Article
Pénurie de sucre : où est donc passé le sucre?
- Title
- Pénurie de sucre : où est donc passé le sucre?
- Type
- Article de presse
- Creator
- Sylvain Hassan Boza
- Publisher
-
Le Jour
- Date
- January 20, 1996
- DescriptionAI
- Une pénurie de sucre frappe la Côte d'Ivoire, entraînant une hausse des prix et des difficultés d'approvisionnement, particulièrement à l'approche du mois du jeûne islamique. Le phénomène est attribué à la spéculation des petits détaillants qui retiennent le produit, à une forte demande, aux achats massifs par des leaders politiques et potentiellement à l'exportation privilégiée. Cette situation met en lumière le défi du contrôle des prix dans un marché libéralisé.
- number of pages
- 1
- Language
- Français
- Contributor
-
Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0010237
- content
-
# Pénurie de sucre
## Où est donc passé le sucre?
Depuis quelques jours les consommateurs ivoiriens constatent une pénurie de sucre. Une situation d'autant plus inquiétante que le mois du jeûne islamique, une période de grande consommation de sucre, débute demain. Enquête.
A Yopougon Sicogi, Mme Koukougnon discute depuis une dizaine de minutes avec son boutiquier habituel. Le motif de la discussion, Mme Koukougnon trouve inconcevable que le prix du paquet de sucre soit passé de 375 F à 425 F en trois jours.
De son côté le boutiquier, tente d'expliquer qu'il n'est nullement le responsable de cette situation. Cette scène devenue quotidienne est un symptôme de la pénurie de sucre sur le marché ivoirien. Un tour chez certains gros distributeurs de la place ne nous apprend pas grand chose. Car dans ces établissements Sylla, comme chez Frameira et autres, personne ne trouve de raison valable à ce qu'ils qualifient de "prétendue pénurie". Ils affirment tous qu'à leur niveau, la distribution se fait normalement. "Depuis près de deux semaines les livraisons sont beaucoup. plus importantes, certainement en provip sion du mois du jeûne des musu
À la veille de la nomination d'un nouveau gouvernement, le Premier ministre Daniel Kablan Duncan et son équipe ont du pain sur la planche : le prix du pain augmente, le sucre disparaît.
mans", a expliqué M. K. des Établissements Sylla.
Tous montrent du doigt les petits détaillants, adeptes de pénuries artificielles pour monter les prix pendant la période du carême. Si le mois de jeûne justifie les livraisons importantes chez les grands distri-
buteurs, ils signalent également que de nombreux leaders politiques ont acheté du sucre en grande quantité pour leur militants, musulmans, dans la perspective des élections municipales. Du côté des boutiquier, généralement Mauritaniens aucune explication n'est claire. Chacun pratique son prix. Rarement, le prix officiel de 375 F on avance des explications diverses. Certains parlent du prix du transport et de stockage qu'ils incorporent au prix de vente. D'autres par contre, avec franchise reconnaissent que c'est la forte demande en vigueur qui les pousse à augmenter un peu les prix. Le cas de Ahmed Labibi boutiquier mauritanien est assez original. II explique : "J'ai dû réserver pour près de 500 000 FCFA de sucre trois mois à l'avance chez un distributeur. Ainsi j'étais sûr que j'aurai ma marchandise quelque soit le prix".
Des sources proches de la direction générale de la Sodesucre, que nous n'avons pu joindre malgré bien des efforts, l'exportation vers les pays voisins aurait été privilégiée par rapport au marché national qui représente mroins d'intérêt. En fin de compte, il semblerait que de nombreux petits distributeurs aient expressément décidé de faire
de la rétention du sucre. Avec l'assurance que le mois de jeûne sera très "juteux" pour le commerce de sucre. Car chacun imagine la quantité importante de sucre que consomment les musulmans pendant cette période. Les commerçants sont de ce fait rassurés quils vendront bien leur marchandise au plus offrant. Cela s'appelle tout simplement de la spéculation. Au delà de cette question, il se pose la question cruciale du contrôle des prix des marchandises, que les commerçants proposent à leurs clients.
En haut lieu, on rétorquera que la libéralisation des prix ne permet plus à l'Etat de jouer les gendarmes sur le marché. Il appartient donc aux consommateurs de rechercher les prix les moins élevés pour faire ses achats. De fait, nous entrons dans un cercle vicieux. Quoi qu'il en soit, en attendant que la direction générale de la Sodesucre ou le ministère du Commerce réagisse, ce sont des milliers d'lvoiriens et plus particulièrement de musulmans qui risquent de "couper leur carême sans sucre".
Sylvain Hassan Boza