Article
Adeptes des religions traditionnelles, chrétiens et musulmans face à leurs responsabilités communes
- Title
- Adeptes des religions traditionnelles, chrétiens et musulmans face à leurs responsabilités communes
- Creator
- Mohamed Bachir Soumanou
- Publisher
- La Nation
- Date
- October 25, 1994
- Abstract
- L’Afrique se trouve à un tournant décisif de son histoire, où elle devra faire des choix capitaux dans le domaine culturel -entendez valeurs de civilisation - , dans le domaine politique, économique et social. Dans un premier temps, nous ferons un état des lieux et ensuite nous aborderons les approches de réponses et de solutions aux problèmes posés en tenant compte de certains exemples, tout en relevant les points de convergence de nos responsabilités progressivement.
- Page(s)
- 2
- 7
- Subject
- Athéisme
- Banque Mondiale
- Coran
- Corruption
- Démocratie
- Développement économique
- Fonds Monétaire International
- Paix
- Pluralisme religieux
- Violence
- Rights Holder
- La Nation
- Language
- Français
- Identifier
- iwac-article-0003260
- content
-
L’Afrique se trouve à un tournant décisif de son histoire, où elle devra faire des choix capitaux dans le domaine culturel -entendez valeurs de civilisation - , dans le domaine politique, économique et social. Dans un premier temps, nous ferons un état des lieux et ensuite nous aborderons les approches de réponses et de solutions aux problèmes posés en tenant compte de certains exemples, tout en relevant les points de convergence de nos responsabilités progressivement.
En effet, l’Afrique est aujourd’hui à la croisée des chemins et un constat s’impose :
C’est celui de l’aggravation des problèmes auxquels les Africains font face ;
- Sur le plan économique (dévaluation et autres inflations)
- sur le plan politique (les mouvements démocratiques etc...)
- sur le plan identitaire et surtout sur le plan de la crise des valeurs. Et comme réponses à ces problèmes, à ces crises, l’Islam comme système de valeurs, de même que le Christianisme et les religions traditionnelles devront donner leurs réponses qui seront des réponses «sui généris», puisées directement à leurs propres systèmes d’expressions et de valeurs. Entre autres :
- L’éthique du travail
1 - le travail non seulement paie et libère l’homme,
2 - mais aussi, il est salvateur et est une forme de prière
3 - l’homme doit travailler pour nourrir, habiller et loger sa famille ;
4 - dans une plus large mesure, contribuer à la prospérité de la Communauté.
5 - la confiance mutuelle ;
6 - la probité intellectuelle et morale
7 - La parole donnée et le respect des engagements
8 - la grandeur d’âme qui préserve de transgresser même en cas de nécessité.
9 - la solidarité dans le bien, dans le bonheur et le malheur
10 - le contentement.
11 - l’amour et le respect du prochain etc ... etc...
12 - la corruption est une anti-valeur qui tue le développement
13 - ainsi le corrupteur, le corrompu et leur intermédiaire sont condamnables.
Selon le principe de la démocratie pluraliste qui veut que tous les points de vues aient la même valeur, la différence ne se faisant qu’à la justesse des propos tenus, par leur adéquation au problème posé et à leur dimension communautaire, eh bien, selon ce principe disions-nous, nous discuterons, nous analyserons objectivement, et d’une manière consensuelle, nous retiendrons un canevas de valeurs civilisationnelles à partir desquelles nous fonderons notre engouement et orienterons notre énergie en vue de la réalisation d’une vraie nation. Atmosphère qui génère un véritable brassage de cultures et par extension, une approche viable pour l’ultime voie africaine de développement. La dynamique de l’espoir aidant, la Grâce d Allah parachevant l’effort, nous y parviendrons.
Ces différents points constituent le 1er niveau de responsabilité commune
- Chers frères et soeurs, pour y parvenir, un certain nombre de préalables doivent être établis et non des moindres, car il s’agira de définir la souveraineté religieuse de chaque confession, les libertés fondamentales et inviolables de celle-ci, l’absence totale et inconditionnelle de toute contrainte en matière de religion. Dieu nous dit dans le Coran (S.2 v.256) «Point de contrainte en religion, la vérité se distingue de l’erreur».
Ensuite nous déterminerons les concessions que les différentes communautés doivent se faire dans la tolérance, dans le droit à la différence et dans la paix. En excluant sans appel toute forme de violence.
