Article
Menacé de déguerpissement : "On veut déloger les musulmans pour faire plaisir aux chrétiens" dénonce Abdoulaye Koné, secrétaire de section PDCI de Gbon
- Title
- Menacé de déguerpissement : "On veut déloger les musulmans pour faire plaisir aux chrétiens" dénonce Abdoulaye Koné, secrétaire de section PDCI de Gbon
- Type
- Article de presse
- Creator
- Franck A. Kouassi
- Publisher
-
Le Jour
- Date
- July 9, 1998
- DescriptionAI
- Abdoulaye Koné, secrétaire de section du PDCI, dénonce une tentative de déguerpissement de sa famille d'un terrain à Adjamé, attribué par le président Houphouët-Boigny il y a 20 ans en compensation d'expropriations antérieures. Il perçoit cette expulsion comme une injustice motivée par des raisons religieuses, visant à favoriser des chrétiens au détriment des musulmans, malgré son long service non rémunéré au parti. Koné, actuellement malade, appelle les autorités à respecter les accords passés et à cesser cette persécution.
- number of pages
- 1
- Subject
- Yamoussoukro
- Félix Houphouët-Boigny
- Henri Konan Bédié
- Mamadou Coulibaly
- Franck A. Kouassi
- Parti Démocratique de Côte d'Ivoire
- Radiodiffusion télévision ivoirienne
- Gouvernement
- Discrimination
- Jésus
- Politique
- Conflit
- Développement
- Justice
- Language
- Français
- Contributor
-
Frédérick Madore
- Identifier
- iwac-article-0010212
- content
-
Menacé de déguerpissement
«On veut déloger les musulmans pour faire plaisir aux chrétiens»
dénonce Abdoulaye Koné, secrétaire de section PDCI de Gbon
Abdoulaye Koné, secrétaire général de la section PDCI de Gbon et ancien speaker en langue nationale à la RTI, a actuellement maille à partir avec les services du ministère du Logement, du Cadre de vie et de l'Environnement. Ceux-ci ont en effet décidé d'expulser sa famille du lopin de terre qui lui a été attribué par feu le président Houphouet Boigny depuis 20 ans à Adjamé. Pour mieux se faire entendre par les autorités, il s'est adressé à notre rédaction. Voici son histoire.
«Je viens m'adresser à votre journal de mon propre chef. Une famine s'annonce et sera fatale pour ceux qui ne feront rien pour trouver de quoi se nourrir. On a interdit aux militants du PDCI de s'exprimer dans les organes de presse autres que ceux du parti au pouvoir. Mais, on ne peut pas demander à une personne d'être sage et la placer au milieu des «fourmis magnants». Je pense que dans ces conditions, la personne se verra obligée de parler.
J'ai une fois pris part à une réunion du parti et j'ai publiquement émis le vœu de rencontrer le président Bédié. Mais, en Côte d'Ivoire, on taxe de mendiant celui qui exprime le désir de voir le président. Moi, je n'ai pas d'argent, mais j'ai au moins mon honneur. Si quelqu'un me donne des billets de banque, je ne refuse pas ; par contre, je ne pense pas aller mendier auprès d'une tierce personne.
Je suis secrétaire de section dans mon village à Gbon depuis le 20 décembre 1970. C'est Boguinard Kéi qui m'a installé. Après l'installation des secrétaires, on nous a fait signer des engagements qui stipulent que nous n'avons pas droit au salaire. J'étais fonctionnaire. J'avais comme numéro matricule 21203 T. Depuis 1975 jusqu'à ce jour, nous n'avons pas touché un centime. C'est dire que nous ne sommes pas allés au PDCI pour de l'argent. Si vous supportez un homme qui ne vous supporte pas également, mieux vaut le quitter. Aujourd'hui, on nous demande de déguerpir de la gare routière qui était le cimetière. J'avais un terrain sur ce site qui ne m'a jamais été attribué. En 1968, j'ai acheté deux lots avec la Sicogi qui faisait la location-vente. De l'échangeur d'Agban jusqu'à la pharmacie, tout ce terrain appartenait à mon père et à moi. Nous avons construit sur nos terrains. Mais pour tracer les routes, les techniciens des Travaux publics ont estimé qu'il fallait casser les habitations. Paix à son âme, Houphouet Boigny était un grand homme : la preuve est qu'il a même construit la Basilique de Yamoussoukro.
