Article
Menace sur le ramadan / Kouassi N'Dri Wlegby Président de UBOPROVI (Union des Bouchers Professionnels Ivoiriens) : "Voici pourquoi le prix de la viande va encore augmenter"
- Title
- Menace sur le ramadan / Kouassi N'Dri Wlegby Président de UBOPROVI (Union des Bouchers Professionnels Ivoiriens) : "Voici pourquoi le prix de la viande va encore augmenter"
- Type
- Article de presse
- Creator
- Stéphane Beyniouah
- Publisher
-
Le Jour Plus
- Date
- August 1, 2010
- DescriptionAI
- Le président de l'Union des Bouchers Professionnels Ivoiriens (UBOPROVI), Kouassi N’Dri Wlegby, annonce une augmentation inévitable du prix de la viande avant le Ramadan. Il explique que les bouchers travaillent à perte depuis des années, n'ayant jamais pu répercuter leurs charges sur les prix de vente et que les mesures de marge bénéficiaire convenues en 2008 n'ont jamais été appliquées. La principale cause n'est pas le racket routier, qui a diminué, mais la spéculation orchestrée par certains opérateurs économiques qui contrôlent l'approvisionnement. Face à la faillite, les bouchers seront contraints de fixer de nouveaux prix.
- number of pages
- 1
- Spatial Coverage
- Mauritanie
- Nouakchott
- Abidjan
- Ouagadougou
- Bamako
- Dakar
- Grand-Bassam
- Port-Bouët
-
Côte d'Ivoire
-
Nigéria
-
Togo
-
Ghana
- Language
- Français
- Contributor
-
Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0010960
- content
-
Menace sur le ramadan / Kouassi N’Dri Wlegby Président de UBOPROVI (Union des Bouchers Professionnels Ivoiriens)
« Voici pourquoi le prix de la viande va encore augmenter »
A quelques jours de la célébration de la fête du ramadan, le président de l’Union des Bouchers professionnels Ivoiriens (UBOPROVI), Kouassi N’Dri Wlegby rompt le silence sur l’inévitable augmentation du prix de la viande au Kilogramme. Il donne les raisons et soutient que cette fois-ci les tracasseries routières ne seront pas la raison.
**Pouvez-vous nous donner les raisons de cette augmentation prévue en plein RAMADAN ?**
Je vous remercie infiniment d’avoir eu le privilège de vous intéresser à cette importante filière. Savez-vous que les gens comprennent que seul, celui qui vit le métier et qui le pratique, peut faire une investigation, un bilan ou même revendiquer. C’est de ça qu’il s’agit. Je ne suis pas un arriviste. Je suis l’activiste de la filière depuis la rencontre tenue en Mauritanie à Nouakchott en Mars 1992. Cette date demeure, à mon avis, la principale référence de la recherche sur la compétitivité de la filière dans la sous région. Ces principaux objectifs étaient la gestion de l’information, l’organisation des professionnels, la réduction des entraves administratives, l’amélioration des infrastructures et des transports, l’accès au financement, la concertation régionale et enfin l’harmonisation des politiques en passant par Abidjan en 1994 et 1996, date de la création du cadre national de la concertation de la filière bétail viande. A cela il faut ajouter celle de Ouagadougou 1997, Bamako 1998 et Dakar 1999. Depuis cette date jusqu’à ce jour, les bases du développement de la filière sous régionale ont été établies, et depuis, malheureusement, les bouchers n’ont jamais pu majorer la composante de leurs charges sur leurs prix de vente au détail. Donc nous travaillons à perte. Maintenant nos connaissances professionnelles ont été rehaussées mathématiquement. On doit donc répercuter nos charges sur nos prix de vente d’ici peu. Les mesures prises par le ministère des Ressources Animales et Halieutiques pour garantir la marge bénéficiaire du boucher détaillant, depuis l’atelier portant sur la professionnalisation de la filière bétail et de la viande et de la maîtrise du prix au Kg de la viande les 11,12et13 Novembre 2008 à GRAND-BASSAM, n’ont pu voir jour jusqu’à maintenant. Nous ne pouvons plus maintenir le prix d’alors, il faut s’attendre à une inflation sur le marché d’ici peu si rien n’est fait au niveau des instances. Cela se remarque déjà dans nos abattoirs ou les chevillards n’hésitent pas à revoir leurs prix à la hausse, voir 1500 F CFA à 1650 F CFA en gros. Parce que vivant une situation difficile à cause du coût d’approvisionnement selon eux. A Bassam, il avait été arrêté que le boucher avait 245 F /kilo pour couvrir ses charges d’entreprise et 130F/kilo comme marge. Soit un montant total de 375 au kilo. Si nous majorons nos 375 F/Kg sur le prix d’achat en gros à 1 650 F/Kg, du coup on se retrouve avec un montant de 2025 F/Kg. Or nos prix de vente dans nos marchés communaux sont de 1 800 F/Kg, soit une perte de 225F/Kg, et si nous raisonnons en semaine, en mois, en année, vous imaginez la suite. Dans ce cas d’exemple nous avons raisonné avec une capacité de vente de 75F/Kg par jour et en ces temps maigres, il y a combien de bouchers qui vendent au-delà de ce poids dans nos marchés ?