C’est là notre 2ème responsabilité commune
Au demeurant, on ne peut pas dissocier le rôle et l’influence plus accrus des religions dans le combat global pour le pluralisme démocratique et le développement qui se fait aujourd’hui en Afrique ; et qui fait que les formations politiques, les différents courants et tendances cherchent dans les valeurs qui sont les leurs, que ce soit dans le capitalisme, que ce soit dans le socialisme ou dans une moindre mesure dans le communisme, ou encore dans certaines dérives ethniques ou religieuses, un discours qui leur permet de s’affirmer en tant Sue structure politique, lais, force est de constater qu’aucune de ces formations politiques ne propose un vrai modèle de société avec des valeurs de civilisation qui suscitent le consensus et l’adhésion de la majorité. Je n’en veux pour preuve que la pluralité de ces partis, et la similitude de leurs discours. Aux dernières nouvelles il y en a 66.
Eh bien, seul un vrai dialogue, dans un cadre démocratique de débats pluralistes, que l’on ne peut plus occulter, ni éviter, ni neutraliser par quelque moyen que ce soit, au risque de voir d’une part des dérapages du genre des événements de Parakou, de Porto-Novo, de Comè, etc... d’autre part, des incompréhensions, des blocages intellectuels, des sectarismes de toutes sortes qui entraîneraient inévitablement des extrémismes en tout genre, chacun exultant de la doctrine qu’il professe. (Rwanda, Algérie etc...). Ainsi donc, c’est dans le dialogue que nous parviendrons à des équilibres au sein de nos systèmes de valeurs, qui sont essentiellement des solutions aux situations de crises, étant entendu que les prophètes ont tous apporté des messages divins, des solutions de miséricorde aux situations de crises que la sagesse divine a voulu qui soient en alternance avec des situations de paix et d’épanouissement.
Or donc, il est possible qu’il y ait un risque, mais ce risque la, il faut l’assumer de manière démocratique, ouverte et responsable en tenant compte de la structure multiconfessionnelle de nos familles et du long parcours historique de la société béninoise.
C’est là notre 3ème responsabilité commune
Dès lors, nous pourrions nous permettre d’entrevoir une issue vers le développement vu surtout par les Africains eux-mêmes et en réel partenariat avec les autres. Car en fait, comme le dirait l’autre, «le développement est une atmosphère que l’on crée, c’est une certaine harmonie que l’on crée dans ses relations avec l’environnement et qui de ce fait, demande une action soutenue et collective, c’est-à-dire une profonde solidarité entre les acteurs - individus ou sociétés «-Dieu nous dit dans le Coran (s. 39 v 18): «Ceux que Dieu dirige et qui sont doués d’intelligence sont ceux qui écoutent tous les préceptes et suivent les meilleurs».
Qu’est-ce qui définit le bonheur de l’homme africain? A quoi aspire-t-il? Et comment peut-on le lui procurer?
Toutes ces questions relèvent du domaine des valeurs, donc des objectifs d’un idéal vers lequel nous devons tendre. On ne peut pas concevoir de progrès sans objectif, on fixe des objectifs et ensuite on essaie de les atteindre. On balise, et on corrige au fur et à mesure que l’on avance. Le problème de développement n’est pas d’abord un problème technique et technologique, c’est un problème humain. Il s’agit que les hommes eux-mêmes, prennent des initiatives et qu’ils aient des incitations; et des motivations pour le faire.
Voyez-vous, il y a comme une espèce de complicité cynique à l’échelle mondiale, on nous octroie des crédits; que ce soit de la Banque Mondiale, du Fonds monétaire international etc... - avec la certitude de remboursement «s’il vous plaît» - qui permettent de financer les grosses entreprises occidentales, on nous installe ça en Afrique, on dit qu’on fait du développement, on publie des statistiques pour dire: voyez comme les pays occidentaux sont généreux, ils aident l’Afrique, bien entendu en Afrique il y a quelques-uns qui en profitent aussi, mais le développement ne suit pas, parce qu’il ne vient pas des hommes eux-mêmes, il est conçu purement comme un mécanisme technologique générateur de dollar ou de franc français etc... En plus, il y a le problème de la dette, et celui des termes de l’échange (on ne nous demande pas notre avis sur le prix de nos matières premières pas plus qu’on ne nous le demande sur le prix des produits manufacturés qu’on nous vend). Comment voulez-vous qu’avec ces handicaps on parvienne à quelque chose de sérieux pour le continent?