Houphouet nous a convoqués. Il y avait Lama Camara, Moussa Koné, député de Man ; El hadj Mamadou Coulibaly, ancien président du conseil économique et social. Ce dernier a lui-même attribué son terrain à l'imam d'Adjamé. Ils sont tous morts. Le président Houphouet nous a informés que pour faire l'échangeur, il fallait détruire nos maisons. Houphouet nous a dit : «Je suis président, certes, mais je ne peux pas créer des mécontents pour vous. Je vous ai convoqués pour vous demander de libérer vos lots. Avec votre accord, nous pourrons faire l'échangeur». La plupart d'entre nous étaient députés. Sauf moi. Il a suggéré que je prenne la parole, étant donné que les autres se trouvaient du même côté que lui. Je lui ai dit : «Merci président. Si un Eléphant rentre dans ta plantation d'igname la nuit pour tout manger, c'est qu'il t'a respecté. Si non, s'il te trouve au champ la journée, qu'est-ce que tu peux lui faire ?». Le président de la République qui a l'armée avec lui et tout le pouvoir nous a suppliés de lui donner nos terrains. je lui ai dit que nous lui remettons tous nos terrains, mais comme Houphouet, intelligent, sait qu'on ne peut pas gouverner avec de l'injustice, il nous a convoqués après la construction de l'échangeur. A l'époque, c'était Alexis Thierry Lébé qui était ministre de la Construction et de l'Intérieur. Houphouet a voulu nous donner des terrains à côté de la gare routière. Mais j'ai été prudent. Parce qu'on nous avait dit qu'il est prévu une voie triomphale qui partira du Plateau en passant par le cimetière. Je lui ai posé ce problème. Et il a ironisé en ces termes : «Abdoulaye c'est moi qui avait décidé de faire la voie triomphale. Je suis allé cherché des experts en Amérique pour qu'ils viennent faire l'expertise des travaux à effectuer». Le président a jugé l'investissement ahurissant. Il a estimé qu'au lieu de créer des problèmes dans le pays, il valait mieux annuler le projet. Houphouet nous a assurés qu'il ne nous donnerait plus de terrains sur l'ancien site du cimetière.
Le cimetière, n'était attribué à personne. C'est la mairie qui a donné des lots aux transporteurs. La mairie nous a récompensés en monnaie de singe. Nous étions neuf personnes à avoir abandonné nos terrains pour la construction de l'échangeur. Neuf lots nous ont été attribués par la mairie à la gare. Un gouvernement qui veut déloger le terrain aux protestants doit savoir que c'est une affaire de Dieu, et non d'intérêt public. Car, il y a beaucoup de religions ici en Côte d'Ivoire. Je suis propriétaire du terrain qui m'a été attribué depuis 1979. Cela fait bientôt 20 ans. Dites au président Bédié que je n'ai jamais rien demandé. Depuis le 20 décembre 1975 où j'ai été installé comme secrétaire section du PDCI dans mon village, je suis sans salaire. Malgré tout, je n'ai rien dit. Le comble, c'est qu'un huissier a été saisi pour me retirer le terrain. Comment peut-on déloger l'imam pour installer des chrétiens, alors que le lot de l'imam n'est même pas dans le cimetière ? Il y a des choses qu'on ne fait pas. Que Fologo aille demander à Bédié qu'on nous colle la paix. J'ai fait trois années dans la maladie, personne n'est venu me voir. Mais, je n'en veux à personne. L'audience que j'ai demandée au chef de l'Etat est restée sans suite. Ses acolytes ont cru que je cherche à prendre de l'argent avec lui. Alors que je voulais attirer l'attention du président sur la volonté de nous retirer nos terrains. Si tu déloges les musulmans, alors qu'ils ont servi l'Etat pour faire plaisir à des protestants, c'est dangereux. Les terrains nous ont été donnés à titre de compensation. Je pense que nous qui ne sommes pas dans la gare, ils veulent nous chasser de nos maisons pour installer leurs familles.
Nous connaissons le pays. Si Bédié et Tiapani disent qu'ils ne sont pas informés, qu'on leur dise de nous coller la paix par respect pour le bon Dieu. Le lépreux ne peut pas traire la vache. Mais, si on trait la vache et qu'on remplit la calebasse, il peut au moins la pousser et la renverser.
Je suis malade depuis trois ans. Je ne demande pas à Bédié de venir payer mes frais de médicaments. Je vais me débrouiller moi-même. Mais à la fin de ma vie, on veut tout m'arracher. C'est parce que Bédié est chrétien, si demain le président est musulman, qu'est-ce qui va se passer ? Vous croyez que si Jésus Christ était encore de ce monde, il aurait demandé qu'on mette des musulmans dehors pour installer des chrétiens ?».
Abdoulaye Koné, secrétaire général de la section PDCI de Gbon et ancien speaker en langue nationale à la RTI.
Propos recueillis par
FRANCK A. KOUASSI

