite du général Lamizana « s'inscrit dans le cadre du renforcement de la lutte du peuple africain. Les impérialistes et les colonialistes ont essayé de séparer le nord et le sud du continent. Mais leur impérialisme a échoué et l'Afrique est maintenant libre pour combattre l'impérialisme et réaliser son unité... »
Le chef de l'Etat, de son coté, avait notamment déclaré, dans des interview accordées à la télévision et à la radio égyptiennes que « l'Egypte est un territoire africain, donc un patrimoine africain commun. Quant à l'occupation des territoires, il s'agit d'une partie, de l'Afrique qui est arrachée. Il faut coûte que coûte respecter les résolutions de l'OUA et de l'ONU. Il faut que la RAE récupère ses terres. Nous avons toujours dit qu'il ne faut pas s'obstiner à annexer une partie du territoire appartenant à un pays... »
PROCES DE L'IMPERIALISME ET SOUTIEN AUX MOUVEMENTS DE LIBERATION
Si au cours de la visite du chef de l'Etat, la crise du Moyen-Orient a été l'un des sujets majeurs des discussions, d'autres questions politiques, notamment celle ayant trait à l'Afrique encore sous domination étrangère a longuement été débattue. Sur ce point, on note une identité de vue chez les responsables voltaïques, égyptiens et libyens.
Ainsi, à la télévision égyptienne, les déclarations du chef de l'Etat concernant ce problème ont été sans équivoque. En effet, devait-il opiner : « L'Afrique consciente, l'Afrique voulant être elle-même, voudrait débarrasser définitivement son sol de ces racistes comme la Rhodésie, l'Afrique du Sud et le Portugal. Là-dessus, notre position est conforme à la vôtre. Nous crions de toutes nos forces qu'on nous laisse tranquilles et qu'on nous laisse disposer de nos terres afin que nous nous organisions nous-mêmes. Un jour viendra où l'Afrique sera elle-même, elle récupérera ses terres et elle sera un continent libre et prospère. »
Emboîtant le pas, le vice-président M. Hussein El Chafeï avait déclaré, parlant de l'Egypte : « Nous poursuivons avec fermeté et détermination notre appui à tous les principes et résolutions de notre organisation concernant l'Afrique du Sud, la Rhodésie et les territoires sous domination portugaise. Nous réclamons l'octroi de l'indépendance aux territoires occupés par le Portugal et nous appuyons avec force les mouvements africains de libération nationale afin qu'ils puissent remporter la victoire. La logique de l'agression est toujours la même, que ce soit au sud ou au nord du continent. C'est pourquoi notre lutte se poursuivra jusqu'au moment où ces forces brutales admettront enfin tous nos droits à la souveraineté sur nos territoires et pour que le drapeau de la liberté flotte sur notre continent pour la prospérité de l'homme africain et de sa dignité. »
Même attitude du côté libyen où le colonel Ghadafi a déclaré qu'en ce qui concerne son pays « nous n'hésitons pas et nous sommes prêts à accorder des armes aux pays africains qui souffrent encore de l'impérialisme. Nous sommes prêts à participer avec les autres pays africains, à former une armée pour lutter contre les impérialistes soit en Rhodésie en Afrique du sud soit dans les territoires sous domination portugaise... Nous croyons que l'Afrique est très riche et peut utiliser cette richesse pour mettre fin à l'exploitation des impérialistes occidentaux. »
DES RESULTATS POSITIFS
Par la portée et les résultats qu'on est en droit d'en attendre, la visite du chef de l'Etat en RAE et en RAL peut être considérée comme positive. A maints égards, elle a dépassé toutes les attentes en ce qui concerne le rôle que peut jouer la Haute-Volta dans le domaine de la compréhension inter-africaine et de la coopération bilatérale, compréhension et coopération qui ont trouvé leurs places dans les deux communiqués conjoints publiés au Caire et à Tripoli. En effet, parmi ces résultats positifs il faut souligner le rôle de conciliateur et de contributeur à la paix reconnu à notre pays. Sur le plan politique, les deux communiqués précisent que les deux parties après avoir procédé à un tour d'horizon de la situation internationale et après s'être félicités de l'utilité de telles rencontres, qui sont de nature à renforcer la coopération interafricaine en vue de débarrasser le continent africain de toute forme de domination étrangère ;
— expriment leur soutien à tous les mouvements africains de libération et mettent l'accent sur la nécessité de les aider davantage dans leur lutte en vue de libérer du colonialisme, toutes les parties du continent africain ;
— les deux parties soulignent la nécessité de mettre en application les résolutions adoptées par l'OUA sur la Namibie, la Rhodésie du Sud et les régions sous domination portugaise. Elles demandent au Portugal d'octroyer l'indépendance aux territoires qu'il occupe et de cesser tous les actes de terrorisme et de persécution perpétrés contre les patriotes militants.