C’est dire que nous sommes au bord de la faillite, et si rien n’est fait nous serons dans l’obligation de prendre nos responsabilités de fixer le nouveau prix de la viande. On n’a pas le choix ça s’impose à nous et on est obligé.
**Pourtant, l’on a tendance à accuser les FDS ?**
Vous savez, cette la chanson de tous les jours, notamment la tracasserie routière et autre racket des Forces de Défense et de Sécurité fait partie du chapelet d’argument de certains opérateurs économiques et les affairistes qui refusent d’être cités comme les responsables de l’inflation dans nos marchés à bétail et dans nos abattoirs. Ce d’autant plus que le mouvement de lutte contre le racket lancé en juin 2008 et soutenu par le chef d’Etat Major des Armées, en l’occurrence Monsieur le Général MANGOU Philippe, que je tiens à féliciter au passage, a produit des résultats satisfaisants à notre niveau. Avant cette date de la mise en place de cette opération, la direction de l’abattoir a publié la liste de plus de 105 barrages de Pogo à l’abattoir de Port-Bouët en 2004. Ces barrages coûtaient plus de 805 000 francs par camion. Mais nous sommes passés de 59 à 19 barrages. Les prix de la viande en gros n’ont pas connu de baisse de l’année 2004 à ce jour. En ce qui concerne le District d’Abidjan, en novembre 2008 quand on partait en atelier de Bassam, notre charge que prenait le racket était de 175/kg. Mais à ce jour nous sommes à 15frs/kg. Qu’on ait l’honnêteté de reconnaître et de situer les responsabilités qui sont ailleurs au lieu de se focaliser sur le racket des FDS et le cas des « tuteurs ». Que les gens comprennent que nous ne boxons pas dans la même catégorie car d’autres sont vers la porte de sortie et d’autres vers la porte d’entrée. A ce titre nous ne pouvons pas adopter le même comportement de se plier en huit encore moins se taire devant les décisions qui n’honorent pas notre corporation.
**Alors où se trouve la vérité sur la fluctuation intempestive ?**
Les prix ne sont pas maîtrisés au détriment exclusif des consommateurs. Il y a aussi les bouchers détaillants qui malheureusement n’ont pas de fonds spécifiques dédiés à la boucherie et les difficultés d’accès au financement. Mon discours dérange certaines personnes de la filière bétail et de la viande. Je suppose que la vérité, c’est qu’aujourd’hui, certains opérateurs économiques et des affairistes créent la spéculation. Ils ne pensent qu’accroître leurs capitaux. Il y a aussi le parc à bétail de l’ex un Ranch du district de Port-Bouët qui est devenu entre les mains et des affairistes qui sont à cheval entre les marchés côtiers et des pays du sahel, pour mieux organiser la spéculation en vendant les animaux selon l’offre et la demande. Aujourd’hui, les animaux sont embarqués dans les pays fournisseurs selon le prix de vente des marchés terminaux des pays côtiers, notamment la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Togo et le Ghana.