Par ailleurs, du point de vue interne, le premier obstacle est d’ordre institutionnel, dans la mesure où l’on a fait tout reposer sur l’Etat pour ce qui est du développement.
Situation qui génère une carence de responsabilité et produit des individus non patriotes; du moment qu’ils rejettent tout sur l’Etat qui est considéré comme une espèce de Léviathan, une abstraction, quelque chose de fugace; par voie de conséquence nos actions et les actes concrets que nous posons ne réflètent pas toujours le souci de la prospection ni de provisions pour la génération future. Notons donc, que derrière toutes ces institutions, sont des hommes qui appartiennent nécessairement à une confession donnée - Car je ne pense pas qu’il y ait en Afrique des athés et même s’il y en avait, ils seraient en nombre insignifiant - Confession dans laquelle ils moulent leurs comportements quotidiens et leurs modes de vie. Il leur est donc loisible d’agir avec noblesse et dignité ou au contraire d’une manière rustre et avec bassesse, selon qu’ils respectent ou non les valeurs cardinales de leur confession. L’homme africain doit définir son propre concept de développement à partir de ses valeurs reconnues de manière consensuelle.
C’est là notre 4è responsabilité commune
En définitive, nous pouvons dire que les institutions reposent sur des valeurs de civilisation et qu’il n’y a pas de développement sans valeurs stables: le développement de l’Amérique, considérée aujourd’hui comme le modèle occidental, repose sur un certain nombre de valeurs stables qui sont que l’individu est roi, il lui faut la liberté d’entreprendre et de réussir à amasser le maximum de biens et de bien-être matériel.
Il va sans dire qu’il ne devra pas s’embarrasser de scrupules communautaires.
D’un autre côté, le développement du Japon repose sur un certain nombre de valeurs sous-jacentes qui sont que la communauté est reine, et il faut que l’individu trouve sa place dans le groupe et aide celui-ci à atteindre le maximum de sa productivité!
A la lumière de ces deux exemples, quelles sont les valeurs sur lesquelles repose le développement en Afrique aujourd'hui? On ne développe pas un pays avec des statistiques, on n’améliore pas le niveau de vie d’une population avec des taux de croissance, ni avec un équilibre de la balance des paiements. Dieu nous dit dans le Coran (S. 13 V. 11) «Dieu ne modifie nullement le sort d'un peuple tant que ce peuple ne modifie pas ce qui est en lui-même.» Il s’agit là de valeurs. Il faudrait proposer aux Africains des valeurs et un bon projet de société. Les réponses techniques et technologiques viendront en surcroît.
L’Islam tout en reconnaissant à l’individu le droit à la propriété privée, lui fait comprendre d’une part qu’il est un usufruitier qui devra rendre compte un «jour certain» de tout ce qu’il aura amassé. D’autre part, que dans sa richesse, le pauvre a un droit inaliénable de 25%. Donc, sa richesse est greffée de charges communautaires. Enfin, il lui fait comprendre qu’une richesse acquise par des moyens malhonnêtes ou illicites; (corruption, vol, escroquerie, jeux de hasard: loteries nationales P.M.U, Télé-Millions etc...) est illicite et toutes les bonnes oeuvres réalisées à partir de celles-ci sont nulles et de nul effet pour le salut de son âme.
Telles sont quelques valeurs cardinales qui sous-tendent le développement économique et social en Islam.
L’homme africain jouit d’une baraka que je nommerais «Le Contentement»: c’est une qualité, une grandeur d’âme et peut- être même une situation de facilité qui lui permettent de se suffire de très peu, tout en menant une vie digne et noble. Al Hamdou Lillah (louange à Dieu).
Pour conclure, nous souhaiterions que pendant que les pouvoirs publics s’ingénient à trouver des solutions caritatives et souvent expéditives aux problèmes qui minent nos sociétés africaines, ils devraient au même moment s’investir davantage dans la recherche des solutions de fonds en les analysant en composant d’une manière démocratique et ouverte avec les différents systèmes de valeurs que sont les confessions religieuses.
C’est là essentiellement notre 5è responsabilité commune.
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