Après avoir dénoncé la politique de discrimination raciale, rendu hommage à la résolution de la 26e session de l'ONU qui rejette l'accord conclu entre la Grande-Bretagne et le régime illégal de Ian Smith et exigé le droit du peuple du Zimbabwé de disposer de lui-même, le communiqué publié au Caire déplore la mauvaise volonté de quelques membres du Conseil de Sécurité de regarder les problèmes africains en face et de leur trouver les solutions qui s'imposent.
Concernant la crise du Moyen-Orient, le communiqué égypto-voltaïque précise que le président Lamizana a souligné la nécessité du retrait des troupes israéliennes de tous les territoires occupés et se rallie à la commission des dix sages de l'OUA. En fin le même communiqué réaffirme l'inadmissibilité de l'acquisition de territoires par la force. Quant au communiqué libyo-voltaïque, on ne saurait trop souligner l'importance que revêt pour les Voltaïques, la partie de la déclaration qui affirme qu'après toutes les tentatives de règlement, la « lutte armée reste le seul moyen pour chasser le colonialisme de l'Afrique du Sud, de la Rhodésie, du Mozambique, de l'Angola et de la Guinée Bissau. »...
LES MAINS PLEINES
Le président de la République n'est pas revenu les mains vides, car si au cours de son voyage les problèmes politiques ont tenu la vedette, les questions économiques ont également trouvé la place qui leur revient. Que ce soit dans les communiqués conjoints ou dans les discours officiels, la volonté des trois pays de coopérer a été affirmée.
La composition de la suite présidentielle laissait d'ailleurs présager des domaines dans lesquels la Haute-Volta entendait solliciter le concours des deux pays, dans lesquels un pays comme l'Egypte par exemple possède une avance et une expérience solide : c'est ainsi que dans le domaine de la scolarisation, l'Egypte, avec 80 % de scolarisation, a atteint un taux voisin de celui de certains pays développés. En matière de santé le prix de cession des médicaments est parmi les plus bas du monde, tandis que les efforts en faveur de l'élevage ont fait que ce secteur intervient pour une grande part dans le revenu du monde rural. Dans le domaine industriel, l'Egypte c'est 200 milliards de khw par an, 65 cm de lames de fer par seconde, etc... Quant à la Libye, son revenu moyen est de 2 milliards, c'est aussi 160 millions de tonnes de pétrole par an, c'est enfin une université de 350 hectares qui sera appelée à abriter près de 10.000 étudiants. C'est dans ce contexte que les ministres intéressés et les experts qui les accompagnaient ont travaillé, parfois en sessions nocturnes avec leurs homologues tant égyptiens que libyens. Les résultats de ces travaux ont été publiés dans les deux communiqués conjoints. C'est ainsi que responsables égyptiens et voltaïques ont décidé de renforcer leur coopération dans les domaines technique, économique et commercial. De même la Libye et la Haute-Volta ont signé des accords techniques, dans le domaine de la coopération technique et culturelle. Bien que les deux communiqués ne précisent pas de quelle manière ces accords fonctionneront sur le plan pratique, on peut penser que l'Egypte et la Libye qui possèdent une infrastructure technique et universitaire très développée, pourraient par exemple recevoir des boursiers voltaïques dans leurs différentes écoles.
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Les raisons d'un voyage
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Pour une meilleure connaissance réciproque des trois pays, la Haute-Volta, l'Egypte et la Libye pourront échanger des techniciens, des professeurs et des artistes pour promouvoir les sciences, les lettres, les arts et la culture.
Enfin, sur le plan diplomatique la Haute-Volta et la Libye ont décidé d'établir des relations diplomatiques à « leur meilleure convenance ».
Ainsi le voyage du chef de l'Etat a été une réussite à la fois politique par l'identité de vue qui s'est dégagée concernant les différents problèmes qui secouent actuellement le monde, économique par la volonté des trois pays de renforcer leurs rapports et diplomatique par la perspective d'une éventuelle présence de notre pays en Libye.
Ainsi s'estompe petit à petit, l'image d'une Egypte et d'une Libye lointaines et hermétiques, cette Egypte et cette Libye que nous ne connaissons que par référence à l'histoire et à la géographie, référence souvent trompeuse, parce que cette histoire elle-même est souvent soit légendaire, soit trompeuse et aussi parce que la géographie est souvent une science à illusions. En effet, contrairement à ce qui se dit souvent, nous avons vu en Egypte des kilomètres de verdures, des kilomètres de champs de blé, d'avoines, de maïs... ces kilomètres que le colonisateur s'était ingénié à présenter comme étant éternellement voués à la chaleur des sables du désert. Espérons que de telles visites de multiplient afin que soient brisés les égoïsmes nationaux. Ainsi l'héritage que nous laisserons aux générations futures sera un monde où les incompréhensions feront place à la coopération.
Kogoda Alassane Ouédraogo.