**On vous taxe de faire trop de discours ?**
La viande fraîche au kg en gros est chère. C’est un fait, mais il n’y a rien qui est fait pour faciliter les initiatives des jeunes que nous sommes. Je veux dire que partout dans les autres secteurs d’activité économique, en tout cas partout où je suis l’actualité économique, il y a des subventions, des aides pour les jeunes créateurs. Dans notre secteur, c’est impossible. Pour revenir au dernier cas que j’ai relevé, le boucher détaillant n’a jamais pu majorer ses charges sur son prix de vente à ses clients acheteurs. Depuis lors il fait quoi pour se maintenir jusqu’à ce que les choses reviennent en ordre. Dans un système où il paie très cher sa marchandise et venir revendre moins cher. C’est le système anti-commercial. Ce que je mets en cause, c’est que d’ici peu, aucun boucher ne pourra tenir le coût. Si rien n’est fait dans ce sens. Ce n’est pas que j’ai décidé de faire l’impasse, mais on n’a simplement pas les moyens de tenir. Je ne suis pas un vantard, je n’ai pas la prétention non plus d’être le boucher le plus intellectuel, le plus aimé et le plus connu de Côte d’Ivoire. J’ai des membres qui se plaignent de la situation que nous vivons depuis longtemps. Nous vivons de ce métier, ce n’est pas le cas des autres qui se font passer pour des bouchers. Mais en réalité, ils vont vendre leur coton, leur maïs, leur cacao ou même aller à la caisse de la CNPS, au trésor pour aller prendre leur argent pour faire face à leurs besoins financiers. Mais en même temps, je ne suis pas dans les bonnes grâces de certains. Je ne suis pas le chouchou des opérateurs économiques, des affairistes et des présidents des autres structures et institutions de la filière tout simplement parce que mon discours dérange ces genres de personnes. Mais j’assume parce que la boucherie que je fais est un métier de combat et je continue de travailler avec mon équipe. Les autres présidents de structure n’ont pas mon style tant dans la façon dont je veux que la boucherie soit organisée chez nous que dans les autres pays de la sous région et créer de l’emploi pour les jeunes.
**Vous voulez mettre fin aux chaînes de voleurs, en avez-vous la capacité ?**
Avec ce qui se passe, on peut se poser la question de savoir qui a intérêt que le désordre règne dans ce milieu ? On se demande à qui profite la faillite et de la viande en Côte d’Ivoire ? Pour le moment, il n’y a pas d’espoir pour l’augmentation du prix de la viande fraîche au kg chez les bouchers détaillants sur nos marchés communaux. Je pense que les problèmes viennent de ce qu’on ne pose jamais les bonnes questions. Et si on ne pose pas de bonnes réponses. La « Chaîne » est venu du constat que j’avais du sort réservé à notre filière. Nombreux sont ceux qui prétendent se battre pour que notre filière se développe afin que le prix de la viande au kg soit accessible à tous . Tous nos dirigeants ont de grands projets de développement pour la filière. Les organisations internationales d’aide au développement dont les noms sont à la une de grands séminaires, des ateliers etc… dans nos capitales respectives prétendent toutes vouloir nous aider. Aujourd’hui, notre filière est comme un malade avec beaucoup de médecins autour de lui. Mais le sort du malade n’évolue pas. A un certain moment, il faut qu’on s’interroge. Est-ce qu’ils ont intérêt à ce que le malade guérisse ? Donc la question de « chaîne de voleurs » revient aujourd’hui avec la même situation de notre filière. On peut même se poser la question parce qu’apparemment il y en a qui sont très bien dans cette situation du désordre.
**Pensez-vous que la filière a du mal à appliquer les textes eu égard à ce qui se passe à la fédération, confédérations des fédérations nationales et au marché à bétail ?**
La filière est forcement malade de ces hommes d’affaire et certains opérateurs économiques qui sont les complices de toutes pagailles. Il ne faut pas croire qu’il y a des recettes miracles, c’est comme dans la question de la corruption. Il n’y a pas de recette miracle. On édite des règles, on fait une large diffusion, on décide de punir celui qui ne respectera pas les règles. Ce qui n’a jamais été le cas. Le problème chez nous c’est que la confédération des fédérations des pays de l’UEMOA, a toujours été pour le développement mais elle a toujours soutenu la cherté de la viande en gros dans nos abattoirs. Les bouchers détaillants n’ont jamais été assistés dans leur cri de cœur. Je veux dire que si votre propre comportement n’a pas de valeur d’exemple, comment pouvez-vous donner un exemple aux autres ? Quelle légitimité j’ai pour mettre fin aux désordres des affairistes. Une chose est de dire qu’on veut avancer, une autre est de poser des actes pour avancer ; tout simplement parce que je ne suis pas un président aveugle et sourd-muet.
Interview réalisée par STEPHANE BEYNIOUAH
